Mai 172016
 

Ce livre, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957) de Pascale Barthélémy, m' a été offert par l’intermédiaire de ma wish list 🙂 merci mille fois !

L'auteure travaille sur les femmes africaines vivant dans l'AOF c'est à dire la fédération d'Afrique Occidentale française, qui comprenait en 1895 les pays et régions suivantes ; la Côte d'Ivoire, le Dahomey (Bénin), la Guinée, la Haute-Volta, La Mauritanie (à partir de 1920), le Niger (1922), le Soudan français et le Sénégal.
Il y eut environ un millier de femmes formées par la France pour devenir sages-femmes, infirmières-visiteuses ou institutrices. Pascale Barthélémy en a rencontré 88.

Au début des années 20, 2 filles sur 1000 vont à l'école et à la veille des indépendances c'est 35 sur 1000. Le chiffre a sûrement été surévalué par la puissance coloniale.

Après la première guerre mondiale, se met en place une politique de "préservation de la race" car le pouvoir colonial a peur de la dépopulation dans ses colonies ce qui l'affaiblirait. Se met donc en place une politique de santé publique. Créer des écoles sur place coûte moins cher que de faire venir des françaises. C'est avec le Front populaire et certaines féministes que se mettent en place ces écoles ; auparavant la scolarisation des femme n'intéressait pas le pouvoir colonial, seulement les missionnaires. On souhaite à la fois éduquer les colonisés pour que l'économie en profite mais ne pas trop le faire afin qu'ils n'égalent jamais les blancs.

Pour les colons l'école dans les colonies permet de contrôler les populations et dans les cas des femmes de s'assurer qu'elles seront des bonnes mères et de bonnes épouses. Si les femmes sont éduquées, elles éduqueront mieux leurs enfants, selon les souhaits de la France. Les contenus proposés aux élèves africaines ne sont souvent pas adaptés ; on oublie les spécificités locales (ainsi on étudie des plantes inconnues en Afrique, ou on leur apprend à cirer un plancher..).
Le pouvoir colonial espère que ces femmes épouseront des africains eux aussi diplômés pour former une "famille moderne" (nucléaire et monogame).

En 1918 se fonde l'école de médecine de Dakar pour les sages-femmes. En 1938, l'école normale de jeunes filles à Rufisque (pour institutrices). En 1930 on crée le diplôme fédéral d'infirmière visiteuse (pour aider les sages femmes).

Avant 1930 il y a augmentation du nombre de filles envoyées à l'école puis baisse ensuite car l'éducation des filles n'est plus prioritaire.
Plusieurs femmes féministes françaises ont travaillé sur l'éducation des jeunes filles africaines ;
- Cecile Brunschvicg sous secrétaire d'état à l'éducation nationale qui propose l'organisation d'un service social au Togo et au Sénégal.
- Denise Moran Savineau qui écrit 800 pages sur la condition de la femme africaine et qui veut inciter les filles africaines à aller à l'école
- Germaine le Goff qui arrivé à 20 ans au Soudan français en tant qu'institutrice puis dirigea l’École normale de Rufisque de 1938 à 1945 (elle est évoquée dans le livre de Mariama Bâ Une si longue lettre).

Leur féminisme est qualifié par l'auteure de "volontiers maternaliste".

 

L'entrée à l'école de médecine et l'EN est difficile avec un dossier déterminant. On choisit soigneusement qui on y fait entrer car devra ensuite participer à la politique coloniale/ Beaucoup de jeunes filles sont forcées à entrer à l'EN alors qu'elles voudraient sages-femmes (mieux payé, plus prestigieux, moins surveillé). Ainsi Mariama Bâ a été poussée par la directrice de son école. Il y a également moins de préjugés de genre associés aux sages-femmes ; l'instituteur étant considéré comme un métier d'homme. la vie n'est pas facile pour les jeunes filles qui ont souvent de longs déplacements entre leur lieu de naissance et le lieu où est située l'école. Qui plus est, la vie à l'internat, qui dure entre 2 et 4 ans, n'est pas facile et très réglée.

En 1946, le régime de l'Indigénat est aboli et à partir de 1947-1950, les programmes scolaires sont alignés sur ceux de la métropole.

Au départ beaucoup de métisses (père français blanc, mère noire africaine) sont envoyées dans les écoles. On avait auparavant créé pour elles l'orphelinat des métisses de Bamako en 1923 et en 1926 celui de Ouagadougou.

De nombreuses jeunes filles sont forcées à aller à l'école en menaçant leurs parents ou en les incitant fortement (menace de faire perdre le statut de chef de village par exemple). Les tirailleurs sont fortement incités à mettre leurs filles à l'école. Il y a eu peu d'initiatives individuelles ; envoyer une fille à l'école signifie en effet perdre de la main d'œuvre utile.

