Août 062014
 

Vous allez retrouver, ces prochaines semaines, d'anciens articles que je ré-écris, n'en soyez donc pas étonné-e-s.

Vous vous demandez sans doute souvent pourquoi les féministes préfèrent se qualifier comme telles plutôt que d'humanistes comme si nous choisissions de privilégier les femmes aux hommes.

Le féminisme est né parce que les femmes avaient à l'époque besoin de faire reconnaître qu'elles souffraient de discriminations légales. Par exemple, elles ne pouvaient  pas voter, pas disposer de leur propre argent, pas travailler sans l'autorisation d'un homme et n'avaient pas l'autorité parentale sur leurs enfants. Il était important de pointer qu'elles souffraient de ces discriminations parce qu'elles étaient des femmes et que c'était ce point là et lui seul qui causait les discriminations.

Et ainsi aujourd'hui on continue de prendre cet angle là lorsqu'on réfléchit sous un axe féministe. Evidemment il n'est pas toujours suffisant et l'on en ajoute d'autres ; la classe sociale par exemple. Ainsi par exemple pour étudier les insultes faites à Taubira, il était important de prendre en considération plusieurs axes de discriminations. On n'aurait pu étudier ce qu'elle subit en se contentant de l'étudier sous l'angle féministe par exemple.

Il ne s'agit évidemment pas de dire que ce que les femmes vivent est pire ou plus grave  que ceux que vivent les hommes mais de comprendre au mieux comment fonctionne une discrimination.
Si je dis que Ségolène Royal est une mauvaise ministre j'énonce une opinion. Si je dis qu'elle ferait mieux de retourner à ses casseroles, je la ramène à sa condition de femme et je tiens un discours sexiste.
Si vous êtes frappé dans la rue, que vous soyez un homme ou une femme parce que, par exemple, vous avez refusé de donner une cigarette c'est aussi grave qu'une femme qui serait frappée par son mari car elle a souri au voisin mais les causes ne sont pas les mêmes. Dans le cas de la violence conjugale citée, il y a une idée sexiste qui pré-existe et qui dit qu'une femme n'a pas à sourire à quelqu'un d'autre que son mari. Ainsi si vous luttez contre toute forme de violence en général, vous serez humaniste et si vous luttez contre les violences spécifiquement sexistes, vous serez féministe.
Afin de lutter au mieux contre les préjugés, les idées reçues il convient de comprendre d'où ils viennent.

Afin de combattre ce dont sont victimes les femmes, nous devons comprendre les discriminations sexistes en ce qu'elles ont de spécifique.

Si nous tenons à faire reculer le sexisme, il faut comprendre ce que ces discriminations ont de spécifique.
Si vous vous dites humaniste, c'est à dire que vous luttez pour tous les humains sans distinction c'est une très belle idée mais vous ne pointez plus les discriminations spécifiques dont on peut être victime.
Lorsque des homosexuels sont insultés en termes homophobes ou qu'une ministre noire est traitée en des termes sexistes et racistes, il est nécessaire, justement pour lutter contre, de montrer que ce dont ils ont été victimes n'est pas de la même nature. Cela ne signifie pas que l'un est plus grave que l'autre bien évidemment.

Nous sommes tous et tous faits de plusieurs identités. Toutes ces identités ne sont pas identiques ; être noir en France n'est pas comme être blanc. Etre femme n'est pas comme être homme. Etre une femme noire n'est pas comme être un homme noir, mais pas non plus comme être une femme blanche. Etre une femme pauvre n'est pas pareil qu'être une femme riche. Dans l'idéal, nous sommes égaux mais on sait bien que cela n'est pas vrai à l'heure actuelle ; parce que certains souffrent de discriminations dont ne souffriront pas d'autres.

