Déc 012014
 

Les associations féministes, souvent essentiellement composées de femmes, sont assez peu soumises à l'accusation de communautarisme.
Il faut dire que nous sommes perçues comme assez peu dangereuses, entre les accusations folkloriques d'hystérie et une perception fantasmée de nos activités, à mi chemin entre le macramé et l'écriture de magazines féminins.
Les féministes seraient au fond, pour le pouvoir dominant, d'aimables pétroleuses qui auraient quelques petites activités qui les occupent ce qui évite qu'elles ne s'ennuient.
En revanche les choses changent lorsque ce sont d'autres minorités (on entendra ici minorité au sens politique du terme) qui se regroupent. On pensera ainsi au fameux "lobby LGBT" qui n'existe que dans la tête de quelques allumés, aux musulmans, aux juifs, aux noirs, aux arabes etc. Pour la plupart d'entre eux ces minorités là sont vues comme dangereuses ; les "LGBT" auraient le pouvoir de détruire la civilisation, rien de moins. Les juifs posséderaient de mystérieux groupes occultes qui gouverneraient le monde. Les arabes sont, comme tout le monde le sait, assez vicieux et prêts à vous planter un couteau dans le dos. Les musulmans ressemblent aux juifs ; ils s'apprêtent à acheter la France entière en commençant par les clubs de foot. Les noirs ont une force physique démesurée (de gros costauds n'est ce pas) qui les rend difficilement contrôlables. Ces représentations fantasmées des nouvelles "classes laborieuses, classes dangereuses" ont profondément imprégné nos esprits au point que tout groupement de minorités soit qualifié, sans que jamais nous nous questionnons, de communautarisme. Tous les lieux de pouvoir sont blancs et catho-laïcs et pourtant ce seront des militants  noirs devant un théâtre qui représenteront un péril. Mais un péril pour qui exactement ?

Les mouvements de femmes, à partir du moment où on les considère avant tout comme telles, ce qui n'est pas toujours le cas de femmes musulmanes par exemple, ne sont pas vues comme une opposition au pouvoir en place puisqu'on ne perçoit pas leurs intérêts comme opposés à ceux du pouvoir dominant. On va dire qu'on ne perçoit pas leurs intérêts tout court en fait ; le sexisme n'étant pas considéré comme une violence mais comme de simples maladresses qui n'auraient pas grande conséquence si les femmes voulaient bien y mettre du leur. Et surtout les femmes n'ont jamais été vues comme dangereuses (même si elles peuvent être vues tentatrices, perverses etc) à l'inverse des autres minorités. Qui oserait avouer avoir peur d'une femme ?

Les choses sont bien différentes lorsque d'autres minorités se regroupent afin de faire valoir leurs droits ce qui est exactement ce qui est en train de se passer lorsque l'accusation de communautarisme surgit.
Nous avons rêvé un universalisme que Delphy qualifiera ce "si particulier" en cela qu'il est surtout blanc, hétérosexuel et catho-laïc. L'universalisme - ce que d'aucuns appellent à tort l'humanisme qui consisterait en la défense de tous les humains - consiste avant tout en la défense de celles et ceux qui prétendent adhérer aux valeurs défendues par le pouvoir en place ; un libéralisme aimable qui s’appellerait socialisme.  Une laïcité qui préserverait l'héritage catholique en retirant le droit élémentaire et constitutionnel à certain-es d'exercer leur religion. Un universalisme qui ne verrait pas les couleurs de ses citoyens sauf quand ceux-ci s'avisent d'en dénoncer le racisme. Un universalisme qui défendrait les droits de tous surtout s'ils sont hommes, blancs, CSP+, cisgenres et hétérosexuels.

Mais alors qu'est ce que serait l'accusation de communautarisme à part la tentative délibérée, voulue que les minorités ne s'allient pas, ne réfléchissent pas à leur classe, n'acquièrent aucune conscience de classe et continuent benoîtement à attendre les quelques miettes que le pouvoir dominant voudra bien leur accorder.

Le pouvoir dominant décide ainsi de ce qui est raciste ou pas (le mot "race" est raciste, Minute est raciste, Exhibit B n'est pas raciste), de ce qui est communautaire ou pas (le voile est communautaire, le sénat n'est pas communautaire). Le pouvoir dominant décidera de comment lutter contre le racisme (en disant que le FN est le seul parti raciste), contre l'islam (en interdisant peu à peu certaines manifestations du religieux musulman, mais toujours pour le bien de tous et toutes), contre l'homophobie (en reculant devant les homophobes mais pour éviter les tensions prétendra-t-on).

Il y a 27% de femmes à l'assemblée nationale.  Je n'ai pas compté le nombre de personnes racisées car cela ne se fait pas parait-il ; la dénonciation du racisme ne se fait jamais mieux qu'en ne voyant pas les couleurs à part lorsqu'il s'agit de discriminer évidemment. On dira qu'il y en a moins de 5% en étant extrêmement généreux. On aura les mêmes difficultés à compter les représentants de classes sociales discriminées. Et l'assemblée nationale ne serait pas communautariste ?

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