Ils sont nombreux ces petits mecs au cours des 15 dernières années à m'avoir expliqué la vacuité de mes combats féministes.
Les bars interdits aux femmes seules ? Oui mais le viol c'est plus grave.
La féminisation des noms de métier ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les femmes à moitié nues dans des vitrines de grands magasins ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les chanteurs qui massacrent leur compagne ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Le Mademoiselle ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les scénaristes de série à succès qui disent des conneries sexistes ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les humoristes qui embrassent de force des filles dans la rue ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les femmes interdites dans les sous-marins ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les stabilos pour femmes ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Les photos volées ? Oui mais le viol c'est plus grave.
Il va falloir se mettre en tête - que je me mette en tête - que le féminisme ne se passera pas des hommes.
Je peux bien écrire 500 textes expliquant ce qu'est le viol, tant que le groupe "hommes" ne sera pas bien convaincu qu'il ne faut pas violer, on n'arrivera à rien. Tant qu'il n'y aura pas une prise en compte nette qu'il y a un léger problème dans la construction du masculin, qui entraîne le viol (et rien que de déjà poser cela est une sorte de révolution totale qui me vaut la glorieuse réputation de haïr les hommes, on ne se demande jamais si les hommes haïssent les femmes pour autant leur faire du mal. Enfin on arrive à démontrer qu'un type qui éclate la tête d'une femme contre un radiateur commet un crime passionnel alors bon...).
En 15 ans de féminisme, jamais personne n'est venu me dire '"Mais dis donc, au vu des statistiques là, les hommes ne haïraient tout simplement pas les femmes ? Cela ne serait pas cela le problème ," Alors que en revanche, parce qu'on veut empêcher le viol, parce qu'on veut empêcher la violence conjugale, parce qu'on veut empêcher les discrimination, ca serait nous qui serions haineuses ?
Mais haineuse de quoi ?
Beaucoup d'hommes, lorsqu'ils en viennent à s'intéresser aux féminisme veulent aider dans les combats pré-existants. Ainsi on le voit militer pour que la rue soit à tous et toutes, militer pour l'égalité salariale ou je ne sais quoi. Mais ces combats là sont déjà pris en charge par les femmes qui n'ont donc nul besoin qu'on leur tienne à la main. En revanche, nous avons besoin qu'on détruise déconstruise la virilité. Les femmes ne sont pas discriminées toutes seules, elles le sont car les hommes ont des avantages.
Si les femmes sont payées 20% de moins à compétences et poste égaux, c'est que les hommes sont payés 25% de plus.
Si les femmes n'occupent pas l'espace public, c'est que les hommes l'occupent et trouvent cela tout naturel.
Si les hommes ont le temps de se demander quand et comment ils pourraient aider les femmes, c'est pendant que ces dernières n'ont pas ce choix là.
Je cite Guillaumin (texte écrit dans les années 80) : "Nous sommes toujours «plus» ou «moins». Et jamais nous ne sommes le terme de référence. On ne mesure pas la taille des hommes par rapport à la nôtre alors qu'on mesure la nôtre par rapport à celle des hommes (nous sommes «plus petites») laquelle n'est mesurée que par rapport à elle-même. On dit que notre salaire est un tiers moins élevé que celui des hommes, mais on ne dit pas que celui des hommes est de moitié plus élevé que le nôtre, il ne représente rien que lui-même."
A donc eu lieu hier la première réunion autour de la masculinité : nous étions 8 pour cette première rencontre.
Il s'agissait d'établir déjà le pourquoi de ces réunions. Chacun s'est ainsi présenté et a évoqué pourquoi il avait eu envie de venir. Ont été évoqués des problèmes tels que le sexisme au travail, la difficulté à correspondre à un certain modèle viril, l'assignation du genre ou la paternité.
Nous avons aussi rappelé que la lutte contre les discriminations subies par les femmes, passe autant par une déconstruction de la virilité ; comment un homme pourrait-il par exemple garder son enfant malade si nous restons collectivement persuadés que cela n'est pas son rôle ?
