Fév 052014
 

J'ai lancé sur twitter quelques conseils aux hommes qui souhaitaient participer au combat féministe. L'un de ces conseils a suscité énormément de réactions, il disait quelque chose comme ; "la nuit, si vous  êtes derrière une femme seule, changez de trottoir et accélérez pour lui montrer que vous n'êtes pas un agresseur".

Je ne vais pas ici revenir sur ce conseil j'en parlerai dans un prochain article, mais plutôt sur les réactions qu'il a suscitées.

Je vous propose de relire cet article Tu sera violée ma fille qui avait déjà, quand je l'avais écrit, suscité une grosse vague de réactions.

Je vais y revenir brièvement. Les femmes sont éduquées dans la peur ; cela ne veut pas dire que toutes ont peur mais que toutes subissent des injonctions à avoir peur, injonctions qui sont pour la plupart irrationnelles. Je vais résumer des points que j'ai abordés à de nombreuses reprises dans mon blog donc je vous incite à faire quelques recherches. Les femmes risquent davantage d'être violées par une personne connue chez elle ou chez le violeur ; le risque d'être violée la nuit, par un inconnu est faible ; pourtant on enseigne aux femmes que la rue est un espace hostile où elles risquent le viol à tous les coins de rue. La majorité des viols se déroule chez la victime ou chez le violeur ; le violeur est connu dans la majorité des cas. En clair, une femme risque davantage d'être violée par quelqu'un qui la raccompagne que par un inconnu dans la rue.
Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a aucun risque dans l'espace public mais qu'il est de toute autre nature que ce que craignent les femmes ; on peut se faire voler son portable par exemple c'est un risque mais ce n'est pas ce que craignent les femmes dans leur majorité.
Parallèlement les hommes sont beaucoup agressés physiquement dans la rue ; il leur est enseigné de ne pas avoir peur et d'affronter ces dangers là.  Ainsi en 2011, 360 000 hommes ont été victimes de violences physiques hors ménage contre 300 000 femmes. On constate que davantage d'hommes que de femmes peuvent être victimes d'une agression physique mais aucun homme n'a jamais été élevé dans la peur ; bien au contraire, on lui demande de l'affronter pour ne pas être "une femmelette". On ne proposera pas à un homme de le raccompagner chez lui par exemple.

Les femmes ont donc affaire à des injonctions fortes où revient en permanence la peur du viol. Cette peur se manifeste par beaucoup de stratégies de la part des femmes afin de pouvoir sortir plus ou moins librement. A été lancé hier le hashtag #safedanslarue par deux femmes qui montre ces stratégies. L'importance du nombre de réactions montre l'importance du problème ; beaucoup de femmes ont peur. Cette étude montre d'autres stratégies employés par des femmes la nuit. Evidemment je ne nie pas que des hommes puissent avoir peur ; en revanche cette peur n'est pas d'origine systémique c'est à dire engendré par un système sexiste qui place les femmes dans une situation de peur permanente et pire.

Nous sommes évidemment tous et toutes responsables de cet état de fait car nous entretenons la peur chez les femmes à coup de conseils paternalistes, d'inquiétudes subtilement distillées, voire de reproches clairs et nets.  Il est donc difficile de soudainement demander aux femmes de ne pas avoir peur alors que la société toute entière les conditionne ; souvenez vous de cette page du ministère de l'intérieur !

On peut espérer, un jour, lorsque la peur du grand méchant gender sera dissipée, qu'on repuisse parler de l'éducation ; qu'il convient de ne pas insuffler de la peur aux femmes par exemple. Pensez donc ; on leur dit d'avoir peur sans leur donner aucun moyen de se défendre puisqu'on inhibe la violence chez les femmes !   On leur dit qu'elles risquent le viol mais dés leur plus jeune âge on leur apprend à ne pas frapper, à ne pas crier, à ne pas être agressive car cela n'est pas joli pour une femme. On les place donc sous la dépendance des hommes, et sous la peur des hommes inconnus. (et quand on se rappelle que le viol est surtout commis par des connaissances c'est d'une ironie cruelle).
En attendant, il va falloir faire avec pour encore un temps et donc accepter que les femmes aient peur, y compris des hommes qui se sentent de parfaits gentlemen.

Il n'est pas possible pour une femme dans la rue de savoir qui vous êtes ; elle ne peut savoir que vous êtes un homme charmant et qu'elle ne risque rien. C'est sans doute peu agréable à entendre mais croyez que c'est encore moins agréable à vivre.
Et on en arrive à la partie compliquée du programme ;  demander aux hommes de changer un peu leurs habitudes, leur façon de parcourir les rues afin que les femmes se sentent moins en insécurité.
J'ai constaté hier à partir du hashtag twitter que beaucoup d'hommes préféraient nier la réalité que la penser vraie ; elle est atroce en effet. Elle l'est encore plus pour les femmes. je suppose que réaliser que vos soeurs, amies, copines, femmes, filles, mères, collègues ont peur vous met mal à l'aise. L'ignorer ne changera pas les choses. Vous comporter en chevalier blanc non plus. Les empêcher de sortir non plus. En revancher, adopter des méthodes - dont on parlera dans un prochain article - sur comment montrer aux femmes qu'elles ne risquent rien face à vous ne vous coûte pas grand chose.

Certains d'entre vous ont dit que je cautionnais "la résignation". C'est bien et drôle quand on pense que vous avez découvert la peur des femmes via un hashtag alors que nombre d'entre elles vivent avec la peur depuis leur naissance. C'est bien et drôle que d'un coup vous montiez sur votre grand destrier blanc pour expliquer aux femmes, puisque vous avez été avisé de leur situation depuis dix minutes, qu'elles ne devaient pas se résigner. Cessez de cautionner tous, collectivement, des situations favorisant la peur des femmes en premier lieu. Les femmes ne sont pas résignées puisqu'elles sortent alors qu'on leur explique, doctement, qu'elles risquent le viol à tous les coins de rue et que ce vil, quasi inéluctable, sera la fin de leur vie. Imaginez vivre 5 minutes avec cette peur là et n'osez plus parler de résignation.

J'ai également compris qu'il vous déplait d'être assimilé à un violeur à un agresseur sexuel, qui dans votre tête doit avoir la bave aux lèvres  et la tête d'Emile Louis alors que vous avez le charmant physique d'un jeune premier. Etre un agresseur sexuel n'est pas visible sur votre visage, et oui dans la rue, vous pouvez passer pour tel. Que vous le vouliez ou non. En tenir compte l'espace d'un instant pour que les femmes se sentent davantage en sécurité ne me parait pas un grand effort à faire.

(comme sus précisé il ne s'agit pas de revenir sur le conseil en lui même dont je reparlerai dans un autre article.)

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  117 réponses sur “Le trottoirgate ou comment la peur vint aux femmes”

  1. On constate que davantage d'hommes que de femmes peuvent être victimes d'une agression physique mais aucun homme n'a jamais été élevé dans la peur ; bien au contraire, on lui demande de l'affronter pour ne pas être "une femmelette". On ne proposera pas à un homme de le raccompagner chez lui par exemple.
    Est-ce que ça ne serait donc pas l'inverse qui devrait avoir lieu ? éduquer les personnes à raccompagner homme comme femme chez eux, principalement quand ils sont à risques (= bourré, pour reprendre l'exemple que je donnais en tweet), plutôt que de proposer de ne raccompagner personne ?

    J'ai la sensation, comme souvent, d'un chemin qui me gêne dans les réflexions féministes, une sorte de chemin pensé pour les femmes, et pas pour les deux genres. Raccompagner une personne bourrée devrait être automatique à mon sens, que ce soit un homme ou une femme (à moins que la personne, homme ou femme, soit barraqué|e as hell avec son couteau à la main, m'fin bon).
    De la même manière, apprendre à chaque individu à ne pas "caler son pas" sur celui de la personne devant lui me semble bien plus intéressant. Parce que oui, sentir une personne qui marche derrière soi à la même vitesse que moi, ça me fait flipper perso, et le coup de sortir le portable pour que la personne dépasse n'est pas exclusivement féminin.
    Ce que je veux dire, c'est que le conseil me paraît bon (changer de trottoir ou simplement accélérer le pas et passer devant ou au contraire ralentir et rester loin derrière) mais qu'il ne me semble pas à appliquer exclusivement aux femmes de même que raccompagner quelqu'un.

    • sauf que dans les faits si ton pote est bourré, il y a de grandes chances que tu le sois aussi. Si on prend l'exemple de tous les mecs qui se sont noyés dans la Deule, qui sortaient chaque fois de boite, je pense qu'il était clair que leurs amis l'etaient aussi donc il parait compliqué qu'une personne bourrée en raccompagne une autre.
      " (à moins que la personne, homme ou femme, soit barraqué|e as hell avec son couteau à la main, m'fin bon)." sauf que bourrée ce que tu risque c'est surtout l'accident. pas l'agression. Bourré, un de mes potes a escaladé une passerelle à Lyon et est tombé dans la Saone ; voila typiquement ce qu'on risque bourré. pas le viol.

      • Et deux personnes bourrées risquent moins l'accident qu'une seule. (sauf cas gros crétins qui font les cons ensembles, m'fin bon encore une fois)
        Le seul soucis "pratique" sera le problème que la personne qui raccompagne va devoir rentrer seule après, ce qui est assez inepte quand on y pense (à moins d'entrer dans un cercle éternel, yay !).

        Mais encore une fois, cela ne devrait pas s'appliquer qu'aux femmes, mais à tout un chacun. On ne laisse pas quelqu'un torché rentrer chez lui seul la nuit me semble évident. (à moins que la personne insiste, et encore)

        • Sauf que pour une femme, la question ne se passe pas seulement quand on est bourrée, c'est tout le temps.
          Cela m'arrive de rentrer la nuit, souvent lorsque j'ai une soirée dans Paris alors que j'habite en banlieue, près de 1h de trajet en pleine nuit.
          j'ai beau l'avoir fait plusieurs fois, j'ai beau savoir que je ne croiserai pas un violeur à chaque coin de rue, je ne peux pas m'empêcher cette accélération du cœur chaque fois qu'un homme approche... et s'ils sont plusieurs c'est pire. J'arrive à le masquer, enfin je crois, mais comme l'a si bien présenté Valérie, la peur d'une femme dans la rue, c'est systématique!

        • On n'a pas évoqué une seule fois le fait de raccompagner une personne "bourrée", mais bien une personne tout simplement. Et oui, lorsqu'il s'agit d'une femme on lui propose systématiquement (par exemple après des réunions de travail tard le soir, j'en parle pour le vivre presque chaque jour), et on ne demande pas aux hommes.
          Ce que l'auteure de l'article veut dire, ce n'est pas qu'il ne faut raccompagner personne ou ne se soucier de personne, elle fait le constat qui est qu'on apprend aux femmes à avoir peur en leur proposant, entre autre, de les raccompagner tard le soir, ce qui implicitement veut dire "oui, tu as plus de chance de te faire agresser dans la rue". C'est ainsi que la société met les femmes dans une position de peur permanente, ce qui est moins le cas pour les hommes.
          Désolée si cela ne convient pas à votre chemin de pensée égocentré, mais cet exemple prouve que la société ne traite pas les femmes et les hommes pareillement, et c'est pour ça que le combat féministe s'adresse en grande partie aux femmes : pour rétablir cette disparité. Nier ces disparités ne les fera pas disparaître.

    • Je ne peux malheureusement pas lire tous les commentaires. Ces explications sont certes intéressantes, mais contradictoire pour quelqu'un qui se prétend pour l'égalité des sexes. Les individus (masculins en l’occurrence), n'ont pas plus que les femmes à faire les frais d'une société paternaliste au niveau individuel. Demander à un individu masculin de changer de trottoir pour rassurer les femmes dans la rue le soir, c'est suggérer que cet individu, du simple fait que c'est un homme, porte intrinsèquement en lui un potentiel d'agresseur. C'est exactement le même raisonnement qui poussent certains à recommander -quand ce n'est pas obliger- les femmes à porter des jupes longues pour ne pas exciter les mecs dans la rue -"montrez à des hommes que vous êtes pas des putes en mettant des jupes longues ça ne vous coûtera pas grand chose" : modifier un comportement en fonction de préjugés au lieu de vouloir changer les préjugés eux-mêmes. Désolé, ce n'est pas admissible. Je ne nie pas la réalité que vous dessinez sur le fait que des femmes peuvent avoir peur le soir dans la rue, ni même les causes de ceci (je suis d'accord avec votre constat). Mais les hommes n'ont pas à en porter les conséquences du simple fait qu'ils sont des hommes. C'est donc un conseil mysandre pur et simple car on peut généraliser ce concept et l'appliquer aux noirs, aux arabes, aux homo etc. Je vous rappellerai également que,certes, "etre un agresseur sexuel n'est pas visible sur [le] visage", mais vous oubliez de dire que ce n'est pas inscrit dans le sexe non plus. C'est pourtant ce que suggère ce conseil adressé exclusivement aux hommes.

      • "Demander à un individu masculin de changer de trottoir pour rassurer les femmes dans la rue le soir, c'est suggérer que cet individu, du simple fait que c'est un homme, porte intrinsèquement en lui un potentiel d'agresseur. C'est exactement le même raisonnement qui poussent certains à recommander -quand ce n'est pas obliger- les femmes à porter des jupes longues pour ne pas exciter les mecs dans la rue -"montrez à des hommes que vous êtes pas des putes en mettant des jupes longues ça ne vous coûtera pas grand chose" :

        Non, c'est pas la même chose.
        Ce qu'on demande à l'individu masculin, c'est de comprendre l'appréhension que peut avoir la femme qui marche devant lui et ne sait pas qui il est. Et s'il est capable de le faire, ça ne le diminue pas en tant qu'individu, bien au contraire.

