Mai 302010
 

Je vous avais déjà parlé de l'excision et du magnifique travail opéré par Tostan dans des pays où c'est la tradition. Il est bien évident que dans ces pays là, l'approche est différente de la France et d'autres pays occidentaux ; l'interdiction pure et simple ne suffit pas et il faut expliquer encore et encore.

On aurait pu penser qu'en Occident - et en Australie - le problème était réglé ; non qu'il n'y ait pas d'excisions mais sur l'idée qu'on ne transige pas.
Il y a quelques jours, avant de se rétracter précipitamment, l'Académie Américaine de Pédiatrie, a proposé de pratiquer une légère entaille sur le clitoris des petites filles dont la famille souhaiterait l'excision. La crainte de l'académie était de voir les familles partir faire exciser leur fille dans leur pays d'origine, , si on leur refusait l'excision.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande s'y mettent aussi.

L'excision est un acte symbolique consistant à introduire une enfant, une femme dans la société à laquelle elle appartient. A ce titre, c'est strictement comparable, ne vous en déplaise, à la circoncision chez les musulmans ou les juifs par exemple.

C'est ainsi, comme on l'a précédemment vu, qu'il a fallu beaucoup de temps à Tostan pour faire admettre les méfaits de l'excision. Certains étaient tout à fait convaincus des méfaits de cette mutilation mais ne savaient pas comment leur fille pourrait vivre dans sa société, sans être excisée. Lorsqu'on sait que sa fille, si elle n'est pas excisée, sera isolée de tous et toutes condamnée à une vie de paria il est difficile de faire un choix. Mais on parle ici de travaux et d'éducation faits au sein de villages qui excisent, on ne parle pas de populations immigrées, avec lesquelles il est difficile de travailler puisqu'elles sont disséminées et isolées.
Si vous savez que le village X excise vous y allez, vous travaillez et éduquez de façon collective. Si vous savez que potentiellement, la famille Machin, qui vient d'entrer aux USA, peut exciser ses filles, il est beaucoup plus difficile de travailler à leur faire abandonner cette pratique.

Vous me direz "il y a des lois ils n'ont qu'à les respecter".
Certes. On sera tous bien contents de les mettre en prison une fois que la fille sera excisée, mais le mal sera fait.

Donc, comment faire face à des familles nouvellement arrivées (quoique je ne sais si, pour l'Australie, cette idée ne concerne pas aussi certaines populations aborigènes) ? Comment faire pour qu'elles n'excisent pas dans le pays d'origine si on refuse ici ?

La position des pédiatres consiste à conserver la symbolique potentielle de l''excision tout en minorant l'acte au maximum.
On constate au passage que pour beaucoup de populations, l'acte n'a plus beaucoup de symbolique, il est pratiqué parce que "c'est comme ca, les anciens le faisaient". On sait donc dans ces cas là qu'il est d'autant plus difficile de faire abandonner une pratique.

En pratiquant cette entaille, même mineure, on continue à laisser entendre aux populations qui y croient, que le clitoris est un problème. Que faire, je n'ai pas la solution. Eduquer de façon massive et collective est compliqué et surtout très long. On sait qu'avant que les familles soient convaincues des méfaits de l'excision il faudra du temps. On sait que la famille Machin peut être convaincue, mais excisera quand même car elle veut marier sa fille à la famille  Truc, qui elle, est convaincue qu'il faut exciser. Je reste convaincue que la position des pédiatres est dangereuse car elle continue à faire perdurer l'idée que le clitoris peut être entaillé, mutilé ou que sais-je tant que cela se passe dans de bonnes conditions sanitaires.
Donc même s'il est évident que l'éducation est beaucoup plus longue, elle me semble la seule solution pour espérer, un jour, faire disparaitre cette pratique.

Share

  24 réponses sur “Vers une excision « light » ?”

  1. [...] This post was mentioned on Twitter by valerieCG, LaPeste. LaPeste said: Excellent article ! RT @valerieCG: http://www.crepegeorgette.com/2010/05/30/vers-une-excision-light/ : Vers une excision “light” ? [...]

  2. http://www.filmsduparadoxe.com/moolaade.html

    Un très beau film de Sembene Ousmane. Je pense que la lutte contre l'excision est plus efficace en interne. Non par "relativisme culturel", mais parce que de l'intérieur de la culture concernée on comprend mieux le contexte et on trouve )plus facilement les arguments convaincants.

    Exemple, cette idée qui vient à l'héroïne de Moolaade d'opposer à la tradition de l'excision la tradition du droit d'asile. Une corde tendue en travers de l'entrée de sa maison suffit à en "interdire" l'entrée et à protéger les fillettes qui s'y sont réfugiées.