Se dire humaniste est une très belle idée mais vous risquez d'oublier beaucoup de discriminations au passage. Ainsi le féminisme est né parce que les femmes avaient le sentiment justifié que ceux qui menaient des combats contre des injustices sociales ne se préoccupaient pas de celles les concernant.
Beaucoup de militants de gauche nous renvoient sans cesse au contexte économique en nous expliquant doctement que les autres inégalités disparaîtront lorsqu'il n'y aura plus d'inégalités économiques.  C'est faire un sacré pari...  et faire fi de l'histoire qui montre que sexisme et racisme, par exemple, n'ont pas attendu l'avènement du capitalisme pour exister.

L'humanisme serait une lutte contre toutes les discriminations. mais comment voulez vous lutter contre ces discriminations si vous ne les nommez pas ?
On tend ces dernières années à morceler de plus en plus les combats contre les discriminations;  c'est indispensable dans la mesure où force est de constater que si l'on ne nomme pas un combat, on l'oublie.
Reprenons notre terme "humanisme". Comptez-vous englober là dedans les luttes contre le sexisme, l'islamophobie, la négrophobie, la transphobie, le racisme antijuifs, l'homophobie et j'en oublie des dizaines ? Comment voulez-vous lutter contre ces discriminations si l'on ne les étudie pas attentivement en les nommant et en les étudiant ?
Prenons deux exemples ; l'embauche d'une femme blanche et l'embauche d'un homme noir.
La femme blanche risque d'être discriminée à l'embauche par rapport à un homme blanc car beaucoup considèrent qu'une femme est moins efficace qu'un homme, peut tomber enceinte ou peut s'absenter pour cause d'enfants malades.
L'homme noir risque d'être discriminé à l'embauche par rapport à un homme blanc parce qu'il sera jugé plus paresseux, moins intelligent.
Dans les deux cas, vous avez des exemples flagrants de discriminations ; pour autant vous constatez bien que l'on ne discrimine pas sur les mêmes choses ; il importe donc d'étudier chaque type de discrimination de manière claire (tout en les liant aux autres si besoin bien évidemment).

Enfin l'humanisme tend à oublier que le sexisme est structurel c'est à dire que si on compare notre société à une maison, le sexisme fait partie des fondations de cette maison ; on pourra bien la parer de toutes les jolies choses qu'on veut, les fondations seront, elles, toujours les mêmes. Il tend à tout mettre sur le même plan et à considérer par exemple que les blancs souffrent autant de discriminations que les noirs, que les hétérosexuels seraient discriminés comme les homosexuels. Il nous dit que tout se vaut et que ne pas être augmenté parce que le patron ne nous a pas à la bonne revient au même que de ne pas l'être parce qu'on est une femme. Dans les deux cas c'est aussi injuste bien sûr, mais dans un cas on parlera de sexisme structurel alors que dans l'autre on a une inimitié entre un patron et son salarié (encore une fois complètement injuste).

Voilà pourquoi le féminisme ne peut être nommé humanisme parce qu'on a toujours constaté que, lorsqu'on englobe des luttes spécifiques dans un discours plus large, on tend à les oublier.

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  34 réponses sur “Pourquoi le mot humanisme ne peut remplacer le mot féminisme”

  1. Vous expliquez bien en quoi le choix du mot "féminisme" renvoie à la défense d'intérêts catégoriels. Avec tous les risques d'essentialisation afférents.

    Le sexisme serait une sorte de force constante, qui s'exercerait de la même façon sur l'ensemble des femmes de la société, qui y opposent une résistance inégale en fonction de leurs autres "identités".

    Pareil avec le racisme, le classisme, etc. En croisant les grilles, on arriverait à reconstituer des situations individuelles, ou de groupes plus restreints. C'est, en très gros, ce qu'on appellerait l'intersectionnalité (même si les définitions et les interprétations sont nombreuses). Pourquoi pas, s'il s'agit d'un outil d'analyse permettant de dégager des types de situations sociales.