        Demander à une femme de porter des jupes longues, c'est insister sur le postulat qu'elle est une victime potentielle, et lui demander de restreindre une partie d'elle-même.

  2. Finalement, ce qui ressors des quelques conversations que j'ai pu avoir avec des mecs c'est la difficulté pour eux d'accepter qu'ils puissent être perçus comme une menace, et du coup le refus d'agir en conséquence (ce qui est incroyablement égoïste). Il y a comme une distorsion de la pensée entre : "la peur et la violence est genrée", idée sur laquelle on peut à peu près s'accorder, et "les hommes sont une menace pour les femmes, donc je peux être perçu comme une menace" (dans le contexte d'une société patriarcale, bien sûr). Je sais pas du tout comment faire tomber ce truc de "c'est pas moi, c'est les autres, je ne suis pas responsable du comportements des "méchants hommes", donc je n'ai pas à modifier mon comportement". Et si je fouille bien dans mes souvenirs, je me dis que j'ai probablement eu le même type de réaction en tant que blanche par rapport au racisme, du type "Ah mais pourquoi pèse-t-il un à priori négatif sur moi, alors que je suis pas raciste, moi ?"
    Une dernière chose, ce type de réaction pour moi c'est aussi une sorte de stratégie de diversion, hier on a argumenté des heures sur cette histoire de trottoir, et complètement oublié les autres propositions...

    • Je ne pense pas qu'il faille y voir une notion de stratégie, mais plus de cristallisation. On se focalise facilement sur les points qui étonnent & dérangent que sur ceux qui paraissent évident.
      Si je prends le point 18 ou le point 6 (respectivement, ne pas avoir peur de la demi-molle et ne pas minimiser le harcèlement) ils sont basiques, tout le monde est ok, ça fait réfléchir, mais il n'y a aucune possibilité de se sentir dérangés, donc forcément ils sont moins vu, etc... Pas forcément à voir de la stratégie.

      Parallèlement, je pense qu'il ne faudrait pas oublier que si l'homme peut être vu comme une menace, il faudrait essayer de lui rappeler qu'il ne l'est pas forcément. Or, bien souvent, dans ce genre de propos, ce qui gêne, c'est cette sensation d'éternel enfermement dans l'agresseur, avec l'impossibilité d'être un autre. Tu me diras "c'est précisément ce pourquoi ces conseils ont été donnés" et tu as entièrement raison.

      Le conseil en question, aurait sans doute mérité d'être expliqué plus en détail, car il parle d'une situation dont on ne se rend pas compte. Et de par ce fait, oui, il fait mal à l'homme, mais surtout, il est pris dans un sens négatif, et non positif. Je ne sais pas comment m'expliquer sur ce point, et je me doute que ce n'est pas clair. Ce que j'essaye de dire c'est que ce conseil devrait être là, non pas pour dire que l'homme qui ne change pas de trottoir est un con, mais pour dire que c'est mieux de changer de trottoir. Parce que, justement, sur twitter, on trouve des personnes (a___k par exemple) qui amalgament déjà les personnes ne changeant pas de trottoir à des cons.
      Et euh.... Non. On ne peut pas avoir une vigilance de tous les instants.

      C'est sans doute ça qui a dû gêner, à mon sens, cette sensation d'une impossibilité de ne pas être vu comme un agresseur. Cette sensation d'une cage définitive, de laquelle il est impossible de sortir.

      Cette sensation, en somme, que la culpabilisation est plus importante que le fait d'essayer d'arranger les choses.

      • Je crois qu'on pourra survivre à quelques twitts nous traitant de cons très cher. Je suis toujours halluciné par les gémissements des hommes dès qu'on leur met le nez dans le quotidien des femmes.

        Je n'ai jamais eu peur d'être violé, je n'ai jamais changé de trottoirs parce qu'il y avait un groupe de mecs plus loin, je n'ai jamais été interpelé, sifflé, insulté... en 28 ans. Donc oui, c'est bon, on pourra survivre à quelques twitts qui nous traitent de cons.

        Allez, au lieu de dire "Ouiiiin vous êtes méchantes avec nous les hommes" tu disais : "ah la vache, je ne me rendais pas compte de votre quotidien, c'est hallucinant. Je vais maintenant TOUT faire pour que vous vous sentiez moins mal. Expliquez-moi ce que je devrais faire."

        Je suis sûr que ça te ferait du bien en plus.

        • Je ne vais pas être cruel avec toi, je vais simplement te dire que réfléchir ça serait bien parfois. Et pas juste répondre pour le plaisir de répondre. cya.

          • Tu es bien bon.

          • merci de rester poli. en l'occurrence tu t’arrêtes effectivement beaucoup sur ce que ressentent les hommes sans une seule seconde penser aux femmes. voilà ce que te fait remarquer JER. essaie donc d'y penser. (pas la peine de reposter là dessus le sujet est clos).

        • > Je n'ai jamais eu peur d'être violé, je n'ai jamais changé de trottoirs parce qu'il y avait un groupe de mecs plus loin, je n'ai jamais été interpelé, sifflé, insulté... en 28 ans

          Oui, ben ça dépend dans quel genre de quartier on vit. Quand on s'est fait agresser gratuitement étant enfant ou adolescent, on finit aussi par avoir les boules en croisant certaines personnes dans la rue... Prétendre qu'avoir peur est l'apanage des femmes est un peu surréaliste (et tous les mecs sont loin d'être des durs-à-qui-on-ne-la-fait-pas).

  3. J'ai pas participé à #safedanslarue parce que c'était un peu long, mais personnellement, j'avais carrément arrêté d'aller à un de mes cours à cause de ça. Je finissais à 20h et devais, pour rentrer chez moi, passer par un parc pas particulièrement bien fréquenté (beaucoup d'histoires d'agressions) en pleine banlieue lyonnaise. Tant qu'il y avait de la lumière, ça allait, mais en hiver j'ai eu le flip de ma vie en étant surprise par un mec qui s'étirait après sa séance de jogging : je me suis aperçue de sa présence alors que j'étais à 1m de lui, il n'avait ni bougé ni parlé tandis que je parcourais les 30-40m qui me séparaient de lui lorsque je suis arrivée sur le chemin (et je suis pas discrète). Et en a profité pour me foutre la trouille. Ce charmant connard m'a littéralement empêchée de continuer d'aller à ce cours (pas moyen de demander à quelqu'un de me raccompagner, pas de transports en commun pour aller chez moi, en particulier à cette heure). J'ai tout bonnement arrêté d'aller à ce cours et j'ai été marquée défaillante.
    J'en ai parlé avec mon copain, de cette histoire et du "trottoirgate". Il ne voit pourtant pas l'intérêt de faire un petit effort pour faire en sorte que les femmes se sentent en sécurité...

  4. "Cette sensation d’une cage définitive, de laquelle il est impossible de sortir.

    Cette sensation, en somme, que la culpabilisation est plus importante que le fait d’essayer d’arranger les choses."

    C'est marrant ce que tu dis car ca représente tres bien la situation des femmes vis a vis de la peur constante et cette tendance a etre toujours placée comme une victime potentielle.
    Ce que je veux dire c'est que si ce sentiment de devoir toujours etre en position d'aggresseur infondée ou non est le meme pour les femmes qui en ont marre d'être enfermée dans un sentiment de peur.

    je dis pas ca en mal, j'ai trouvé ca bien dit et applicable aux deux genres.

    • C'est exactement ça. Bon, là je pourrais embrayer sur le fait que notre société nous apprend à avoir plus honte de ce qu'on ne fait pas, que d'être content de ce qu'on fait, et que globalement, faire quelque chose est souvent montré du doigt car n'étant "pas assez" (y a qu'à voir la manière dont les végétariens se font basher sous prétexte que "oui mais tu ne fais rien pour telle ou telle autre cause animale" etc...) mais si je le fais, je vais pondre un article dans l'article et ça sera, en sus du gros hors-sujet.

      Mais oui, c'est une cage qui se trouve exister en de nombreux points, et ces cages sont entremêlées. On ne peut pas espérer briser l'une sans briser l'autre à mon sens. On ne peut pas faire en sorte que les femmes ne se sentent plus victimes sans faire en sorte que les hommes ne se sentent pas agresseurs. C'est un combat commun, même si, bien évidemment, il est plus facile de vivre en se sentant vu comme un danger qu'en se sentant en danger, je ne le nie absolument pas.

  5. J'ai mis ça sur l'article de 20min qui demandait : "En tant qu'homme, comment vous comportez-vous quand vous croisez une femme dans la rue ?".

    Personnellement quand je marche dans la rue la nuit et je croise (ou que je me retrouve à aller dans le même sens) qu'une femme je met les écouteurs et le nez dans mon téléphone pour montrer que non je ne m'intéresse pas à elle (j'évite le contact visuel). Si elle s'arrête je la dépasse rapidement et si elle accélère je ralenti voir je m'arrête pour la laisser prendre de la distance.
    Il y a plein de signes qui montrent que la femme n'est pas rassurée (elle accélère, rapproche ses affaires/son sac vers elle, ...). Il faut vraiment avoir plaisir à faire peur aux gens (au mieux) pour ne pas adapter son comportement quand tu vois que la personne est crispée.

    Donc non c'est pas compliqué d'adapter son comportement aux autres et faut pas le prendre pour soi d'être assimilé à un agresseur/violeur même si t'as une "tête de gentil".

    • Moi aussi, j'utilise beaucoup de ces stratégies dans la rue quand la situation m'y "pousse". (ecouteur portable, je ne passe pas là ou ça craint)...et je suis un homme plutot costaud de 1.84m. Pour moi, le sexe n'a rien a voir avec cela. Certes des differences physiques existent qui font que les mechantes personnes se risquent moins à embetter les personnes perçues comme moins capables de se defendre (ce qui n'est ni masculin, ni feminin). Ce que je trouve vicieux, c'est de considérer que notre libre arbitre serait annihilé par un "Systeme societal" car je ne veux pas me considérer comme un construction uniquement sociétale.
      Personnellement, si un ami veut me racompagner chez moi avant de rentrer, je prendrai cela comme de la gentillesse, plutot que comme le resultat d'un systeme patriarcal qui serait imposé à notre libre arbitre.

    • Je suis bien d'accord avec toi. Ce n'est pas bien difficile et surtout assez logique et naturel finallement.

  6. L'insécurité féminine est un long et ancien chemin que chaque femme prend, prendra, a pris.C'est important ce que tu dis, beaucoup d'hommes prennent conscience d'éléments féminins grâce a ces discours via l'internet.
    Juste un film qui me vient à l’esprit concernant l'insécurité et qui a l'époque m'a percuté par sa proximité avec ma propre existence : Chacun cherche son chat de Klapish , il y a une scène ou la jeune fille sort le soir à Paris et voit les hommes comme une meute de chien...

    • Je pense que tous ses conseils pour etre safe dans la rue sont des conseils de bon sens qui ne demandent pas des efforts incommensurables et qui permettent d’éviter certaines mésaventures. Car oui il y aura toujours des sauvages, là dehors. Si on peut aussi montrer à des femmes avec qui on a rien a voir, ni a faire, qu'on ne fait pas parti des violeurs patentés, c'est bien de le faire.Mais ne m'en voulez pas si je suis dans mes pensées ou dans mon ipod, quand je vous croise et que je ne change pas de trottoir.

  7. Ce conseil ne me choque pas, d'ailleurs je l'applique déjà spontanément. Pour la bonne et simple raison que je suis moi-même trouillard, et que je me mets à la place de l'autre. Je le fais d'ailleurs quelle que soit la personne devant moi (sauf si c'est un gros baraqué, auquel cas c'est moi qui ai peur).

    Et je m'étonne toujours de cette manière de "surgenrer" l'explication des phénomènes. Si je comprends bien, ma peur à moi n'est pas "systémique", elle n'est pas le produit d'un "système" qui instille la peur à une catégorie de personnes à laquelle j'appartiens. Soit. Je dois en déduire qu'elle n'existe pas, puisqu'elle n'est pas - supposément - statistiquement significative. Curieusement, en matière d'identités de genre, dans certains cas, dès lors qu'on repère un petit nombre d'exceptions - par exemple l'existence de transexuels - la règle tombe; dans d'autres cas, comme celui-ci, elle subsiste. Je m'y perds un peu.

    Par ailleurs, il est d'autres catégories à qui on instille la même peur. Les petits malingres, dont je suis. Les enfants des beaux quartiers qui vont s'installer dans les moins beaux. Les provinciaux qui montent à la capitale. Les touristes. Les enfants de parents flippés. Les vieux. Bref, la couche de préjugés genrés en rajoute sans doute un peu sur les femmes; mais elle n'est qu'une couche parmi mille autres.

    Enfin, vous soulignez que les hommes sont davantage victimes d'agressions que les femmes. Pour en déduire qu'il faudrait dire aux femmes d'avoir moins peur. Je ne comprends pas ce raisonnement. Vous semblez supposer que les femmes sont moins agressées en raison même de leur féminité. Ne peut-on pas penser qu'elles sont plus épargnées parce que, précisément, plus prudentes? Plus rarement seules dans la rue dans des endroits qui craignent? En conséquence, ne faudrait-il pas plutôt faire davantage peur aux hommes, et ne rien changer en ce qui concerne les femmes? On peut supposer raisonnablement que si, du jour au lendemain, les femmes adoptaient le comportement des hommes dans la rue, cela se traduirait par un accroissement des agressions de femmes.