Il reste quasi tout à faire en matière de déconstruction de la virilité et s'il était clair pour les hommes féministes présents qu'ils continueraient à soutenir les femmes féministes si elles le souhaitaient, il leur semble aussi important de travailler sur la masculinité.
Chacun a donc pu dire ce qui l'amenait et ce qu'il attendait de ces réunions et les thèmes à aborder.
Les discussions auront donc duré 5 heures :).
En vrac des pistes de réflexion :
- comment réagir face à des collègues sexistes
- faut-il systématiquement réagir face à des propos sexistes si l'on sent qu'on ne va pas être entendu
- l'éducation d'un enfant et l'injonction de genre
- comment réagir en tant qu'homme face aux violences sexistes
- les expériences d'hommes pro-féministes à l'étranger
- l'assignation de genre en tant que violence
Et la prochaine réunion est en préparation pour le mois de décembre. Contactez-moi par mail si vous êtes intéressé-e.
Je laisse les participants poster leur ressenti s'ils le souhaitent.
Ce texte a été écrit par xenomorf, un intervenant régulier du blog. Il propose donc des rencontres autour de la masculinité. Si vous souhaitez que je vous mette en contact avec lui, dites-moi dans un commentaire que vous acceptez que je lui donne votre email et xenomorf vous contactera.
Place à xeno donc 🙂
EDIT ; les réunions peuvent très bien être mixtes.
Beaucoup d'hommes semblent très occupés à tenter de définir leur place dans le féminisme. C'est pour moi un phénomène assez curieux que de voir des hommes, qui ont déjà une place immense dans la société, venir encore en réclamer une dans le féminisme, perdre du temps à débattre de ce sujet alors qu'il y a d'autres urgences. Discuter de sa place c'est toujours un temps qui ne sera pas passé à discuter des inégalités subies par les femmes.
Alors puisque certains cherchent leur place dans le féminisme, que même là il faut se préoccuper d'eux sinon ils passent leur temps à solliciter notre attention pour en réclamer une, attribuons leur en une.
Je suis tombée la semaine dernière sur ce billet d'un chroniqueur sexo du Plus, journal qui a déjà eu quelques soucis avec le viol et ferait bien, au passage, de relire certains textes de ses chroniqueurs avant de persister sur un sujet d'évidence pas maîtrisé (et je reste gentille).
On va le dire tout net un homme ne peut pas donner de conseils sur le viol aux femmes. Non il ne peut pas ; qu'il en donne aux hommes sur le sujet s'il veut, qu'il apprenne aux centaines de milliers d'hommes agressés à se défendre, aux dizaines de milliers d'hommes violés à se défendre mais pas aux femmes.
Il y a eu cet article il y a trois ans qui m'a mise tellement, mais tellement en colère. Un enfant de 5 ans décide de se déguiser pour halloween en Daphné, personnage de Scoobidoo . Déguisement qui pose visiblement beaucoup de problèmes aux mères de ces camarades qui tentèrent de culpabiliser la mère et l'enfant. Un enfant de 5 ans voit sa simple décision de se déguiser en un personnage féminin condamnée. Parce qu'un mâle n'a pas à endosser des costumes féminins, parce que ca pourrait le rendre homosexuel (WTF ?)
J'étais en train d'écouter une émission sur le "féminisme au masculin" et d'un coup cela m'a profondément gonflée.
Les hommes sont une classe dominante. Qu'ils le veuillent ou non. Ils en font partie qu'ils le souhaitent ou pas.
Si vous êtes embauché au même poste qu'une femme à compétences et diplômes égaux, vous serez probablement mieux payé. Vous n'y êtes pour rien mais c'est ainsi.
Entre une jeune mère de famille et un jeune père de famille, on tendra aussi à embaucher l'homme puisqu'on partira du principe que la femme va beaucoup s'absenter quand l'enfant sera malade.
Les exemples sont légions. Qu'ils le veuillent ou non, les hommes bénéficient de ces privilèges.
Chaque année, aux alentours du 08 mars, je sens une immense lassitude. J'ai juste envie de prendre un jour de congé pour ne pas avoir à lire les monceaux de conneries, les plaisanteries-que-tu-comprends-pas-car-t'as-aucun-humour - que me réserve cette merveilleuse journée.