    Mais il ne faut pas perdre de vue que cette représentation est, précisément, une représentation - et pas le réel. Le "sexisme", le "racisme", le "classisme", sont des concepts; ils n'existent pas dans le monde "physique". Dans le monde physique, on rencontre des gens dont la situation est déterminée par un très grand nombre de facteurs, et dont l'identité (qui est une, unique, et non multiple) s'est forgée au confluent d'un très grand nombre d'influences et de contraintes. Votre grille ne sera jamais qu'une approximation extrêmement grossière. Et si la situation d'untel qui n'est pas augmenté parce que le patron l'a dans le nez ne vous paraît pas avoir de cause "structurelle", c'est peut-être tout simplement parce que vous ne l'avez pas identifiée. De même, une injure ou une discrimination qui s'énonce sur un mode raciste ou sexiste peut avoir de toutes autres causes.

    Un discours humaniste insistera sur le fait que tous les humains se valent. Ponctuellement, sur un cas précis, il pourra insister sur l'égalité femmes/hommes ou un autre type d'égalité, mais le plus souvent il cherchera à comprendre les situations dans leur complexité. De la sorte, à aucun moment, il ne sera suspect de partialité.

    Ce n'est pas le discours global qui affaiblit les luttes particulières. Ce sont les luttes particulières qui dissolvent et minent le discours global.

    Enfin c'est mon avis.

    • Non le féminisme ne propose pas la défense "d'intérêts catégoriels", déjà votre première phrase est fausse. Vous devez confondre avec le lobbying qui est une forme d'action politique existant par ailleurs de manière travsersale dans pas mal de domaines (de l'incitation à passer des lois pour lutter contre le sexisme COMME des actions pour éviter de pénaliser le port d'armes, par exemple). Donc première phrase de votre argumentation : faux.

      Le féminisme est avant tout un champ d'analyse. On est face à des violences d'humain à humain. OK. IL y en a qui s'exercent "en raison de" son sexe, sa classe, sa race, son orientation sexuelle. ET bien le fait de savoir que certaines sont faites "en raison de" nécessite de comprendre d'où vient "cette raison de...". En cela analyser les violences sexistes ou racistes et lutter contre ces mêmes violences n'est pas antinomique de l'humanisme. En revanche parler d'humanisme pour la lutte "contre les violences" ne permet pas de prendre en compte qu'il y a des champs d'analyses forcément et nécessairement différents. Comment luter intelligemment contre les violences sexistes, qui fonctionnent différemment des violences racistes si on décidait de ne plus les distinguer et de simplement lutter "contre les violences, en général" ?

      ensuite vous dites "Le "sexisme", le "racisme", le "classisme", sont des concepts; ils n'existent pas dans le monde "physique" => ce sont des concepts qui décrivent des faits bien réels, ce sont des termes qui permettent de décrire une organisation sociale. Par exemple le racisme définit une certaine organisation sociale du monde dans lequel il y a une hiérarchie entre races. c'est très concret, c'est pas conceptuel. Ou alors vous vivez dans un autre monde. Quand un noir se voit refuser un logement car il est noir, je ne vois pas bien en quoi cela serait conceptuel.

      Pour finir, on peut dire qu'on tient un discours humaniste quand on dit des choses allant dans le sens de la lutte contre toute forme de discrimination, évidemment. Personne ne le nie ni le conteste. En revanche ce qu'on dit c'est que comme il existe des ressorts très différents aux différentes inégalités et discriminations on a besoin de notions spécifiques pour "analyser et comprendre" les spécificités de chaque violence / discrimination. Nous n'aurions d'ailleurs pas mis le doigt sur le problème sexiste de la répartition des taches ménagères si nous avions pas pu distinguer Hommes et Femmes comme groupes sociaux. C'est bien parce qu'on veut à terme que tout le monde soit égal qu'il faut, dans un monde encore inégal, pouvoir définir le niveau d'inégalité de différents groupes sociaux. Ce n'est pas antinomique du faut d'être "humaniste.