    J'ai parfois le sentiment que vous essentialisez et désessentialisez alternativement les genres en fonction de ce qui vous arrange. Je sais bien qu'il y a tout un arsenal théorique derrière, relatif à ce qui est et à ce qui doit être, pour justifier ces va-et-vient, mais je ne l'ai jamais trouvé bien convainquant.

    • Merci Gloup! C'est bon un peu de recul et d'objectivité.La difference des sexe n'explique pas tout tout le temps. Et comme toi, je serai vigilant pour ne jamais ajouter à cette peur feminine dans la rue comme je ne veux pas qu'on ajoute a mon sentiment d'insecurité dans la rue.

    • "Je dois en déduire qu'elle n'existe pas, puisqu'elle n'est pas - supposément - statistiquement significative. "
      absolument pas. Elle doit être étudiée au regard du prisme de ton genre. Pourquoi est il difficile pour un homme d'exprimer sa peur ? Pourquoi leur interdit on même parfois d'exprimer une quelconque émotion?
      ce qui est systémique c'est l'injonction faite aux hommes de ne pas dire qu'ils ont peur si tu préfères.
      et ce qui est systémique chez les femmes c'est l'injonction qui leur est faite d'avoir peur d'être violée par un inconnu.

      "Enfin, vous soulignez que les hommes sont davantage victimes d'agressions que les femmes. Pour en déduire qu'il faudrait dire aux femmes d'avoir moins peur."
      non je montre que les hommes sont davantage victimes d'agressions et qu'on ne leur inculque pas pour autant la peur. je ne dis pas que c'est bien ou mal je constate. je prédcise qu'il s'agit d'agressions dehors. au domicile c'est totalement différent. et en matière sexuelle aussi.

      "Je ne comprends pas ce raisonnement. Vous semblez supposer que les femmes sont moins agressées en raison même de leur féminité. Ne peut-on pas penser qu'elles sont plus épargnées parce que, précisément, plus prudentes? Plus rarement seules dans la rue dans des endroits qui craignent?"
      je ne dis pas qu'elles sont plus épargnées. simplement que les agressions ne se font pas dans la rue. grosse nuance. et c'est là le point que j'ai soulevé ; on dit aux femmes d'avoir peur du violeur de la rue. or les stats montrent que le violeur n'est pas la.

      • "absolument pas. Elle doit être étudiée au regard du prisme de ton genre."

        Mais pourquoi? Pourquoi ce prisme-là? Et pas, simultanément, celui de mes origines, de mon éducation, de ma religion...

        "Pourquoi est il difficile pour un homme d'exprimer sa peur ? Pourquoi leur interdit on même parfois d'exprimer une quelconque émotion?"

        La peur est pourtant bien la seule émotion que je n'ai jamais trouvé difficile d'exprimer! Ce n'est pas seulement ma peur qui est statistiquement peu représentative; c'est mon histoire tout entière.

        "on dit aux femmes d'avoir peur du violeur de la rue. or les stats montrent que le violeur n'est pas la."

        Oui, d'accord, je vois le point. Les hommes sont plutôt agressés dehors par des inconnus, les femmes plutôt à la maison par des proches. Les violences sont perpétrées par un petit pourcentage des hommes et un infime pourcentage des femmes. Je vois bien l'asymétrie, et sans même avoir besoin d'entrer dans le débat sur l'existence ou non d'une part "naturelle" de son explication, je comprends bien que la solution passe par l'éducation. Mais pour moi, cette éducation doit porter prioritairement sur l'interdit de la violence physique, et s'adresser à tous. Si on veut dégenrer le rapport à la violence et à la peur, ne faut-il pas commencer tout de suite par dégenrer le discours? Même d'un point de vue strictement tactique?

        Je vais m'arrêter là, parce que je sais bien que mon propos n'a rien d'original, et que tu as tes raisons de penser autrement. Je comprends que pour toi, il est très important que les hommes reconnaissent la spécificité des souffrances féminines. Parfois j'ai l'impression que pour toi cet objectif compte presque plus que la disparition effective de ces souffrances.

        • parce que je fais un choix de prisme. c'est un peu le but de mon blog en fait.

          "La peur est pourtant bien la seule émotion que je n'ai jamais trouvé difficile d'exprimer! Ce n'est pas seulement ma peur qui est statistiquement peu représentative; c'est mon histoire tout entière." de l'intérêt de ne pas réfléchir en termes personnels. je n'ai pas peur dans la rue ca n'invalide pas ce que je raconte dans mon article.

          "Mais pour moi, cette éducation doit porter prioritairement sur l'interdit de la violence physique, et s'adresser à tous. Si on veut dégenrer le rapport à la violence et à la peur, ne faut-il pas commencer tout de suite par dégenrer le discours? Même d'un point de vue strictement tactique?"
          difficile à dire. c'est un éternel débat. dans les faits les femmes ont peur et on cherche des solutions pour les rassurer.

    • "Je sais bien qu'il y a tout un arsenal théorique derrière, relatif à ce qui est et à ce qui doit être, pour justifier ces va-et-vient, mais je ne l'ai jamais trouvé bien convainquant."

      Je ne suis pas sûr que l'arsenal (joli choix de mots...) soit uniquement théorique. Les multiples études provenant de diverses sciences sociales qui sous-tendent souvent, je pense, la majorité des articles de ce blog est une combinaison d'études de terrains (partie expérimentale) et de réflexions sur ces études (partie théorique). En un mot, il s'agit d'un travail scientifique véritable qui ne peut être révoqué, comme souvent, par un "je ne l'ai pas trouvé convainquant". Qu'est ce qui n'est pas convaincant, et pourquoi ?

  8. Salut Valérie,

    Ayant lu ton article "Comment lutter contre le viol", j'ai une impression de contradiction entre ce que tu y dis et ce que tu dis ici... Une fois tu défends un changement d'éducation en visant une éducation non genrée ou en tout cas de déconstruire les idées extrêmes liées aux normes de masculinité et de féminité, hors ici tu me sembles défendre une approche "toi, homme, tu fais peur ; toi femme, tu as peur"... Je schématise un peu pour mettre en évidence mon problème, hein. Du coup, j'aimerais bien savoir comment tu justifies de défendre ces deux propositions simultanément...
    Et sinon, j'ai toujours beaucoup d'intérêt pour tes articles, alors bravo.

    • salut,
      je défends toujours l'education non genrée mais tu auras compris de toi même au vu des MPT que cela ne se fera pas tout seul ; il faudra une à deux générations dans le meilleur des cas.
      pour comparer c'est un peu comme la parité ; dans les faits ca pue, ca ne résout rien mais en attendant que les mentalités changent...
      là je mets un pansement sur l'escarre le temps de le soigner en gros.
      mais ca n'est pas une solution top géniale qui résout tout. comme je le disais sur twitter, elle peut même etre piegeuse.

      • Heu, mais alors, si 600 000 hommes et 300 000 femmes se font agresser (en gros) par an, avec "une éducation non-genrée", ces deux chiffres devraient s'équilibrer.. Mais dans quel sens ?

        Et si le genre était plus protecteur que fragilisant (entre autres attributs logiques) ? Pour tout le monde ? Boh, on verra bien dans "une à deux générations" hein,

        Ce sera la surprise 🙂

  9. OK, juste j'ai pas l'habitude des abréviations françaises, MPT, c'est quoi ?

  10. Le rapport dit que 1,1 % des femmes et 1,45 % des hommes se déclarent ayant été aggressé.es à l'extérieur sur un an. On aboutit aux nombres 360.000 et 300.000 en extrapolant. "Toi femme, tu dois avoir peur dans l'espace public" est donc bien un constat qui fait problème, qui ne correspond pas au perçu/vécu.
    Comme homme, je prends des risques : je me jette dans les passages cloutés (sauf à Paris !) pour conquérir mes droits de piétons. Ma fille m'a dit "d'avoir peur avec ces cons-là" (il est vrai que j'avais mes petits-enfants à la main...). Je bouscule les personnes (jeunes) qui ne rentrent pas les épaules sur les trottoirs suffisamment à mon goût (je suis âgé). Bref, un peu le redresseur de torts. Il est vrai qu'avec l'âge, je commence à songer à la peur, je m'immagine bousculé comme un vieux : je n'impressionnerais plus mon adversaire. En fait, c'est bien la capacité à impressionner qui est en question. Si cela peut faire avancer le schmilblick...
    Ma femme m'a évoqué, comme parallèle, la question de la peur du chien et de l'attitude permettant de stopper le chien (sauf s'il pense autrement...). (Nous évoquions comme excessive la prescription à l'homme de ne pas regarder la femme).

  11. Donc en gros les craintes des femmes sont basées sur un mythe ou plutôt sur un phénomène statistique archi minoritaire. C'est donc aux hommes de changer un comportement qui ne semble corroboré par rien. Tout ça me semble parfaitement logique...
    L'essentiel dans cette affaire étant avant tout de bien réussir son buzz.

    • Tout à fait d'accord! C'est un effort hallucinant que de faire attention à sa démarche pour rassurer les 2-3 femmes qu'un homme peut croiser la nuit! Ces gourdasses ont qu'à apprendre toutes seules à déconstruire les cliches de la societe! Pourquoi un homme devrait avoir UNE RESTRICTION DE LIBERTE de 10 secondes à ralentir le pas le temps d'une transition de changement de mentalité? (Ceci est un sarcasme)

    • Ah bon, tu vis bien dans ta peau avec ta compagne et tes amies qui ont la trouille ? Et qui doivent la surmonter mais tout en faisant quand même attention ? Et qui t'en veulent 'secrètement', même si elles font tout pour l'oublier ? Et que tes remarques méprisantes la leur ravive sans cesse, cette trouille ?
      Et t'en soucier deux secondes te parait "un effort hallucinant" ?
      Ah bon, superbe ! (ceci est un sarcasme). Superbe de prétention ou de naïveté ?
      Tu vis sans doute dans une peau de rhinocéros.

      • Je ne manque pas d'être sidéré par le torrent d'invectives que peut parfois déclencher la simple expression d'un désaccord. Mais je dois vivre dans une peau de rhinocéros (je ne sais pas ce que ça veut dire, mais apparemment c'est un truc pas chouette).

  12. "Tooeyne dit :

    Personnellement quand je marche dans la rue la nuit et je croise (ou que je me retrouve à aller dans le même sens) qu'une femme je met les écouteurs et le nez dans mon téléphone pour montrer que non je ne m'intéresse pas à elle (j'évite le contact visuel). Si elle s'arrête je la dépasse rapidement et si elle accélère je ralenti voir je m'arrête pour la laisser prendre de la distance.
    Il y a plein de signes qui montrent que la femme n'est pas rassurée (elle accélère, rapproche ses affaires/son sac vers elle, ...). Il faut vraiment avoir plaisir à faire peur aux gens (au mieux) pour ne pas adapter son comportement quand tu vois que la personne est crispée."

    Oui, j'ai passe 2 ans a souvent rentrer tres tard dans des rues sombres et fréquentees par la faune nocturne et ca saute aux yeux quant les gens ne sont pas a l'aise sur leur trajets!!
    Quant je croise des regards de femmes a ces moments je fais en sorte d'etre toujours le premier a baisser les yeux et a avoir l'air inoffensif. Comme toi, j'ajuste mon pas pour montrer que j'ai autre chose en tete qu'agresser un passant.

    Je vois aussi les attitudes de la plupart des hommes qui sont quasiment toujours les derniers a baisser les yeux, quant ils les baissent.. Je ne compte plus les situations de harcèlement que j'ai vu mais il est clair que la rue la nuit appartient implicitement aux hommes ("non mais qu'est ce qu'elle faisait dans la rue a cette heure ci?.."), on a la un espace public qui reste encore aujourd'hui a conquerir.

    Il m'est arrive plusieurs fois de paraitre assez inoffensif pour qu'une femme colle son pas au mien afin que l'on passe devant des groupes ensemble pour diminuer le risque d'emmerde, l'union fait la force!

    • Tout à fait d'accord! On entend aussi souvent dire "non maisqu'est-ce que ces gamins de 12ans font à trainer dans la rue à cette heure-ci!". La nuit la rue appartient à tous! Mais si je m'y sens en sécurité ce serait l'idéal!

  13. Bonjour,

    Mon commentaire reflètera peut-être le fait que je n'ai pas peur dans la rue. Mais cette demande de changer de trottoir me semble exagérée. Si on commence comme ça, où s'arrête-t-on ? On change de trottoir même de jour pour ne pas passer trop près de la vieille dame qui a peur des vols à l'arraché ? On ne regarde plus personne de peur que le regard soit perçu comme agressif (cf. le message de Tooeyne) ? Bref, s'il ne faut pas créer ou entretenir la peur (donc, bien sûr, éviter de suivre quelqu'un de nuit en restant exactement à même distance), n'allons pas trop loin non plus dans les exigences !
    Exigences qui, d'ailleurs, ne concerneraient pas que les hommes. Lorsque j'ai un jean et des bottes, avec ma démarche plutôt assurée, mon pas peut être confondu avec celui d'un homme. Je devrais donc, moi aussi, changer de trottoir pour rassurer les femmes effarouchées.
    En revanche, je suis entièrement d'accord avec tous tes textes dénonçant les "conseils bien intentionnés" pour éviter d'être violée. Je pense que les femmes doivent réinvestir l'espace public, de jour comme de nuit, dans les endroits sombres et déserts (d'ailleurs, sont-ils vraiment plus propices au viol) comme ceux pleins de monde.
    Pour ma part, je lutte aussi au sein de ma famille contre les phrases qui tendent à restreindre ma liberté (limite chantage affectif, d'ailleurs), comme "ca me fait peur quand tu vas courir de nuit", ou "ne prends pas d'auto-stoppeur la nuit". (car oui, je prends parfois des autostoppeurs, chose pourtant presque "interdite" aux femmes par les conseils unanimes des gens bien intentionnés).