    Autre aspect de la question: les vieilles femmes dont c'est le "métier" d'exciser continueront à exercer si on ne favorise pas leur "reconversion".

    Pour l'entaille symbolique j'hésite: on sait que les mutilations rituelles, avant de disparaître complètement, sont souvent passées par un stade atténué. Faut-il considérer ça comme un progrès (l'atteinte corporelle étant atténuée, voire supprimée) ou refuser la survivance symbolique dont le message reste fort et probablement efficace?

    J'ajoute qu'une certaine éducation des filles où le sexe féminin n'est même pas vilipendé mais carrément passé sous silence, inexistant dans le langage, inexistant tout court correspond à mon avis, en l'absence complète d'atteinte corporelle, à une excision mentale.

  3. Merci pour le lien ; le film a l'air très intéressant.

    "Autre aspect de la question: les vieilles femmes dont c’est le “métier” d’exciser continueront à exercer si on ne favorise pas leur “reconversion”."
    http://www.riaed.net/spip.php?article2352
    (non je n'ai pas d'actions chez Tostan mais j'admire profondément leur boulot) :o)
    En fait, pour résumer, ils ne sont jamais allés dans les villages en expliquant aux gens qu'ils étaient des sauvages. Au départ, leur but n'est même pas la lutte contre l'excision mais de donner des outils concrets aux gens pour prendre leur vie plus en main ; par exemple en matière d'hygiène. de là on aborde forcément l'excision.
    Le mémoire que j'ai mis en lien sur l'autre article explique bien les choses ; au sénégal quand on a interdit l'excision, les gens qui excisaient n'ont pas du tout compris pourquoi. On ne leur a mis aucun outil dans les mains pour comprendre le pb face à l'excision. Tostan - et d'autres ONG - ont fait ce travail.

    "Pour l’entaille symbolique j’hésite: on sait que les mutilations rituelles, avant de disparaître complètement, sont souvent passées par un stade atténué."
    exactement. et j'hésite tout autant. Je n'arrive pas à admettre qu'il faille en passer par là, tout en sachant bien que tout rituel s'atténue peu à peu mais ne peut disparaitre brusquement cela est impossible.

    "J’ajoute qu’une certaine éducation des filles où le sexe féminin n’est même pas vilipendé mais carrément passé sous silence, inexistant dans le langage, inexistant tout court correspond à mon avis, en l’absence complète d’atteinte corporelle, à une excision mentale."
    absolument.

  4. L’excision est un acte symbolique consistant à introduire une enfant, une femme dans la société à laquelle elle appartient. A ce titre, c’est strictement comparable, ne vous en déplaise, à la circoncision chez les musulmans ou les juifs par exemple.

    A ce titre.... Oui, certainement. En ce qui concerne les conséquences, bien que n'étant pas spécialiste car homme, j'ai pas vraiment l'impression qu'elles soient strictement comparables. Mais peut-être me trompe-je ?

    Vous me direz “il y a des lois ils n’ont qu’à les respecter“.
    Certes. On sera tous bien contents de les mettre en prison une fois que la fille sera excisée, mais le mal sera fait.

    Ben oui, il y a des lois, et elles sont faites pour être respectées. Il ne s'agit pas de mettre qui que ce soit en prison, juste d'interdire de séjour dans le pays concerné, et de prévenir la famille à l'arrivée dans le pays de cette sanction, histoire de dissuader.

    Quant à considérer que "pratiquer une légère entaille sur le clitoris des petites filles" est un progrès... assurément, c'en est un. Autant que de couper la main de quelqu'un plutôt que le bras. Quel progrès !

    Désolé, mais je considère cette pratique comme une des coutumes les plus barbares encore existantes, et ce genre de "demi-mesure", permettant de nêtre plus qu'à moitié barbare, m'apparait toujours comme parfaitement inacceptable.

  5. douloureux sujet...mais finalement je serais bien de l'avis de RiGeL.
    A l'échelle d'un pays accepter une chose illégale même minorée c'est prendre le risque de légaliser la pratique tout court à plus ou moins long terme.
    Maintenir une position ferme pourrait en effet mettre en danger ponctuellement la fille de la famille x ou y, sous réserve que cette famille ait un moyen soit de retourner au pays pratiquer l'acte soit de trouver une solution sur place dans l'illégalité, bien entendu ça reste possible, mais au niveau macroscopique la fermeté et la rigueur me semblent de meilleur aloi sur le long terme et dans l'intérêt collectif.
    On peut d'ailleurs imaginer au contraire que certaines familles qui auraient cédé à la pression dans un milieu favorable à l'excision puissent trouver dans la loi un argument recevable pour leur communauté: c'est pas qu'on ne veut pas exciser c'est que là où on est on n'a pas le droit, on ne peut pas, point barre.
    Celui qui veut outrepasser la loi trouve toujours une solution de toute manière, mais la loi reste un garde fou efficace dans la majorité des cas. Enfin je trouve, là.