      Le concept d'humanisme a une Histoire propre. Et c'est important pour comprendre son usage et son sens. Il a été crée à une époque où les questions de genre ou raciale étaient tout simplement inexistantes. Il était en soi une avancée face à des religieux tous puissants dans la diffusion de la connaissance et dans l'élitisme qu'il produisait donc. IL est né dans un contexte (le contexte, important, toujours) et son sens a évolué avec le temps. Mais potrye en lui toujours cette Histoire. A partir du moment où apparaissent les champs d'études de genres ou de races, qu'on parle donc de groupes sociaux jusque là dénigrés, on découvre (et oui) que la vision "humaniste / égalitariste" est bien jolie sur le papier, amis a sévèrement oublié pas mal de populations, discriminées, pendant quelques siècles. Donc de fait ben il faut un peu creuser pour comprendre un peu mieux comment des sociétés racistes, à prédominance blanche, des sociétés patriarcales, se sont bâties, ont perduré et comment on peut régler les problèmes.

      Ce que vous faites c'est un peu comme si en informatique on parlait de "réparer l'ordinateur" tout court, en prenant jamais en compte que régler un problème de serveur est différent de régler un problème de connectique est différent de régler un problème de carte graphique est différent de régler un problème de mémoire vive etc. Ce sont des problèmes différents qui nécessitent à chaque fois de d'abord définir le cadre du pb, son contexte, ce qui s'est passé avant et la description de la situation actuelle pour pouvoir être réglé. En gros.

      Donc oui on est humaniste quand on est féministe, non on ne peut PAS, en aucun cas remplacer le terme féminisme par humanisme.

      Bonne journée.

      • "Le féminisme est avant tout un champ d'analyse"

        Non, c'est un champ d'analyse soumis à un regard univoque qui en restreint l'intérêt.

        " les violences sexistes, qui fonctionnent différemment des violences racistes"

        C'est précisément ce que je conteste.

        "Par exemple le racisme définit une certaine organisation sociale du monde dans lequel il y a une hiérarchie entre races."

        Hiérarchie qui n'existe pas juridiquement. On peut la constater, dans une certaine mesure, dans les données économiques et sociales. C'est le fait d'expliquer ces données par une force unique appelée "racisme" qui est discutable.

        • Une phrase telle que "C'est précisément ce que je conteste" pourrait avoir un poids singulièrement plus important si elle était suivie d'arguments.

        • "Hiérarchie qui n'existe pas juridiquement."
          #CaNeVeutRienDireMaisCestPasGrave

          Le juridique c'est ce qui concerne la justice : l'organisation des sociétés, des castes etc.. ça n'est pas lié à la justice. On parle dans ces cas là de régime politique par exemple. Cependant les "hierarchies" sont le plus souvent informelle et non codifiée.

          De plus, le racisme n'est pas liée seulement à une hiérarchisation qui verrait les blancs en haut et les autres en bas, c'est plus basique : c'est le rejet de la différence. Ce n'est pas comme moi ? donc c'est mal. C'est ça le racisme, ce n'est pas de dire "je vaux mieux que tel ethnie / couleur de peau etc" c'est juste de dire "mes standards physique et culturel sont la norme, et le reste n'a pas lieu d'être".

          • Ce qui est sûr, c'est qu'iI y a à peu près autant de définition du racisme que de locuteurs.

            ""Hiérarchie qui n'existe pas juridiquement."
            #CaNeVeutRienDireMaisCestPasGrave"

            Votre hashtag aurait eu beaucoup de succès en Afrique du Sud il y a 30 ans, ou aux Etats-unis il y a 150 ans.

          • Euh, la fin officielle de la Ségrégation aux États-Unis, c'est dans les années 1960, c'est-à-dire il n'y a même pas 60 ans. Pis bon, pour le reste, que ce soit en Afrique du Sud ou aux États-Unis, les inégalités y raciales sont encore (très) profondes.

    • le probleme d'une lutte général c'est qu'elle "lisse" tous les problemes spécifiques et est tellement loin de cette réalité qui vous semble impérative qu'elle ne résoudra rien.

      Comprendre le global c'est utile, mais dès lors qu'il faudra définir une loi pour changer les choses ou éduquer les gens pour tomber des préjuger ça se fera sur les détails, et pas en disant "soyez gentil !"