  14. Ce que j'aime par dessus tout, dans certain commentaires, c'est le refus obstiné de reconnaître que, si les deux sexes peuvent avoir peur dans la rue (et personne ne l'a jamais nié), avoir peur d'une violence tout court (agression physique, vol) n'a aucun rapport avec avoir peur d'une agression de nature sexuelle.
    Donc, reprenons pour ceux n'auraient pas bien compris : imaginez-vous, en tant qu'hommes, que vous marchiez dans la rue en ayant peur non pas de vous prendre un poing dans la tronche, mais qu'un type vous plaque contre un mur, vous arrache le pantalon et vous sodomise violemment.
    Ayé, on comprend mieux pourquoi le prisme du genre, c'est important, et pourquoi, même si des hommes auraient aussi le droit d'être raccompagnés, après tout, peurs masculines et féminines ne sont pas de la même nature?

  15. J'avais commencé à écrire un long commentaire et je me suis rendu compte qu'il était un peu superfétatoire. J'adopte à peu près les mêmes comportements que décrits plus hauts par mes congénères masculins. Et, de même, pas seulement pour les femmes : rentrer la nuit parfois ça me fait flipper aussi, surtout quand y a trois mecs louches qui veulent de taxer une clope et qui t'insultent. La différence homme/femme dans cette situation tient probablement à la nature de la peur : être poignardé ou être violé, chacun fait sa hiérarchie comme il l'entend.

    Je me demande si réserver et exacerber ce comportement (quasiment de la courtoisie selon moi) aux femmes n'aurait pas des effets pervers. Je ne sais plus si c'est l'article ou un commentaire qui parlait d'une mère qui avait peur de laisser sa fille se balader dehors mais demander aux femmes d'avoir peur d'un homme qui ne change pas de trottoir n'est-ce pas encore pire ? Parce que concrètement, il s'agit d'établir un nouveau standard : un homme qui respecte ces standards est inoffensif, un homme qui ne les respecte pas, on ne sait pas ce qu'il en est donc on peut en avoir peur.

    S'il se trouve que c'est ce que la gent féminine préfère, ainsi soit-il : je le fais déjà, je continuerai et si je peux faire plus pourquoi pas. Il n'empêche que je m'interroge sur ce que ça va donner.

    • Une femme peut être poignardée ET violée. Dans le cas des femmes, la violence sexuelle potentielle s'ajoute à la violence physique, donc la hiérarchie est dans tous les cas en défaveur des femmes quoi qu'il arrive.

      • Peut-être que des gens ont eu ce débat il y a très longtemps et qu'ils ont décidé que la meilleure solution était de porter un tissu qui couvre intégralement la femme. Pas pour assurer la domination de l'homme, mais pour assurer sa tranquillité dans l'espace public, mais aussi celle des femmes. Comme ça les femmes n'ont plus peur dans la rue (même si elles peuvent rester inquiètes chez elles).

        L'autre solution possible étant bien évidemment d'interdire aux hommes de marcher dans la rue. Cela arrangerait tout le monde, puisque les femmes n'auraient plus peur de marcher dans la rue (sauf essor du viol homosexuel qui se retrouverait libre sur le marché), et les hommes n'iraient plus faire les courses, ils pourraient travailler en ligne et enfin les femmes pourraient conquérir totalement le paysage politique (car pour être politique il faut pouvoir aller dehors faire des inaugurations et marcher dans les bouses de vaches pour combler un public exigeant).

        On pourrait aussi diviser le temps en plages de huit heures : alternance de droit de fréquentation des rues pour les hommes ou pour les femmes. Ou tout le monde pourrait porter une burka, comme ça tout le monde aurait peur de tout le monde (ou de personne, difficile à dire). Ou on pourrait instaurer des couvre-feux généralisés. Ou instaurer la castration généralisée. Ou imposer le port de la ceinture de chasteté (ça s'est déjà fait avec la ceinture de sécurité alors pourquoi pas).

        Je comprends pas ce débat : tant de solutions pour un seul problème... Une petite loi et pouf pouf, c'est fini !

        • étant donné que le voile, c'est connu, rend invisible, je pense que vous avez trouvé la solution. merci vraiment.
          et sinon donc j'imagine que comme ma solution ne vous convient pas, comme vous savez faire autre chose qu'écrire des sarcasmes vous avez trouvé une solution face à la peur des femmes ? on l'attend avec impatience.

          • Je pense que la solution on sait tous très bien ce que c'est, mais qu'elle va elle longue à mettre en oeuvre : c'est de l'éducation. D'ici à ce qu'on arrête d'emmerder les femmes dans la rue, les femmes se feront toujours emmerder dans la rue, c'est comme ça. Je dis emmerder parce que le problème dont il est discuté ici c'est même pas l'agression en elle-même, c'est simplement la peur. Donc ouais en attendant on peut faire des blagues, surtout que les personnes qui lisent et réagissent à cet article sont déjà pour 95 % d'entre elles d'accord et pas choquées par l'article.

  16. @la chatte : pourquoi la peur d'une violence sexuelle est-elle différente, par nature, de la peur de tout autre type d'agression physique ?

    • C'est surtout la nature de la violence qui change tout. Parce que la violence sexuelle ne concerne quasiment que les femmes. Parce que quand on est une femme, on a peur de la violece physique ET de la violence sexuelle, on risque les deux. Parce que la peur de l'agression sexuelle est due à l'intégration de la domination systémique des hommes sur les femmes, et la peur de l'agression physique non.
      Si on te donne le choix entre un poing dans la tronche et un viol, je doute que tu hésites longtemps.

      • (Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, à savoir que les hommes n'étaient jamais victimes de violences sexuelles. Là, on est dans le cadre de la rue, et de la peur inculquée aux femmes uniquement).

  17. C'est en venant vivre au Canada que j'ai pris conscience du terrible statut des femmes en France. La peur est un bon exemple. Depuis 15 ans, je n'ai jamais eu peur en me promenant seule au Canada. Essentiellement parce que je suis convaincue que si j'ai un problème, les hommes, les femmes, la police, seront là pour m'aider.

    En France j'ai été en moyenne victime d'agression une fois par an (exhibitionnisme, attouchements). Un mec se masturbe devant moi dans un train. Un autre se frotte le pénis contre mes fesses dans le bus bondé, etc. Pourquoi cela ne m'est-il jamais arrivé au Canada? Parce que les agresseurs savent qu'ils auront tous les gens du bus sur le dos. Parce que la police respecte les victimes et enregistre toutes les plaintes sans en diminuer la gravité. Parce que au niveau collectif ces comportements sont jugés inacceptables et que tout le monde se sent responsable de la sécurité de ses concitoyens. En France, je me sentais toujours seule dans de telles situations.

    La police de Vancouver a mis au point un app = quand qq'un t'agresse, tu le prends en photo avec ton portable et la photo arrive directement au poste de police. Ca refroidit bien les agresseurs 🙂

    • Je trouve la remarque 16 de Betina, et aussi la remarque 24 sur la Finlande, extrèmement interpellantes. Ainsi il y a des sociétés plus "civiques" (pour faire bref) que d'autres, les sociétés ne sont pas "toutes les mêmes" (ce serait aussi de l'essentialisme). Cela me rappelle le film de Mickel Moore sur les armes : au Canada les gens ne ferment pas leur porte à clé et ils n'ont pas d'arme. (Et le lobby des armes aux USA surfe sur sa propre peur...). Une société "civique" c'est un consensus social à appliquer des règles qui font plus appel au respect et à la confiance et à la solidarité et tous y coopèrent (citoyens, policiers, tribunaux). C'est ainsi un "contrôle social" (à Cuba aussi, il y a ainsi répression des maris qui violentent leur femme, ils se font interpeller et réprimer dans la réunion de quartier ou dans la réunion sur son lieu de travail, me dit-on). La domination n'est elle pas exacerbée, la bride sur le cou, quand c'est davantage "la loi de la jungle" et le laisser aller en général (aussi fraude fiscale et corruption, etc) ? A contrario, seul un "contrôle social consensuel" surmonterait la domination ? La société française serait-elle plus "hors des règles et des normes" et comment l'expliquer ?

  18. Sachant que j'ai peur aussi (comme beaucoup d'hommes) ; et sachant surtout que le pas de la personne qui est derrière moi ne me permet pas de savoir si c'est un homme ou une femme (pas plus que de savoir si c'est un agresseur ou une justicière de la nuit), il convient d'élargir le conseil de bienséance nocturne à tout le monde : mesdames aussi bien que messieurs, prenez soin de changer de trottoir quand vous suivez quelqu'un la nuit, que la personne qui vous précède vous semble être une femme ou un homme.

    http://lesfessesdelacremiere.wordpress.com/2013/04/12/changer-de-trottoir-la-nuit/

  19. En lisant ton article, j'ai fait évolué mon point de vue sur l'homosexualité masculine vis à vis des femmes. Etant moi-même gay, j'ai à de nombreuses reprises pu vérifiés le cliché des filles qui deviennent toute de suite plus amicales une fois qu'elles savent que tu es pédé.

    Je voyais ça comme une réponse à deux choses :
    -La pop-culture actuelle (MTV et assimilé) qui place parfois les gays comme l'accessoire de mode ultime dans la garde robe d'une nana (oui on peut s'en offusquer, je trouve ça rigolo).
    -La certitude que le type n'est pas en train de te parler parce qu'il est attiré par tes formes/veut te pêcho, avec peut-être ce côté rassurant et cool pour l'ego "il doit probablement me parler parce qu'il me trouve sympa sans arrières-pensées parasites".

    Finalement, et ça rejoint en partie le second point, il y a peut-être une troisième raison : la disparition de la peur inconsciente et permanente d'une réaction violente poussées par la fameuse libido envahissante des hommes envers les femmes. C'est peut-être léger (disons que si tu en viens à apprendre l'orientation sexuelle de quelqu'un, tu es probablement entouré de gens dans une soirée, ou au travail, et - espérons-le pour toi - n'est pas complétement terrifié à l'idée de parler à un homme), mais c'est éventuellement un troisième facteur plausible.

    /random thoughts

  20. "alors que nombre d'entre elles vivent avec la peur depuis leur naissance"

    jusqu'à là je trouvais votre réaction au tollé à peu près pertinente mais là il faut ranger les violons.... vous faites plus de mal à la cause féminine qu'autre choses avec ce genre de phrase.

    • Déjà tu as l'audace d'avoir le même prénom que moi, mais en plus tu l'emploies pour dire des bêtetés plus grosses que toi. Tu te crois probablement malin et original à juger, toi un homme, de ce qui relève de la cause féminine ou pas, mais lis un peu les commentaires de ce blog, tu ne fais qu'hurler avec les loulous, toujours dans la condescendance, jamais dans l'empathie.

      • l'empathie de quoi ? elles en ont pour le mecs ? j'ai bossé à Paris des années, combien de fois je suis pas rentré dans le RER la peur au ventre ? (et oui je suis pas costaud)

    • L'histoire du petit chaperon rouge, elle sert à enseigner la peur aux loups ? aux chasseurs ? aux petits pots de beurre ?

  21. J'aimerais rappeler aux râleurs, qui se sentent mis en accusation par les recommandations de Valérie, que le fondement même de la politesse (pas la galanterie, la politesse) est le fait de montrer à l'autre qu'on tient compte de lui, qu'on admet qu'il y a une violence latente dans la société et donc que l'on choisit de montrer, par certains codes qui évoluent avec le temps, qu'on vient "en paix", si je puis dire. J'avais appris (bien que je n'aie pas de sources précises à citer, malheureusement), que des gestes comme ôter son chapeau ou présenter la main droite quand on se sert la main étaient des survivances de pratiques médiévales (ôter son heaume pour se montrer à vidage découvert, présenter vide la main qui tient l'épée pour se montrer désarmé), des gestes devenus conventionnels mais qui signifiaient à l'origine "je ne suis pas un ennemi, je viens en paix".
    La société évolue et certains de ces codes tombent en désuétude mais il est normal que d'autres leur succèdent. Et, tout comme le fait de présenter la main droite n'a pas pour conséquence d'accuser les gauchers, montrer à une personne que l'on sait avoir des raisons de se sentir en danger (que ces raisons soient valables ou non) qu'il il n'a pas à me craindre, relève de la politesse et du savoir-vivre, point-barre. Quand on bouscule quelqu'un dans le bus, on ne se pose pas la question de savoir si on lui a vraiment fait très mal ou pas, on dit "Excusez-moi Monsieur/Madame" et en faisant ça on désamorce le conflit latent. Dans la rue la nuit, c'est pareil, on respecte l'espace des gens, on respecte le fait qu'ils puissent se sentir menacés, je ne vois pas en quoi ce serait "desservir la cause" que de le demander, merde à la fin.

  22. Vous nous dites que, parce que de nombreuses femmes sont conditionnées depuis l'enfance à ressentir un malaise lorsqu'elles sont dans la rue en présence d'hommes qui ont une vague apparence d'éventuellement les suivre, ceux-ci devraient faire diverses manœuvres (changer de trottoir etc) pour qu'elles se sentent mieux, et ce même s'ils n'ont strictement rien fait de mal.