La pratique est néanmoins intégrée chez eux qu'on appelle les eurafricains qui sont les descendants des premiers métis dés de l'union des colons et des africains à partir du XVème siècle.

La plupart des élèves des écoles sont des filles de fonctionnaires et de commerçants. Il y a également une adhésion des petits employés qui souhaitent voir leur enfants avoir une meilleure situation qu'eux. Il y a eu à toutes les époques beaucoup plus de dahoméennes que des autres pays ; cela s'explique par le fait qu'il y avait là bas des missions anciennes. Il y avait aussi également beaucoup de sénégalaises. La plupart des élèves étaient de citadines issues de capitales, de grandes villes ou de villes proches des voies de chemins de fer. Il est beaucoup plus difficile de "recruter" des élèves dans les régions plus éloignées.

Le pouvoir colonial soupçonne que les africaines sont gouvernées par leur atavisme qui existe encore plus chez le femmes que chez les hommes. On les pense incapables d'abstraction, irrationnelles. Le but n'est donc pas vraiment de leur donner une bonne instruction mais de les empêcher d'être "trop sauvages". Elles sont très surveillées car on les soupçonne, dés le retour de village, de reprendre leurs mauvaises habitudes ce qu'on appelle "l'atavisme du milieu". On les penses lentes, paresseuses, fainéantes, oisives, imprévoyantes, immatures et insouciantes. On met donc de plus en plus de cours de morale où on leur rappelle en permanence ce que la France a fait pour elles.

On instaure un système qui avait été créé pour la Bretagne ; la surveillance mutuelle. Avant le cours on donne un petit objet en bois à une des élèves. Elle doit le donner à celle qu'elle entend parler autre chose que le français.

On impose la pratique du sport aux jeunes filles ainsi que le port de vêtements de sport qui vont à l'inverse de leur culture.

On tient pour autant à ce qu'elles n'apprennent pas "trop" sinon la famille africaine risquerait de se fragiliser. Le pouvoir colonial ne souhaite pas que les jeunes filles soient totalement françaises mais conservent des habitudes africaines tout en ayant conscience que la France et sa civilisation est supérieure.

Les jeunes filles quittent l'école à 21 ans.
En 1934, il y avait 159 sages-femmes dans toute l'AOF (une pour 95 000 habitants soit 27 fois moins qu'en métropole). Elles sont souvent mutées dans leur région de naissance contrairement aux institutrices. Elles doivent beaucoup se déplacer pour montrer que le pouvoir colonial est partout présent. Elles doivent faire en sorte que les femmes qui doivent accoucher aillent dans des maternités.

Il existe dans les villages des matrones qui aident les femmes à accoucher ; les sages-femmes doivent donc les convaincre d'adopter des habitudes françaises. A posteriori elles disent avoir travaillé en bonne intelligence avec elles et ont tendance à éluder les éventuels problèmes rencontrés. Les sages-femmes arrivent à avoir une certaine autonomie car elles ne s'occupent que d'affaires de femmes.
Les sages-femmes servent aussi à contrôler les mères africaines jugées ignorantes. Beaucoup de femmes accouchent seules et l'introduction des méthodes françaises, comme aller dans une maternité, les obligent à planifier leur accouchement pour pouvoir, par exemple, aller à la maternité. Cette dernière est vue comme symbole de pouvoir colonial ; accoucher chez elles les rassure. La médicalisation de la grossesse est vue comme une perte de contrôle ; on les force par exemple à accoucher en position allongée (position qui s'est imposée en France à la fin du XVIIIèm:e siècle). Cette position est plus confortable et digne pour le praticien ; la femme en couches monte au niveau du médecin alors que la sage-femme était à sa hauteur. les mères sont juéges ignorantes et doublements ignorantes si elles sont africaines. On juge qu'il n'y a pas de sentiment maternel chez elles.

En formant des sages-femmes et des institutrices, la France contribue à diffuser un modèle familial occidental.
La plupart de ces femmes ont épousé des hommes diplômés avec qui elles ont eu le même nombre d'enfants en moyenne qu'une femme non diplômée. Leurs enfants ont généralement été scolarisés.
Elles n'ont pas pu acquérir l'autonomie qu'elles souhaitaient prises entre pouvoir colonial et pouvoir masculin.

Beaucoup de ces femmes diplômées ont été féministes en promouvant un féminisme différentialiste ou on négocie avec les hommes. Elles ont été critiquées par les hommes africaines car considérées comme occidentalisées. Elles ont créé des associations des revues, participé à des actions syndicales et réseau. Elles ont parfois été militantes pour l'indépendance.

L'éducation des filles en Afrique a été une entreprise très limitée ; 3.5% de la population féminine était scolarisée à la veille de l'indépendance.

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