    • Ce n'est pas parce que ce n'est pas "physique" que ce n'est pas réel. Je trouve ce raccourci audacieux. Du moment ou une distinction entre plusieurs catégories d'êtres humains existe dans les têtes d'un grand nombre, cette distinction, même si elle est scientifiquement réfutable, est un objet social réel puisqu'elle a des conséquences concrètes.

      En somme, la représentation EST réelle puisqu'elle entre en jeu dans les relations entre personnes et entres groupes et parfois (souvent ? tout le temps?) conditionne ces relations.
      Toute grille de lecture d'une partie du monde est imparfaite, et il ne suffit certainement pas de décliner les groupes auxquels on appartient ou pas pour faire le tour de l'identité d'une personne. Cependant cette grille permet de mettre en lumière des fonctionnements (et en particulier des fonctionnements de domination ou d'oppression), vous le lui accordez d'ailleurs. À vous lire, on croirait que puisque les grilles sont imparfaites, ils faudrait se contenter d'une grille à une seule case, qui serait capable de catalyser toutes les luttes contre toutes les discriminations... j'en doute fort.

      Enfin, dire que le féminisme entraine avec lui l'essentialisation, alors que c'est un des premiers courants de pensée occidentaux qui, à ma connaissance, a identifié l'essentialisation et ses risques, c'est à nouveau bien hardi. Ce n'est pas parceque on estime que quelquechose ne devrait pas exister (comme la division de l'humanités en genres, en races ou en classes par exemple) qu'on doit se priver de comprendre comment cette chose fonctionne, sinon, c'est bien là que l'efficacité de l'action se perd.

  2. Ce qui est aussi contenu dans le mot « féminisme », c'est une histoire de luttes ; tout comme les luttes anti-racistes par exemple. Au final, ce sont les femmes qui se sont battues pour leur propres causes, il est important de s'inscrire dans la suite des mouvements précédents.

    Selon moi, l'humanisme ne signifie rien de particulier (au mieux ce sera les mouvements du XVIe qui de fait n'avait pas grand chose de sympathique vis à vis des minorités). J'ai croisé très peu d'associations de terrains à la fois « générales » et efficaces sur les questions spécifiques (racisme, sexisme, homophobie) et à ce moment la plupart reconnaissait les vertus de considérations spécifiques pour traiter de problèmes spécifiques.

    L'humanisme m’apparaît surtout comme un moyen de pas trop se mouiller politiquement et au final de rien faire de concret vis à vis des situations particulières.

    • "il est important de s'inscrire dans la suite des mouvements précédents."

      Et pourquoi?

      C'est un autre aspect de la question, qui est à mon avis le fond de l'affaire: l'attachement au terme féminisme, aussi manifestement inadapté soit-il, est d'origine affective.

      • """l'attachement au terme féminisme, aussi manifestement inadapté soit-il, est d'origine affective."""

        On peut en dire autant du terme humanisme, qui est la plupart du temps employé par des hommes que ça gêne de se faire rappeler les dominations liées au genre.

    • "L'humanisme m’apparaît surtout comme un moyen de pas trop se mouiller politiquement et au final de rien faire de concret vis à vis des situations particulières."

      C'est exactement ce que je me suis dit à la fin de la lecture de ce texte et la raison pour laquelle quand on me disait "oh non tu ne PEUX PAS être féministe, humaniste d'accord" je sentais bien que ça ne me convenait pas (et si je PEUX être féministe non mais).

  3. L'humanisme n'a pas grand chose à voir avec le féminisme, ni même avec la lutte contre les discriminations. L'humanisme est un mouvement qui apparait à la Renaissance et qui s'intéresse à l'être humain plutôt qu'aux divinités ou aux croyances, avec notamment des valeurs de liberté individuelle.

    Donc dire "je ne suis pas féministe, je suis humaniste", c'est un peu comme dire "je ne suis pas féministe, je suis luthérien" ou "je ne suis pas féministe, je suis existentialiste" ou "je suis pas féministe, je suis bouddhiste".

    Bref, la plupart de ceux qui se prétendent humanistes en opposition au féminisme ne savent pas ce qu'est l'humanisme.