    Des musulmans, des chrétiens, des juifs sont conditionnés depuis l'enfance à ressentir un malaise lorsqu'ils sont en présence de femmes court-vêtues, de couples homosexuels qui s'embrassent, voire de couples hétérosexuels qui s'embrassent. Selon votre propre raisonnement, ne faudrait-il pas que, pour préserver la sensibilité de ces gens, les femmes s'abstiennent d'aller court-vêtues et les couples de s'embrasser?

    En d'autres termes, quelle justification avez-vous pour que l'on complaise aux craintes irrationnelles et aux sentiments de mésaise de certaines femmes, mais pas aux sentiments de mésaise des bigots?

    • La religion est un choix. Être une femme, la plupart du temps, c'en est pas un.
      Ensuite, être agressé dans la rue, ce n'est pas pareil qu'être un abruti homophobe. Se prendre des poings dans la gueule, être violée, se faire voler son portefeuille sous la menace d'un couteau, ce n'est pas, et ce ne sera jamais la même chose que d'être un connard homophobe pas foutu de supporter de voir deux meufs ou deux mecs ensemble.
      Garde tes comparaisons pourries pour toi, ce sera plus cool pour tout le monde.

      • L'auteure du blog explique posément que les craintes de marcher dans la rue et d'être agressé par un inconnu sont assez irrationnelles, parce que de toute façon les risques pour une femme sont bien plus importants d'être agressée par quelqu'un qu'elle connaît. C'est elle qui le dit, pas moi.

        Ces craintes irrationnelles sont inculquées par l'éducation, et font partie d'un habitus social (lisez Bourdieu au lieu d'insulter les gens). C'est elle qui le dit (en d'autres termes), pas moi.

        La religion est également, la plupart du temps, inculquées par l'éducation, et fait partie d'un habitus social. On ne "choisit" pas facilement à l'âge adulte d'échapper à son conditionnement.

        • Et sinon, pour ceux qui ont du mal à faire la différence : agresser qqn dans la rue est interdit par la loi. S'habiller court ou s'embrasser quelque soit son sexe, non. Dans le premier cas, la condition de victime est donc objective, dans l'autre, elle est subjective.

    • Considère-t-on qu'il est possible d'être physiquement agressé par une femme court-vêtue ou un couple homosexuel qui s'embrasse ? Non. Le "mal" qu'ils pourraient faire n'est que "visuel" et "passif" et dépend seulement de la personne qui les voit (et qui peut par conséquent regarder ailleurs)

      Considère-t-on qu'il est possible d'être physiquement agressée par un inconnu dans une rue sombre et déserte ? Oui (que ce soit justifié ou non), et le mal qu'il pourrait faire est concret, actif et s'en prend directement à la victime (qui e peut pas s'en débarrasser en fermant les yeux).

      • L'auteure du blog explique que la majorité des agressions dans la rue sont commises sur des hommes et non sur des femmes, lesquels hommes n'ont pourtant pas spécialement peur. La peur des femmes relève donc principalement de l'habitus, comme le malaise du religieux devant des corps dénudés ou des manifestations de désir. Je vous demande donc pourquoi ses manifestations devraient jouir d'un respect, d'accommodements particuliers.

        Ou alors, vous expliquez franchement que l'auteure du blog a tort et que les femmes ont une probabilité non négligeable d'être agressées; et il faudra alors expliquer en quoi cette probabilité (d'après Valérie, inférieure à celle des hommes) justifie une peur plus grande. Je lis plus haut que cette peur s'explique parce qu'une agression sexuelle est bien plus grave que de se faire voler et casser la figure. Mais là encore, c'est-ce pas un trait culturel intégré à la personnalité (habitus, encore) que considérer comme plus grave une agression sexuelle non violente qu'un passage à tabac? Que oh mon dieu une femme agressée ne pourra plus vivre ensuite?

        • Regarde ce que j'ai répondu à ton com précédent.

        • C'est vrai qu'on entend beaucoup parler de cas de couples homosexuels venant sodomiser ou passer à tabac les religieux intégristes et de femmes court-vêtues qui les suivent jusque chez eux en leur faisant des propositions indécentes, c'est complètement dans l'imaginaire collectif, oui oui.

          Donc non, les deux "malaises" ne sont pas équivalents et, oui, étant donné qu'on est dans un pays où L'ESPACE PUBLIC est mixte et laïc, c'est à l'habitus religieux de céder le terrain DANS CET ESPACE PUBLIC.

        • ... une agression sexuelle non violente... ????
          (sans même insister sur ton "oh mon dieu une femme agressée ne pourra plus vivre ensuite?")

    • parce qu'il y a un systeme qu'on appelle sexisme qui discriminent les femmes.
      et tu mets sur le même plan un groupe dominé (les femmes) avec un groupe dominant (les hétéros) qui discrimine les homos.
      ta comparaison ne tient donc pas.

      • Mais le musulman pratiquant qui éprouve un malaise devant une femme court-vêtue ou devant un couple homosexuel qui s'embrasse fait partie d'une minorité discriminée; non seulement ses pratiques religieuses sont mal vues, mais souvent il souffre également de racisme, d'où diverses discriminations (embauche...).

        Comment justifiez-vous que l'on ne prenne pas en compte son malaise mais qu'on prenne en compte celui de la femme qui s'imagine que tout homme dans la rue est un agresseur potentiel? Bref, en quoi celui de la femme est-il plus légitime?

        • Simple: le malaise du musulman est né de ses convictions et de son entourage.
          Le malaise des femmes est un schéma social encouragé par les stéréotypes, les livres, les films. C'est un malaise multi-confessionnel et une réalité pour un groupe général d'individus, parce que le schéma donné (la femme est en danger dans la rue si - elle s'habille comme une pute - elle est bourrée - elle se balade de nuit - elle est seule - elle n'accepte pas de se faire insulter - elle réponds aux autres etc...) est un schéma supporté socialement. C'est également un malaise de l'autre vers soi.

          Pour le musulman, c'est l'inverse. C'est un malaise de soi vers l'autre. C'est un malaise qui est né de son entourage, en aucun cas supporté par la société, et surtout, c'est un malaise qui agresse l'autre.

          Les deux n'ont donc aucun rapport et ne peuvent être traités de la même manière.

          Le premier est justifié, car il demande juste à être en paix. Le second ne l'est pas, car il demande à l'autre de ne pas être qui il est.

  23. On en a déjà un peu parlé sur twitter, mais il y a matière à débat sur l'avant dernier paragraphe :
    le problème dans l'identification des hommes comme menace potentielle, c'est que les premiers hommes touchés sont ceux qui subissent par ailleurs une autre forme d'oppression malgré leur statut de dominant de le rapport de genre.
    Les hommes racisés, handicapés, au physique hors-norme, doivent déjà vivre avec le regard des autres, chargé de peur ou de mépris, braqué sur eux presque en permanence... Ceux-là, leur demander de changer de trottoir, et attendre d'eux qu'ils s'exécutent, relève sans doute de la microagression.

    Je suis conscient que mon raisonnement pose problème. Loin de moi l'idée d'exploiter l'argument minoritaire pour "sauver" les groupe des hommes en général d'une recommandation visant à faire de la rue un endroit où les femmes se sentent plus en sécurité.

    Si on promeut ce changement de comportement, essentiel pour rétablir les femmes dans leur droit au partage de l'espace public, il faudra peut-être adopter un langage un peu différent du "changement de trottoir".

    Je sais combien il est détestable (en particulier venant de la part d'un homme) de faire la promotion d'un féminisme "édulcoré", dont la rhétorique ne heurterait personne, mais dans ce cas précis, je pense qu'il faut tenir compte d'un logique intersectionnelle en évitant de dégrader encore plus l'image que certains hommes déjà victimes de discriminations par ailleurs peuvent avoir d'eux mêmes.

    • Ma grand-mère me disait qu'on trouve toujours plus de raisons de ne pas faire une chose que de la faire. Je ne pensais pas qu'elle avait aussi raison....

      Je vais te la faire simple : si tu veux marquer une distance rassurante envers N'IMPORTE QUELLE PERSONNE qui te semble isolée et en position d'infériorité ou de faiblesse contextuelle QUI T'EN EMPECHE ??? Arrêtez de conclure que parce qu'on le demande envers les femmes (dont la peur nocturne est sous-estimée en permanence, ou relativisée, ou ridiculisée) on sous-entend qu'il ne faudrait pas le faire pour d'autres personnes. On demande un peu d'empathie et la prise d'un ensemble d'habitude visant à entrenir un climat pacifique dans l'espace public et vous passez votre temps à enculer des mouches, c'est pénible !

    • Je pense que les personnes victimes de discrimination sont bien plus capables de comprendre et d'accepter ce genre de petits gestes (qu'on ne peut même pas réellement qualifier d'effort) que les autres, du fait, justement, de leur vécu.
      Il ne faut pas prendre cette réflexion comme "voilà ce qu'il faut faire sinon vous êtes un connard", mais plutôt "voilà ce qui peut être fait pour que ça se passe mieux". Il ne faut pas le considérer comme un poids supplémentaire pour certains, mais plutôt comme un acte simple pour ôter un poids à d'autres. Et une fois qu'on le voit ainsi, essayer de le faire devient évident.

      • Je n'ai aucune objection (et si j'en avais, ça n'aurait aucune importance de toute façon) à l'idée de laisser l'espace nécessaire aux femmes pour qu'elles se sentent en sécurité.

        Par contre, la manière dont on propose l'adoption de ce geste est très importante, et nécessite un tact particulier qui n'est pas forcément nécessaire dans d'autres domaines (je pense au harcèlement de rue ou au manspread).
        Ici, on parle de gens (pas le jeune premier, blanc, au physique "passe-partout", "bien habillé") qui sont *déjà* conscients qu'ils sont pris pour une menace par les autres, pour tout un tas de raison sur lesquelles on ne reviendra pas, et qui doivent vivre avec.

        • ce qui est complexe en fait c'est de dire, il y a des questionnements et ces questionnements ne se posent pas de la même manière pour un homme blanc et un home noir.
          là des hommes (blanc o surprise) vont commencer à chouiner.

        • D'accord, je t'avais mal lu, tu crains la discrimination non pas des "cibles", mais des auteurs... Ah. Imparable, ok pardon. Donc on change rien, je continuerai donc à baisser la tête et raser les murs pour éviter de froisser les mâles en plus discriminés au faciès et à l'embauche, j'accepterai les mains au cul pour ne pas frustrer encore plus ces pauvres gens dans une misère sexuelle déjà si profonde... Car c'est bien connu, le seul problème des femmes est le harcèlement de rue (pas de discrimination à l'embauche ni de misère sexuelle pour elles non non pas du tout) donc bon, faudrait pas qu'elles en demandent trop à des hommes à qui on en demande déjà beaucoup... Pardon de ne pas pleurer.

          • tu respires une minute Hélène stp ?
            on vit dans un système patriarcat ET raciste.
            Comme déjà précisé, des hommes noirs m'ont témoigné par mail déjà changer de trottoir et surveiller leurs mouvements.. parce qu'ils savent que des blancs et des blanches ont peur d'eux.
            je ne sais pas si ca serait pareil ici mais je suis bien sure qu'aux US si on faisait une étude à l'aveugle demandant aux femmes de déssiner un violeur, il aurait souvent la tête d'un mec noir. aux US, les femmes noires sous declarent encore plus que les blanches leur viol car elles avent que le viol a aussi servi à enfermer, battre et tuer des noirs (on prétendait qu'il avait le viol dans le sang).
            le changement de trottoir, ou le controle de mouvements est qq chose que les racisés connaissent déjà car ils sont parfois obligés de le faire à cause du système raciste. on doit en tenir compte.
            si une femem blanche a peur dans la rue, un homme noir craint lu, à raison d'être arrété, controlé, mis en gav. l'espace n'est pas masculin ; il peut etre masculin blanc. masculin hétéro.

          • Je comprends, oui... Et je t'admire de garder la tête froide depuis tant de temps.
            Mon souci est que je n'arrive pas à ne pas voir dans ces objections une tentative de diversion. C'est pour ça que dans mes premiers commentaires sur le sujet j'ai insisté sur ce qu'était la politesse et que les recommandations que tu fais devraient être prises sous cet angle. C'est aussi pour ça que j'ai parlé d'établir une "distance rassurante" et pas de changer de trottoir (expression elle-même plutôt associée à la peur et la soumission). J'ai enseigné en banlieue parisienne pendant plus de dix ans et, même si ça ne me disculpe pas de mes privilèges de blanche issue de la classe moyenne qui oublie parfois sa situation, je me suis toujours efforcée de combattre les préjugés que l'on m'avait inculqués (et Dieu sait qu'ils sont nombreux) et j'ai même activement travaillé à ce que mes collégien.ne.s apprennent et intègrent (par le biais de la politesse) les codes qui pourront les faire avancer dans un monde qui leur est hostile.
            Alors qu'on s'entende tout de suite avant de me traiter de dame patronnesse : ce que j'appelle politesse n'est pas une attitude de soumission genre "merci missié blanc pardon missié blanc".

            Je leur enseigne (et j'enseigne la même chose aux petits blancs parisiens intra-muros de mon nouvel établissement pour qui ces choses ne vont pas non plus de soi) que la politesse est l'expression d'un contrat social : l'autre est mon égal, ni supérieur ni inférieur, avec le même besoin que moi au respect, à la sécurité et à l'intégrité de sa personne. Et par conséquent, je montre à l'autre par mon attitude que je le prends en considération et qu'en cas de conflit potentiel, j'accepte de déposer les armes le premier et je ne réclame pas que tout le monde le fasse avant de prendre sur moi de le faire.

            Je tâche d'appliquer cela moi-même en général (sauf quand je m'énerve, oui, et je m'en excuse), car, oui, bien que je sois femme, quand je me retrouve à marcher derrière une autre personne le soir dans une rue déserte, j'adopte quelques gestes (comme d'autres l'ont dit ici) pour lui montrer qu'elle n'a pas à me craindre (je fais semblant de parler au tel pour qu'elle entende à ma voix que je suis une femme, par exemple). Et je ne vois pas ça comme une soumission de plus, bien au contraire (s'apercevoir qu'on a du pouvoir, ne serait-ce que celui de faire peur à quelqu'un d'isolé, n'est-ce pas une forme d'empowerment ? et à plus forte raison accepter de renoncer à ce même pouvoir par respect de l'autre.)

            Je tâche de faire la même chose concernant la "peur du noir" (pardon du jeu de mots). Oui, j'ai pris conscience il y a quelques années que quand je voulais demander l'heure ou mon chemin, je m'adressais instinctivement à des blancs. Depuis, je pratique la discrimination positive et vais souvent sciemment demander à une personne noire ou arabe (ou racisée en général) le renseignement dont j'ai besoin, et tout ça avec les jolies formules de politesse que ma maman m'a apprises. C'est ma façon de faire le premier pas.

          • "Et je ne vois pas ça comme une soumission de plus, bien au contraire (s'apercevoir qu'on a du pouvoir, ne serait-ce que celui de faire peur à quelqu'un d'isolé, n'est-ce pas une forme d'empowerment ?"
            très franchement je ne veux parler à la place de personne (ca veut donc dire que je vais le faire..) mais non... les deux hommes noirs qui ont témoigné par mail me disaient au combien comment c'est une violence pour eux de voir qu'on a peur d'eux à cause de leur couleur de peau.
            ils font partie d'un groupe dominé, discriminé avec un racisme d'etat (pléonasme) et en plus les gens ont peur d'eux ? c'est le comble.
            ca ne veut pas dire qu'il faut abandonner ces conseils mais juste, je pense, mettre un tas de warning pour tenir compte de toutes les situations.
            regarde ce que me disait mon amie noire qui subit donc double discrimination (femme et noire) et qui voit que des gens peuvent s'écarter d'elle par racisme... ca ne lui confère aucun pouvoir...

          • Valérie, quand je parlais d'empowerment, je disais cela pour mon propre compte, loin de moi l'idée de dire aux autres comment ils doivent prendre une situation qu'ils subissent. J'ai conscience aussi que les nuances sont subtiles et je ne dis pas autre chose. En revanche, là où je vois rouge, c'est quand elle sont utilisées de mauvaise foi pour te prendre à ton propre discours plutôt que d'essayer de faire avancer le schmilblick. Ce n'était peut-être pas le cas de Nep, ce n'est sûrement pas le cas des personnes noires qui t'ont écrit, mais c'est le cas non dissimulé de pas mal de contradicteurs ici et je me suis trompée de cible. Pardon Nep.

            Pour en revenir aux solutions possibles (je sais qu'il n'y a pas de panacée), voici l'un des exercices que je faisais faire à mes élèves sous forme de jeu de rôle. Vous êtes dans un bus et quelqu'un vous marche sur les pieds:
            cas a) la personne continue son chemin sans dire mot ni se retourner, comment réagissez-vous ? (réponse générale "J'lui pète la tête ça se fait trop pas !!!")
            cas b) la personne marmonne "pardon" mais ne vous regarde pas et continue son chemin, comment réagissez-vous ? (réponses variées du "je lui pète la tête aussi, elle me calcule même pas" à "je dis rien mais je suis vénère")
            cas c) la personne s'arrête, se retourne s'excuse et vous demande si ça va, commet réagissez-vous ? (réponse générale "Ah ben là, ça va ! - sauf si elle m'a fait vraiment mal !-)
            Je leur demande alors quelle est la différence entre le cas b) ("pardon" sans lever la tête) et le cas c) (excuses, regard, prise en considération de l'autre) et pourquoi d'après eux ils se sentent encore en colère après le cas b et pas après la cas a) (réponse parce qu'en b, c'est à peine s'il me remarque)
            Ensuite, je leur demande si d'après eux, la personne c est plus soumise que la b, leur ressenti est unanime : non.

            Ce qui est amusant, c'est qu'après cet exercice, plusieurs garçons étaient revenus en me disant "on a essayé votre truc dans le bus (!) ça marche ! Il y a même une vieille qui nous a dit qu'on était gentils !"

          • Tu peux effacer mes messages si tu estimes que la conversation dévie trop par rapport au fil initial. Merci encore de ta patience !

    • Salut nep

      je prépare mentalement mon prochain article qui va justement concerner le "trottoir".
      J'ai reçu à ce sujet deux mails de mecs noirs. L'un d'entre eux m'a dit (je cite de mémoire) "j'étais tout content de voir que j'adoptais déjà tes conseils.. jusqu'à ce que je me rende compte que je ne le fais pas parce que je suis féministe mais parce que j'ai intégré que les blancs et les banches ont peur de moi".
      une amie sur twitter m'a dit "moi je refuse ce conseil car en tant que noire si on s'ecarte de moi à l'heure actuelle c'est pour ne pas croiser une noire".
      j'ai honte mais avant qu'on m'en parle cette problématique m'avait échappée.
      alors on va evidemment en prendre compte. comment je ne sais pas.
      et ne t'inquiète pas j'entends très bien ton message 🙂

      • Je confirme que c'est très fréquent. Un ami noir me raconte régulièrement (en tournant les choses avec parfois beaucoup de dérision) comment il a toujours beaucoup de place dans les transports en commun parce que personne n'ose s'asseoir près de lui quand il n'est pas accompagné de son épouse blanche; ou comment lors d'un colloque, la dame à coté de lui a passé beaucoup de temps a déplacer "discrètement" son sac à main pour le mettre à l'abri.

        Quant à moi, il m'est aussi régulièrement arrivée de constater des attitudes spontanées de "mise en confiance" de la part d'hommes noirs qui craignaient de me faire peur. Juste un exemple, un jour j'arrivais à un arrêt de bus où, sous l'aubette, se trouvait un groupe d'hommes noirs (un peu genre intellos qui sortaient d'une réunion). J'hésitai à m'abriter sous l'aubette parce qu'il y avait déjà beaucoup de monde. L'un d'entre eux m'a vue et m'a directement invitée à m'y abriter sur un ton rassurant en faisant un peu de place.

        Donc oui, cette attitude-là est fréquente.

        Moi-même j'ai pris conscience de la peur que je pouvais causer auprès de femmes un soir où, marchant d'une pas énergique avec mon copain, nous suivions sans nous en rendre compte deux jeunes femmes plus petites que nous. Je les ai vues nous lancer des regards craintifs, auxquels je n'avais pas prêté attention sur le moment-même. J'y ai souvent repensé par la suite, et c'est vrai que depuis lors, moi-même en tant que femme de taille relativement grande, je fais attention à ne pas effrayer inutilement les gens dans la rue.

        Du coup, je ne comprends pas, les proportions hallucinantes que prennent ce conseil auprès de certains hommes.

        • Je pense que ce conseil peut apparaître comme étant à double tranchant, d'où les réactions :
          il n'est pas totalement vrai de dire "ça ne coûte rien à un homme de changer de trottoir ou de dépasser une femme". Bien sûr que ça coûte ! Ça veut dire se redire à chaque fois qu'on croise une femme la nuit (principalement la nuit, mais ça peut être le jour), et c'est quand même fréquent, qu'on est vu comme un agresseur potentiel. Ça veut donc dire accepter de vivre ce malaise 10 fois par jour si on marche souvent dans la rue.
          Bien sûr, on peut répondre que la femme, elle, le vit en permanence ce malaise. Je dirais alors que ce conseil ne peut pas exister en lui-même. Il ne peut que s'assortir d'un autre conseil, celui de donner les moyens aux femmes de ne pas avoir peur (et je ne parle pas de techniques de combat ou de spray au poivre, je parle d'éradiquer profondément la peur en soi). Sans quoi la peur féminine ne repose encore que sur le bon vouloir des hommes.
          Et là j'aurais tendance à blâmer la forme twitter qui a comme désavantage de sur-simplifier toute pensée en la réduisant à une phrase.

          Par ailleurs dans le cas des noirs ou des arabes, c'est encore plus problématique puisque non seulement ce sont eux qui sont oppressés dans notre système, mais en plus ils doivent s'en excuser en mettant en place des stratégies pour éviter aux oppresseurs d'avoir peur.

          On pourrait encore étendre le sujet et réfléchir à la façon dont notre société s'oriente vers la peur pour les deux genres, poussant hommes, femmes et enfants à déserter les rues ou les chemins. Les études qui montrent l'évolution de l'occupation de l'espace public en 60 ans sont assez frappantes sur le sujet.
          Si bien qu'on pourrait conclure que la tendance est plutôt à l'égalité par le pire : que tous, hommes et femmes confondus, aient peur, plutôt que l'inverse.

      • Bonjour,
        Merci pour la qualité de tes articles et réflexions Valérie. Je réponds ici parce que mon commentaire semble aller dans le sens de votre discussion.
        En fait, je réalise qu'en tant que femme blanche, j'applique déjà aussi tous ces conseils. Du coup, je me demande s'il n'y a pas un lien. Finalement, il n'y a que ceux qui n'ont jamais été confrontés à la peur dans la rue qui ne comprennent pas ces conseils de bon sens.

  24. En France, je faisais pas mal de sport le soir et je prenais metros peu frequentes et de rues desertes. j'ai toujours mis un point d'honneur a continuer mes activites mais je restais vigilante, a surveiller du coin de l'oeil les types "louches".
    J'habite en Finlande aujourd'hui et c'est le pied. Personne ne t'accoste; les mecs meme bourres et en groupe, ne sont pas menacants: les Finlandais ne vont pas te suivre d'un regard appuye par exemple. Tu peux aller ou tu veux, a n'importe quelle heure, dans n'importe quelle tenue sans probleme. Et tout le monde trouve ca NORMAL. J'ai parle harcelement de rue en France avec une amie finlandaise qui hallucinait.
    Comme quoi ce ne sont pas ces pauvrettes de femmes qui sont froussardes, le sentiment de peur est bien cree et inculque... en tout cas merci pour ces mises au point, y'en a bien besoin malheureusement.

    • Une connaissance Française (un homme) me disait qu'en Finlande, bourré avec des potes français ils avaient emmerdé une jolie fille, de nuit, les 3 chalands qui passaient par là leur étaient tombés dessus en leur demandant ce qu'ils voulaient, pourquoi ils l'ennuyaient, à elle si ça allait, etc... Il n'en est toujours pas remis 10 ans plus tard...

  25. [...] J'ai lancé sur twitter quelques conseils aux hommes qui souhaitaient participer au combat féministe. L'un de ces conseils a suscité énormément de réactions, il disait quelque chose comme ; "la nuit, si vous êtes derrière une femme seule, changez de trottoir et accélérez pour lui montrer que vous n'êtes pas un agresseur".Je ne vais pas ici revenir sur ce conseil j'en parlerai dans un prochain article, mais plutôt sur les réactions qu'il a suscitées. ...  [...]

  26. Un homme sensibilisé au problème de la peur instituée de la nuit pourrait avoir une réflexion similaire : comment ne pas passer pour un agresseur potentiel ? Après tout, au niveau de l'égo ça fait peu faire du bien de se dire qu'on est différent et qu'on le montre. Bref, encore des réactions stupides et en masse pour un sujet, comparé à d'autres, simple et circonscrit.

    Mais on peut aussi se poser pas mal de questions sur la solution proposée. Il y a le problème de sa souplesse, mais d'abord de son efficacité réelle. En effet, une représentation qui repose sur la peur, et la déclenche (je parle de la nuit comme remplie de violeurs) ne s'atténue pas facilement, surtout quand elle est le produit du patriarcat, est donc omniprésente et est renforcée par une multitude d'autres représentations (les hommes ont des besoins sexuels irrépressibles, les femmes sont des êtres fragiles et passifs, etc.)
    Même si 90% des hommes changent de trottoir et accélèrent en croisant des femmes la nuit, les 10% restants continueront à faire peur. On n'est pas dans la raison là, on est dans la menace permanente et cachée, et un rien peu amener la peur. J'irais même jusqu'à dire que même si tous les hommes sans exception suivaient ce comportement la peur existerait toujours car elle n'est pas le produit du fait qu'on peut avoir la nuit des hommes derrière soi mais des discours autour de la nuit. Sinon il faudrait avoir nécessairement subi une agression la nuit pour en avoir peur ensuite, or ce n'est pas le cas. Et d'une manière ou d'une autre, nul doute que les discours et représentations se modifieraient pour s'adapter au nouveau comportements masculins.
    On pourrait même défendre la position opposée à cet article : les hommes ne doivent pas se comporter différemment en croisant des femmes la nuit pour ne pas renforcer les stéréotypes de genre et pour prouver que les hommes ne sont pas des violeurs potentiels par les actes. Si les hommes ont un comportement constant la nuit qu'importe le genre des personnes croisées ne détruirait certes pas les stéréotypes de genre, mais formerait une base solide pour attaquer par le discours les représentations sexistes.

  27. @La Catte"Si on te donne le choix entre un poing dans la tronche et un viol, je doute que tu hésites longtemps."
    Certes, mais si on me donne le choix entre un viol et un coup de couteau potentiellement dangereux, je n'hésite pas longtemps non plus.