    NB: rappellons quand même que c'est à la grande époque humaniste qu'était la Renaissance que la chasse aux sorcières battait son plein et que des dizaines de milliers de femmes ont été torturées et assassinées parce qu'elles ne se soumettaient pas au nouveau modèle misogyne de la femme érigé à cette époque (faible, douce, discrète, soumise, etc). C'est aussi à cette grande époque humaniste que la traite esclavagiste était à son point culminant et que les populations amérindiennes ont été décimées. L'humaniste ne garantit pas l'égalité entre tous les êtres humains. D'où l'importance du féminisme pour lutter contre les discriminations dont les femmes sont victimes en raison de leur sexe.

    • Scoop: un mot peut avoir plusieurs sens; et son sens peut évoluer.

      Rappel: le langage est une convention.

      • Scoop : monopoliser les commentaires ne vous fera pas avoir raison 🙂

      • Je cherche toujours une définition dans un dictionnaire dans laquelle "humanisme" a un autre sens que le mouvement philosophique de la renaissance et le fait de placer l'être humain comme valeur fondamentale (par opposition à une divinité). Les personnes qui disent "je ne suis pas féministe, je suis humaniste" dévoie autant le sens du mot "féminisme" que du mot "humanisme".

        Ce qui gêne fondamentalement les gens qui se disent "humaniste", c'est l'idée que les femmes vivent des discriminations spécifiques et qu'il faut donc des mesures spécifiques pour lutter contre ces discriminations. Mais bon, malheureusement, il y a beaucoup de gens qui refusent d'ouvrir les yeux.

        • Je ne suis pas féministe parce que je suis un homme.
          Je partage un grand nombre des valeurs des féministes parce que je suis humaniste.
          Gloups me semble être plus un sophiste (confus) qu'un humaniste.

    • "elles ne se soumettaient pas au nouveau modèle misogyne de la femme érigé à cette époque (faible, douce, discrète, soumise, etc)."

      Par curiosité : c'était quoi le modèle (misogyne, je présume) qui prévalait avant cette période ?

  4. Bonjour,

    Voici deux articles intéressants (chacun à leur manière...) sur l'humanisme :
    - http://www.carnetjpr.com/2012/07/07/pourquoi-lhumanisme/
    - http://jeanzin.fr/2008/07/20/l-humanisme-en-question/

    Autant de raisons de s'en tenir au projet féministe d'émancipation et de faire sortir par la porte ceux (masculin, mâle) qui tentent la diversion... er qui par ailleurs sont de vrais essentialistes !

  5. [...] Pourquoi le mot humanisme ne peut remplacer le mot féminisme. Vous allez retrouver, ces prochaines semaines, d'anciens articles que je ré-écris, n'en soyez donc pas étonné-e-s. [...]

  6. Je trouve l' article bien fait, dans le sens où le point de vue soutenu ici est facilement compréhensible.

    Ainsi:

    L' enjeu abordé me parait multiple, d' abord il s' agit de légitimer le terme "féminisme" en lui même. Comme un courant, un mouvement abordant un champ spécifique (la femme) et donc compris dans un courant plus vaste évoqué dans le titre même, qui lui, évoque un champ par conséquence plus vaste (l' humain). On pourrait d' ailleurs aller plus loin en disant que le féminisme est une particularité d' une autre généralité, qui serait le sexisme, mais bien entendu dans ce cas précis, il est convenu de reconnaitre que la particularité est majoritaire dans cette généralité.

    Cette définition a objectif premier de distinguer le particulier du général, et ce besoin de distinction se légitime, lui, par le besoin d' exister politiquement. La fin de l' article rappelle d' ailleurs cet argument.

    L' importance de cette définition est donc de créer, par exemples, un lobbyisme ou des associations abordant spécifiquement le champ en question, un développement de lois abordant spécifiquement la question des femmes, un traitement juridique en conséquence, etc, etc...

    Il est effectivement d' importance d' admettre, sans que celà ne remette en cause quoi que ce soit sur la légitimité du mouvement, que les outils créés, (le paragraphe juste au dessus) à des fins évidemment égalitaires ou humanistes (humanitaires?), se basent sur des concepts théoriques, ou reconnus comme existants à défaut d' être absolument répandus. Parmi ceux là on peut citer en exemples: l' existence de catégories opposées, comme les genres, que l' on peut mettre en parralèle avec les catégories définies en fonction des pratiques sexuelles, religieuses ou encore la couleur de peau; la différence de salaire entre les genres pour le même métier, qui n' est pas une réalité absolue; ou encore ou l' accès à certains métiers en fonction de ces genres, qui démontrent des inégalités de par et d' autres...).
    Ce paragraphe me parait avoir comme principale utilité celle d' admettre que malgré un déséquilibre évident, les nuances existent. Ce qui encore une fois ne remet en aucun cas la légitimité d' un mouvement égalitaire contre les injustices en questions.

    Je pense donc qu' au final vous expliquer très bien que la mise en place de certaines étapes sont importantes pour amener des luttes efficaces.

    Cependant:

    Deux idées me viennent quand un tel argument est soutenu, et j' aimerais avoir votre point de vue là dessus.

    -1-
    Un de vos arguments principaux est que, englobé dans une lutte générale, les luttes spécifiques tendent à être noyées.

    Selon cet argument, pensez-vous que pour le cas de la discrimination raciale la démarche globalisante d' un SOS racisme soit une démarche qui mettrait de coté la discrimination envers les asisatiques. Et toujours selon la même logique, pensez-vous que la démarche de l' antisémitisme soit une meilleure approche du fait de son particularisme.

    Si je pose la question, c' est que j' ai lu un article défendant la thèse selon laquelle "les Asiatiques doivent se battre contre le racisme anti-noir" avec en argument majeur celui de "faire effet de levier". (source Slateafrique)

    -2-

    Ensuite, je voulais abordé la question de mouvements associatifs à aspect "englobant" puisque défendant des principes généraux et abordant notamment la défense des femmes au nom d' un développement durable dans les pays pauvres.
    Que pensez-vous de ce positionnement englobant? Que pensez-vous de cette part dans la contribution
    à la défense de luttes spécifiques?

    N.B.:
    Comprenez bien que si j' aborde ces questions c' est bien dans le cadre d' un débat d' idées ayant pour but d' approfondir les points de vue.

    • "pensez-vous que pour le cas de la discrimination raciale la démarche globalisante d' un SOS racisme soit une démarche qui mettrait de coté la discrimination envers les asisatiques"

      Il existe des asso qui luttent contre des racismes spécifiques, car ne répondant pas aux même "sources". Le racisme a cependant des composantes excluantes qui permettent de ne pas trop segmenter tout en restant pertinent dans son combat.

      Il est tout à fait possible de lutter sur deux strates d'un même problème quand les écarts ne sont pas trop important, c'est lorsque la globalisation est totale que ça ne veut plus rien dire.

      Je me permet a mon tour une remarque : on approfondit pas des points de vue, mais des réflexions : quelle sont les vôtres sur le sujet pour en arriver à de tels questionnements ? (désolé si c'est offensant mais vos questions arrivent sur le tapis comme un chien dans un jeu de quille et ça me fait dresser un sourcil)

    • - il va être difficile de parler de sos racisme comme d'un organisme luttant contre le racisme...
      mais bref. en effet il se crée de plus en plus d'associations pour différencier les types de racisme. Ainsi il existe des associations de lutte contre la négrophobie, d'autres contre l'islamophobie parce que ces discriminations ne sont pas les mêmes. des testing ont pu par exemple démontrer que si un noir est discriminé à l'embauche, il le sera encore davantage s'il est musulman par exemple.
      Ainsi en effet l'antisémitisme obéit à des préjugés particuliers ; le noyer au milieu d'autres racismes serait contre-productif.
      Et cela n'empêche nullement les non concernés de lutter contre un racisme dont ils ne seraient pas victimes.
      - pour votre deuxième question il me faudrait un exemple pour donner un avis.