    Juste pour revenir sur la conversation de départ... bien sûr qu'il faut faire attention à ne pas effrayer les gens. Donc ne pas les frôler, ne pas les suivre au même rythme. C'est juste cette histoire de changer de trottoir qui me dérange. Parce que ça devient compliqué (sur un trajet d"1 km, on risque de devoir changer 20 fois de trottoir), ça peut être vexant pour la personne qu'on double (voir un post de Valérie)...
    Oui à l'attention de chacun(e) pour chacun(e), non aux règles trop pesantes. C'est valable pour les hommes envers les femmes, mais aussi pour les cyclistes envers les piétons, pour les voitures envers les cyclistes et les piétons, pour les adultes envers les enfants, pour les jeunes envers les personnes âgées... bref, pour tous les "forts" envers les "plus faibles". Ca s'appelle juste le respect de l'autre. Mais je ne trouve pas que ce soit respecter les hommes que de leur demander systématiquement de changer de trottoir pour ne pas nous faire peur.

    • En fait... je ne comprends pas ce commentaire. J'ai vu nulle part qu'il s'agissait de règles à appliquer de façon systématique. Là, il s'agit de conseils sur comment ne pas effrayer les gens dans la rue. Ça n'a rien d'offensant. Si changer de trottoir pose problème, on peut ralentir, ou dépasser la personne, ou passer un coup de fil pour montrer qu'on est détaché ou... Ou ne rien faire parce que la personne devant toi n'a pas l'air d'avoir peur (elle n'accélère pas le pas, ne se retourne pas pour voir qui la suit, parle au téléphone...). Le tout c'est de prendre conscience qu'on peut faire peur dans la rue et d'en tenir compte.

  28. Je ne doute pas une seconde que vous ayez déjà abordé la question du harcèlement de rue, mais dans cet article précis, il est complètement absent et vous ne parlez que de viol!
    Ma peur irrationnelle dans la rue (de jour comme de nuit puisque j'en suis devenue légèrement agoraphobe) ne repose pourtant pas sur le viol (j'ai déjà "donné" et les fois où j'ai été victime c'était effectivement conjugal), mais bien sur le harcèlement de rue. D'ailleurs, puisqu'elle repose sur le harcèlement de rue, je ne la trouve pas si irrationnelle que cela puisque c'est assez fréquent, et que je ne pense pas qu'il y ait de chiffres pour cela, d'ailleurs aucune femme ne porte plainte s'il n'y a pas d'agression physique, elle serait ridiculisée au poste, on lui dirait qu'elle n'avait qu'a porter un pantalon ou ne pas sortir seule à une heure pareille. Je n'ai jamais subi de violences physiques dans la rue, mais la répétition des attaques verbales, humiliations, des frayeurs qu'on me fait, des simulations de vol (abruti qui part avec mon sac pour revenir avec en disant "hhhaaaaannn je rigooolllleeee") m'use au plus haut point et je me sens vulnérable à chaque trajet, j'ai complètement changé ma façon de vivre, je ne prends plus le bus, il m'est inconcevable de porter des écouteurs, je surveille les ombres au sol, les reflets dans les vitrines, je modifie mes trajets, j'annule mes soirées... etc...
    Et quand mon conjoint sort, j'ai peur pour lui, parce que je sais que s'il se fait agresser, ça ne sera pas avec un "paye ta chatte" mais bien avec des coups ou un vol, même si la probabilité est moindre comparée aux attaques verbales que nous subissons en tant que femme.
    Je vais lire vos autres articles, et toutes mes excuses si mon intervention est à coté de la plaque.

    • Salut Marianne, Valérie a déjà beaucoup abordé le harcèlement de rue dans son blog, donc c'est un sujet qu'elle ne laisse pas de côté.
      Mais je suis d'accord avec votre commentaire, c'est vrai qu'il serait peut-être pertinent de le réévoquer clairement ici. Moi aussi, si j'ai peur dans la rue, c'est surtout parce que je m'y fais emmerder depuis mes seize ans de façon sexuée. Je n'ai jamais subi de viol ou d'attouchements, mais beaucoup de "hé! hé! toi là, viens nous sucer!" et autres "t'as des gros seins". Plus que l'éducation de mes parents, c'est vraiment ce harcèlement qui m'a inculqué cette peur, que j'ai seulement commencé à ressentir une fois que je ressemblais à une femme.

  29. Je me sens paumé.

    Demander à un homme de changer de trottoir parce que c'est un homme ce n'est pas sexiste ?

    (Et c'est pas une attaque, je cherche juste à comprendre.)

    • En fait --- tu comprend pas parce que c'est pas une demande faite à "un homme de changer de trottoirs" comme si Valérie proposait une loi des trottoirs séparés...

      C'est un conseil fait à "un homme - qui remarque qu'il marche près d'une femme seule la nuit - femme qui montre des signes qu'elle a peur - femme qui est objectivement seule la nuit avec un inconnu qui marche derrière elle - et cet homme qui ne sais pas quelle attitude adoptée pour ne plus faire peur à cette femme, Valérie lui propose de changer de trottoir pour ne plus faire peur à la femme et continuer sa route tranquillou"
      C'est une tentative de réponse à un problème de sexisme (le fait que les femmes aient peur dans la rue la nuit) et c'est logique que la réponse à un problème de sexisme soit sexué.
      La réponse patriarcale habituelle à ce problème des femmes qui ont peur la nuit c'est soit de ne pas sortir, soit d'apprendre à se défendre. J'ai pas envie de me balader avec une kalachnikov, ou de savoir comment cassé une jambe en un tour de main. Les hommes ils sont bien peinards, on leur dit même pas que si ils harcèlent les femmes dans la rue ils aurons des problèmes. Ils n'en ont pas des problèmes quant ils harcèlent les femmes. Alors je ne voie pas pourquoi les machos se priveraient. Et là attention je ne dit pas que tous les hommes sont des harceleurs de rue ou des machos, mais tous les hommes pâtissent de l'attitude de ceux qui sont machos et doivent montré dans leur attitude qu'ils sont de bonne volonté pour que les femmes ne se sentent pas indésirables dans l'espace publique.

      Perso quant je marche la nuit j'ai mes écouteurs et je suis un peu rêveuse. Comme je ne fait pas de bruit en marchant j'ai vu que les gens et surtout les femmes font des petits bonds de surprise quant illes me remarquent tout à coup (on me prend parfois pour un homme et plus facilement dans la pénombre). Alors je change de trottoir comme les hommes et je le fait aussi pour les hommes parce que j'en connait qui ont peur la nuit tout seuls, alors je ne colle personne, la nuit je change de trottoirs dès que c'est possible et plus tranquillisant pour tout le monde.

      Pour revenir à ta question - par exemple si tu est un homme qui marche la nuit derrière une femme seule et qui se rend compte que la femme a peur, et qui continue a faire peur à la femme sans rien vouloir faire pour que la peur disparaisse. A ce moment là moi je me dit que la femme elle a bien raison d'avoir peur.

      J'espère avoir répondu à ta question
      Bonne nuit

      • Bonsoir,

        En effet, je comprends beaucoup mieux, tu m'as très bien expliqué la situation.
        Je suis bel et bien un homme, mais les choses font que je ne marche pas - où très rarement - la nuit, il n'y a donc pas de soucis à se faire, héhé.

        Merci d'avoir pris le temps de me répondre,
        Une bonne nuit.

  30. Hello,

    Je suis assez d'accord avec les tenants, les aboutissants de ces conseils, mais pourquoi ne limiter la destination de ces conseils qu'aux hommes, et pourquoi limiter leurs portées aux seules femmes seules dans la rue ?

    La problématique est juste et véridique, mais je pense qu'il est grand temps de ne plus encourager les critères de stigmatisation et de clivage dans ce genre d'article : le civisme voudrait que le conseil soit donné pour permettre à tous de comprendre que marcher à la même allure que qqun 2m derrière, c'est chelou, tres chelou, quelque soit le sexe.

    Je suis un homme et je déteste me sentir suivi, même si dans 98% des cas c'est ma parano qui tient les commandes, que ce soit une femme derrière moi (t'as pas besoin d'avoir de couille ou de peser +de 80kilo pour enfoncer un couteau entre les cotes de qqun) une bande de gosse, des flic ou des hommes.

    ça reste un sujet tres important à traiter, évidement, on devrait TOUS pouvoir être tranquille partout, mais j'ai toujours du mal à ne pas me dire que la façon de le faire (s'appuyer sur le clivage homme/femme) est mauvais.

  31. [...] J'ai lancé sur twitter quelques conseils aux hommes qui souhaitaient participer au combat féministe. L'un de ces conseils a suscité énormément de réactions, il disait quelque chose comme ; "la nuit, si vous êtes derrière une femme seule, changez de trottoir et accélérez pour lui montrer que vous n'êtes pas un agresseur". Je ne vais [...]  [...]

  32. Je suis très sceptique sur ce conseil. Oserait-on dire aux Noirs de changer de trottoir pour ne pas effaroucher le bourgeois? Aux Arabes de ne s'habiller qu'avec des fringues moulantes dans le métro pour qu'on voit bien qu'ils n'ont pas de ceinture d'explosif? Aux homosexuels qui pratiquent un sport de contact d'afficher un test de dépistage du VIH négatif dans les vestiaires?

    De plus, supposons qu'une proportion importante d'hommes suivent ce conseil, et se mettent à changer de trottoir. Il restera toujours des distraits, des ivrognes ou des entêtés (pourtant pas mal intentionnés) pour continuer du même pas. On aura donc juste construit une nouvelle norme sociale où l'attitude de ces derniers sera considérée comme agressive, tout en ayant un effet probablement très marginal sur les peurs des femmes. Car in fine, les vrais emmerdeurs -ceux qui traversent la rue pour se rapprocher de vous- continueront à alimenter ces dernières...

    • tu comprend que ce conseil n'est pas à appliquer au pied de la lettre ou pas du tout ?
      tu comprends également que tu mélanges une population discriminée, les noirs, les arabes, les homosexuels, avec une population qui ne l'est pas ? les hommes ?
      tu es au courant qu'il y a des rapports de pouvoir dans la société ou pas du tout ?

      • Les hommes ne sont pas discriminés, donc il n'est pas politiquement incorrect de leur donner ce genre de conseil, mais la rationalité du raisonnement est exactement la même. D'ailleurs vous devriez aller au bout de la logique: vos conseils de changer de trottoir et de faire démonstration ostensible de non-aggressivité doivent s’adresser en priorité aux hommes noirs et arabes, qui font souvent plus peur aux femmes que les blancs, c'est un fait.

        Enfin, je me répète: je ne crois pas que ce genre de comportement change quoi que ce soit au sentiment d'insécurité. Les petites roues sur les vélos d'enfant ne permettent pas de conjurer la peur de la chute, au contraire elles l'entretiennent si on les utilise trop longtemps.

        • si vous avez plus peur des noirs et des arabes vous êtes raciste et cela n'est strictement pas mon problème ; je n'ai pas à calmer vos peurs.
          un blanc qui a peur des noirs et de arabes n'est pas victime du racisme mais ce sont les arabes et les noirs qui en sont victimes.
          une femme qui a peur des hommes est victime du patriarcat ; si vous n'êtes pas fichu de comprendre cela, je crains que vous n'ayez rien à faire ici.
          quant à comparer une femme avec un enfant. que vous dire.

          • Et alors une femme qui a peur parce qu'un arabe marche derrière elle, est-elle raciste ou bien victime du patriarcat? Ca va être difficile de trancher. Surtout pour l'arabe en question, qui va devoir décider s'il cède devant la barbarie en changeant de trottoir où s'il rejoint le camp des oppresseurs en gardant le même cap.

            Quand à la comparaison entre femme et enfant, désolé mais ce n'est pas moi qui la fait: c'est bien vous demandez aux hommes de considérer les femmes comme des êtres qui ont peur des fantômes, et qu'il faut rassurer en mettant une veilleuse dans leur chambre.

          • si tu avais lu mon article suivant, il y a la réponse à ta question.
            et donc la peur de l'agression sexuelle comparable à celle des fantômes. indice ; l'un existe, l'autre pas. je te laisse chercher. en silence merci.

          • OK, je force un peu le trait. Mais si je lis ton article suivant, je pense qu'on est d'accord: la peur des femmes dans l'espace public est en grande partie irrationnelle, et je ne vois pas en quoi ce que tu demandes aidera les femmes à "ne pas se construire en victimes". Au contraire, en entretient l'aspect irrationnel et les fantasmes.
            Tu dis toi-même: "on n'éduque pas les garçons à avoir peur dans l'espace public". J'irai plus loin. Je pense qu'on éduque les garçons à dominer leur peur dans l'espace public, à s'efforcer de rationaliser le risque et de l'accepter (bon c'est quand même loin d'être systématique, on infantilise aussi les hommes, même si moins souvent que les femmes).

  33. [...] se déplace isolée / le soir. D’autres initiatives (très débattues) ont essayé de donner des conseils aux hommes pour essayer de ne pas faire peur ou se rendre menaçant dans certaines situations quotidiennes. Il [...]