      • Je ne suis pas trop convaincu par l'idée qu'il conviendrait de spécialiser les associations pour différencier les types de racisme, même si je pense également qu'il convient de différencier les types de racismes pour les combattre. Le racisme n'est pas divisible. Il n'y a pas des racismes qui seraient plus acceptables que d'autre. Et c'est en cela qu'il me semble important que les associations doivent être suffisamment généralistes pour s'attacher à condamner tous les racismes sans qu'il puisse subsister d'ambiguïté chez leurs adhérents.
        J'ai croisé des interlocuteurs attachés à la lutte contre l'antisémitisme, participant à des manifs pour dénoncer l'antisémitisme, membres d'associations luttant contre l'antisémitisme, me tenir des discours racistes envers les musulmans et vice versa.
        En spécialisant les associations, on permet aux individus de vivre confortablement leurs contradictions, d'assumer d'autant plus facilement leurs réflexes racistes qu'ils adoptent simultanément une posture antiraciste.

        • Peut être que la posture perd son caractère antiraciste à partir du moment où la lutte devient communautariste.

          Ainsi ce caractère raciste émanant de mouvements spécialisés serait un dommage collatéral, dû à leur politisation et l' impact médiatique recherché.

          Et donc stratégiquement accepté tant qu' il n' est pas induit et dénoncé dans le discours même.

  7. [...] Pourquoi le mot « humanisme » ne peut pas remplacer le mot « féminisme ». [...]

  8. Simple curiosité, pour les défenseurs du terme d'Humanisme :

    Est-il également concevable de demander la suppression de la notion de la lutte contre le racisme pour la remplacer par celle de défense de l'Humanisme ?
    En effet, si j'ai bien compris, l'Humanisme est censé être un concept selon lequel toutes les discriminations à l'encore d'individus en raison de leur sexe, genre, couleur de peau, etc. Pourtant, je ne voit nulle par un quelconque débat sur le fait de demander l'instauration de la notion d'Humanisme et la suppression de l'idée de lutte contre le racisme.
    Personnellement je constate surtout que la désagréable habitude de voir le féminisme comme étant un concept négatif et controversée reste bien ancrée dans la pensée d'une bonne partie de la société.

    Oui, être féministe, c'est se spécialiser dans la lutte pour l'instauration d'une réelle égalité entre les hommes et les femmes. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu'être féministe est synonyme de négation des autres formes de discriminations. Il est vrai que l'on peut trouver dans certaines associations des personnes défendant des idées controversées et dérangeantes (je pense à El Gato et son dernier commentaire), mais je ne vois pas en quoi cela devrait être considéré comme une vérité vérifiée au sein de toutes les associations et mouvements non Humanistes. Ni en quoi cela démontre un comportement généralisé.
    Aux dernières nouvelles, faire parti d'une association de lutte contre l'antisémitisme ne rends pas plus parfait et sans "défaut de pensée" que de faire partie d'une association de lutte l'instauration de l'Humanisme.

    Apprendre à lutter pour ses idées, connaitre les manifestations visibles ou cachées du sexisme, du racisme et du rejet des différences en général demande un très lourd investissement, à la fois chronophage et intellectuel. Réfléchir et trouver des solutions, encore plus. N'est-il pas normal de voir des associations lutter contre une des multiples formes que prends le racisme en ce cas ?

    On peut s'amuser à placer ce débat dans un autre contexte :
    Vas-t-on demander à un historien spécialiste dans l'étude du commerce entre l'Espagne et l'Inde au XVII ème siècle de connaitre sur le bout des doigts l'Histoire du commerce entre l'Italie et l'Afrique à la même époque, ou encore de connaître parfaitement l'Histoire du commerce entre Espagne et Inde des débuts de leurs liens économiques jusqu'à aujourd'hui ? Au risque sinon de ne pas être reconnu comme un Historien ?

    Peut on réellement reprocher à quelqu'un de se spécialiser dans ses connaissances et ses luttes ?

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