  34. bonjour, serait-il possible de voir les conseils en question svp? je n'ai pas twitter

  35. Quelques réactions en vrac liées à mon expérience personnelle, qui découlent de la lecture de l'article que mon frangin féministe vient de me transmettre. Très long (j'ai la flemme de couper) mais je donne mon avis sur l'article dans les dernières ligne ^^.
    Alors personnellement, on ne m'a jamais inculqué à avoir peur de me faire violer dans la rue, ou de me faire violer tout court. Tout au plus, mes parents m'ont expliqué, plusieurs fois, dans quelle mesure porter trop jeune, une jupe très courte, ou beaucoup de rouge à lèvre très vif, correspondait à des attributs de séductions de femmes plus âgées, et risquait de brouiller les repères des gens que je pourrais croiser, rencontrer, et qu'il était important que je me rende compte des signaux que j'avais envie d'utiliser (mais là je parle de l'époque ou, adolescente de 14 ans, j'avais envie de m'habiller comme une femme fatale sans même savoir vraiment ce que j'attendais du désir des hommes). Ils m'ont prévenu mais ne m'ont rien interdit. J'ai pu faire mes expérimentations en ayant été prévenu des normes sociales que je manipulais. J'ai pu me rendre compte que la plupart des hommes étaient bienveillants face à une gamine de 14 ans qui se cherche en lolita. Que d'autres pouvaient s'illusionner sur mon âge à cause de ces signes. Je n'ai jamais rencontré de prédateur. Il faut dire que je n'ai jamais été seule en soirée à cette époque, et que je me baladais la plupart du temps avec ma clique, ou au moins en duo. Que nous étions très protecteurs les uns envers les autres, très tolérants. Je n'ai jamais eu non plus de problèmes avec mes amis hommes. Les bas-résilles et les décolletés qu'on aimer porter avec mes copines, en pleine découverte de notre féminité, n'ont jamais changé visiblement leur comportement, puisqu' avant tout, nous étions "potes". Nous le sommes restés.
    Aujourd'hui je vais sur mes trente ans. Je n'ai pas grandi dans la peur, et la peur ne m'a pas rattrapée ensuite. Il a pu m'arriver de raccompagner des amis hommes et de continuer la route seule ensuite, de laisser partir des amies femmes toutes seule. Mais en règle général, je suis d'accord avec pas mal d'autres commentaires : les meilleurs retours, c'est les retour à plusieurs. Et ça, pour les hommes comme pour les femmes. Il me semble qu'il n'y a pas vraiment de distinction de faite avec mes amis.
    Mais finalement, je rentre moi même souvent toute seule et j'aime bien ça. En fait, j'ai décidé très jeune, en reliant ça au féminisme, que je serais plus forte que la peur de tout et de tous, et que je devais me respecter en m'autorisant à me penser comme quelqu'un de libre, de ses mouvements et de ses choix.
    Du coup je n'ai pas peur la nuit, ni dans la rue, mais en fait j'adopte une attitude de vigilance accrue lorsque je marche seule, ce que, à mon avis, un homme fait probablement aussi. C'est vrai que cette attitude de vigilance est peut être plus forte quand je passe seule à côté d'un groupe d'homme, du moins jusqu'à ce que je puisse déterminer dans quelle mesure ils se préoccupent de ma présence, et dans quelle mesure ils peuvent être potentiellement agressifs. Or, en général, ben ils ne le sont pas. Je trouve que la nuit, dans la majorité des cas, chacun rentre chez soi ou continue sa soirée, tout le monde reste sur ses gardes, et peut-être, espère faire le moins peur possible à ceux qui l'entourent (car il m'est déjà arrivé de faire peur à une femme en marchant rapidement derrière elle, sans faire attention. Comme quoi.). Du moins c'est ce qu'il me semble. C'est cette vision rationnelle d'une situation à la base, angoissante (marcher seule la nuit entourée d'inconnus) pour, je pense, à peu près tout le monde, qui me permet de faire baisser le taux d'anxiété, la peur, qui menace de m'envahir si je laisse courir en moi des idées d'agression et de persécution. Et je n'aime pas que mes marches nocturnes, lors desquelles je profite de l'air du soir, soient gâchées par la peur.
    Par contre je ne dirais pas qu'il ne m'est jamais rien arrivé dans la rue, car ce serait évidemment faux. Mais il ne m'arrive pas grand chose en général. Rien que des exemples super vexants, qui devraient cesser, mais non-violent physiquement (symboliquement c'est un autre problème) de misère sexuelle masculine classique ou de machisme bien pathétique.
    J'ai deux exemple récent en tête : samedi dernier en plein jour, parce que j'avais le malheur de porter un T-Shirt à encolure un peu large, sous mon manteau ouvert parce que je suais en revenant des courses chargée comme une mule, j'ai eu droit à un "t'en as une belle paire, hein?" bien salace d'un connard, et aux rires de son pote. Extrêmement vexant. Je prends ce genre de remarque pour une pure démonstration machiste de supériorité (lui peut se permettre de parler de mes seins alors qu'on ne se connait pas, et me faire remarquer en pleine rue qu'on les voit apparemment "un peu trop"...alors que mon T-Shirt n'avait vraiment rien de provocant. Et même s'il l'avait été, je ne vois pas pourquoi un type qui ne me connait pas se permet de faire une remarque.).
    Ou alors, la dernière fois que je suis allée à Paris, j'ai laissé monté un type dans un métro bondé, il m'a dit merci, je lui ai souris, je me suis retournée vers la vitre, et là il m'a de nouveau remercié à sa façon en venant se coller/frotter à moi avec une érection. Jusqu'à mon arrêt (1 station, heureusement), j'ai juste remercié bouddha de ne pas vivre à la capital et d'avoir plus de place dans le tram et moins de pervers dans ma ville de province en essayant de ne surtout pas penser à ce qui se passait derrière moi.
    Un troisième exemple, qui m'avait beaucoup plus marqué : il y a quelques années, un type genre bon père de famille, alors que je rentrais chez moi, toute seule, la nuit, m'a croisé sous un pont, et puis à fait demi tour, est revenu en courant vers moi pour m'attraper à pleine main l'entrejambe, avant de repartir en se marrant. Ce souvenir est plus traumatisant, parce que j'avais été surprise de l'entendre courir, totalement choquée par l’attouchement, et j'avais fini le reste du chemin en pleurs, humiliée par son rire et en pleine détresse, en en voulant mortellement à tous les hommes que je croisais (alors qu'il n'y étaient pour rien, on est bien d'accord).
    Malgré cette expérience, j'ai pris sur moi de continuer à me sentir libre. Je bossais de nuit à l'époque, je ne pouvais pas envisager de me laisser gagner par l'angoisse à cause d'un gros con. J'ai rapidement repris confiance. Il ne m'est jamais rien arrivé d'autre.
    Du coup ce commentaire tourne en confession super longue, et peut-être un peu nombriliste (ça fait longtemps que je m'étais pas exprimé sur le net!!), mais bon, tout ça pour situer mon interprétation de l'article : je ne suis pas flippée dans la rue, ou alors "normalement" flippée, mais je sais que ça peut être un terrain dangeureux et que seule dans une rue éloignée du centre ville, la nuit, face à quelqu'un qui vous veut du mal, on a peu de chance que ça se passe bien. Mais je le répète : je pense que ces peurs sont communes aux hommes et aux femmes, elles sont juste plus sexualisée pour les femmes (et là je suis d'accord avec l'article, théorie du genre, tout ça).
    Cela dit, c'est sûrement une vision des choses bien personnelle, mais là dessus, ça me choque quand même que cet article parte de l'idée que la peur est inculquée aux femmes, d'entrée, comme ça, sans nuances.
    Alors c'est certain qu'on peut entendre des "fais attention" du genre ce qui y est décrit ("c'est sur que si tu t'habille comme ça", etc ...), et peut-être, qu'on trouve toujours des gens pour dire à leur garçon "ne fais pas la femmelette". Surement d'ailleurs. Mais je trouve que c'est quand même un peu caricatural, parce qu'on oublie complètement tous les gens, comme mes parents mais comme aussi beaucoup d'autres parents, de tous les milieux sociaux (et pour info, mon père est maçon, ma mère éducatrice sportive) qui ont élevé, semblant de rien, pas mal de gens de ma génération dans le plus grand respect de l'autre, des différences mais aussi de l'égalité entre les individus avant les différence de sexe, à avoir une communication inter-sexe intelligente et respectueuse, à aller au delà des stéréotypes, etc....
    Mes parents étaient des hippies me direz vous ?? Je sais pas trop, parce qu'on a aussi quand même pas mal mangé chez Mc Do dans mon enfance ^^, et que mon père n'a pas eu les cheveux long après 25 ans... Mais peut être qu'on m'a transmis des valeurs progressistes, je ne sais pas. Je ne me sens pas marginale en tout cas, parce que je retrouve ces valeurs chez pas mal de mes amis.
    Je sais aussi que beaucoup de mes amis hommes n'ont pas envie d'être mis dans le même sac que d'autres hommes dont le comportement les dégoûte. Si il y a la maman et la putain chez les femmes, il y a peut être "le sauveur" et "l'agresseur" dans la représentation féminine des hommes. Dans les deux cas, les stéréotypes sont lourds à porter, mais beaucoup d' hommes, je crois, aiment bien se fantasmer en sauveur, et pas du tout en agresseur, au contraire. Donc je crois que ça les choque qu'on ramène toujours l'identité masculine à un seul de ses aspect, redessiné par les peurs des femmes. Qu'on en fasse une grosse généralisation.
    Voilà. Donc demander aux hommes de changer de trottoir pour montrer leurs bonnes intentions parce que des filles ne parviennent pas à travailler sur leurs angoisses ... je dirais d'abord que si il arrive quelque chose à la fille à ce moment là, un type qui voudrait l'aider aurait l'air bien con après avoir changé de trottoir.
    Le travail doit venir des filles aussi. Les angoisses et les phobies sont irrationnelles, mais elles sont aussi névrotiques. Il faut travailler dessus, dénouer ce qui s'y joue. Ce n'est pas une solution de demander aveuglément aux autres de s'adapter à ses dysfonctionnements. Une fille tellement angoissée par la rue et la nuit qu'elle ne peut pas croiser un homme sans penser au viol et à l'agression doit souffrir le martyre, mais elle doit aussi se faire aider, ce n'est pas normal que l'angoisse soit si forte, surtout si dans son environnement direct, il n'y a pas vraiment de preuve de risques réels. (Si elle habite dans un quartier où il y a au moins 1 viol par semaine, ou si elle a déjà été victime d'une agression, c'est différent).
    Donc je trouve que cet article, sûrement plein de bonnes intentions, n'est pas au clair avec l'égalité homme/femme. Il demande une prise de conscience et un changement de comportement à des hommes qui n'ont pas de mauvais comportements, et même si il encourage les femme à revenir sur les injonctions à la peur, il ne remet pas vraiment en question le prétendue "faiblesse" féminine : une femme est trop faible pour réussir à vaincre sa peur, l'homme doit s'écarter pour la rassurer.
    La séparation homme/femme est maintenue finalement, et les rôles protecteur/protégée, être raisonnable/être émotif aussi. Chacun sa place.

  36. Beaucoup de discussion pour pas grand chose. C'est au niveau de l'action morale que se situe le problème. Si nous sommes des individus libres et d'égale valeur - si ce principe n'est pas valide alors la discussion s'arrête là - ce n'est pas à moi, individu libre, à adapter mon comportement selon le ressenti supposé de la personne d'en face. C'est à la personne d'en face, peureuse avérée, de, soit vaincre sa peur, soit changer de trottoir. Fin de la discussion.

    • Le problème c'est que même en considérant que les individus sont "libres et d'égales valeur" (valeur de quoi d'ailleurs), cela ne remet pas en cause que pour le moment ce n'est pas le cas. Que les femmes sont encore et toujours exposées à des peurs sexuées, à des crimes sexuées, ceci venant de la part des hommes.
      Cette manière de dire "individu libre" présuppose que n'ayez pas de problème, tous le monde peut arriver à votre superbe niveau d'existence (et de non-empathie je trouve). Qu'en est-il des survivantes d'agressions par exemple ? Elles aussi devraient arrêter de vous embêter avec leur sensibilité mal placée ? On doit attendre de toutes personnes une espèce d'absurde pureté morale et intellectuelle ? Savez vous seulement que vous vivez avec des gens avec des parcours différents du votre, qui n'ont pas le même ressenti et le même vécu.
      Je déteste présumé du genre des gens, mais vous me ressemblez à ces hommes qui n'ayant jamais de problèmes dans la rue sans être conscients que leur genre y joue pour quelque chose, se permettent de projeter leur universalisme de dominant sur tout le monde, ce qui n'est qu'une manière comme une autre de conforter et de ne pas remettre en cause son statut de dominant.

      Enfin, pour quelqu'un qui disait ne pas penser en binaire, vous parlez quand même beaucoup en absolu et à mon sens, en complète deconnection de cas réels, auxquels vous n'apportez aucune solution.

    • extra ! Yamaël nous dit circulez ya rien à voir. en effet on peut remarquer que, fréquemment,lorsqu'un homme décrète "fin de la discussion" c'est soit

      -qu'il ne sait pas répondre mais qu'il veut avoir le dernier mot
      -qu'il est en flagrant délit de mensonge ou de mauvaise foi mais qu'il veut avoir le dernier mot

      il applique alors la tactique dite de la fuite-contre-attaque (différente de la fuite tout court car elle permet de rester dans la situation du dominant)

      alors il prononce des paroles définitives: "ce débat n'a pas d'intérêt", "fin de la discussion", ou, assez fréquent et plus subtil: "est-ce qu'on peut en reparler plus tard parce que là tu t'énerves" ou une variante:
      " écoute, j'ai des trucs plus urgents à faire, faut que j'aille traire les vaches"
      elle:" mais on n'a pas de vaches"
      lui: "ça c'est bien un argument de gonzesse"
      elle: "..."
      lui: "bon, tu vois bien que tu ne sais pas quoi dire, moi au moins je suis dans le concret"

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