  6. Peut-être que dans d'autres pays, c'est une proposition raisonnable, mais je ne suis pas d'accord du tout pour réviser quoi que ce soit sur l'interdiction en France.
    C'est curieux qu'on interdise de couper la queue et les oreilles des chiens, qu'on admette la circoncision (interdite en principe, sauf que..), et qu'on parle maintenant d'une excision light.
    Les animaux de compagnie jouissent-ils d'un statut plus protégé que les enfants de croyants ?

  7. Aïe, encore un sujet douloureux et un problème insoluble... Finalement je préférais le sujet d'avant, moi...

    Plus sérieusement il faut peut être sur ce sujet accepter de raisonner contre-nature. C'est toujours le problème avec ces approches pragmatiques, façon "santé publique". On s'occupe de statistiques où seul le résultat compte, en prenant des mesures qui sur le plan de l'individu semble absurde, voire abjecte. Mais a-t-on le choix?

    Oui sur ce sujet il faut ruser sans doute car s'opposer frontalement face des convaincus ne fait que les éparpiller dans la clandestinité. Et oui c'est pas très glorieux.
    C'est clair, pour faire de la santé publique, il faut se voiler la face, et se rassurer en comparant les chiffres à la fin.

    Ce qui est sûr, c'est qu'en aucun cas cet effort genre "santé publique d'urgence" ne doit pas alléger l'autre effort, façon "santé publique préventive" aka l'éducation...

  8. Je me permets de rajouter une piste de réflexion sur notre sujet.
    Qu'est ce qui fait que nous devons être l'excision ? Il me parait important de poser cette question. En fait les droits humains ne sont partageables que s'ils sont rationnement explicables (et donc partageables). La question peut vous paraitre stupide ou évidente, mais elle nécessite de rationaliser sa position ce qui est toujours difficile sur un sujet où on a juste envie de serrer les jambes en hurlant.

    Rigel ; l'excision, la circoncision, l'école et le service militaire à partir du 19eme en France sont des rites de socialisation qui permettent à un individu de s'insérer dans une société. Il y en a evidemment des centaines de miliers d'autres.
    Je ne parle pas ici en termes de conséquences ou de négatif/positif. Je pourrais revenir sur la circoncision sur un autre sujet mais c'est vraiment un des sujets les plus difficiles à aborder et où je me mets en général tout le monde à dos (et X millions de musulmans, de juifs et d'américains sur le dos, ca pèse ;)).

    Tu dis ensuite "juste d’interdire de séjour dans le pays concerné, et de prévenir la famille à l’arrivée dans le pays de cette sanction, histoire de dissuader."
    La prison n'est pas dissuasive sinon il n'y aurait aucun crime et délit. Tu peux interdire de séjour mais à partir du moment où un crime n'est pas encore commis c'est illégal. Enfin pour punir, il faut avoir connaissance du crime, cela n'est pas toujours le cas.
    Enfin il est important que les populations comprennent pourquoi nous interdisons (d'où ma question de départ) ; j'ai montré avec mon précédent texte sur le sujet que, sans compréhension, l'excision ne s'arrête pas.
    Évidemment il convient de rappeler aux arrivants - mais aussi aux français déjà présents - les droits et devoirs en france.

    Tu emploies le mot "barbare". je comprends dans quel sens tu l'emploies mais il me semble maladroit pour plusieurs raisons
    - comme je l'ai dit l'acte d'excision est un acte de socialisation, il n'est donc pas non civilisé, barbare donc.
    - la réception par les peuples exciseurs est importante. Les campagnes des ONG employant ce terme ont été mal reçues ; le peuples ne comprenant pas qu'on les traite de barbare. (d'où le fait que CTJ insiste sur le fait de comprendre l'acte dans son ensemble et pas isolément).

    pupuce je partage ton avis tout en disant que c'est un pari de notre part.
    tu dis par exemple "certaines familles qui auraient cédé à la pression dans un milieu favorable à l’excision puissent trouver dans la loi un argument recevable pour leur communauté"
    on peut penser a contrario qu'une famille immigrée, isolée va davantage se réfugier vers des pratiques coutumières de son pays d'origine et donc davantage se tourner vers l' excision (je n'en sais rien en fait, je suppose).

    suzanne ; je ne suis pas pour non plus tu t'en doutes mais je me demande comment agir.

    usclade : "C’est toujours le problème avec ces approches pragmatiques, façon “santé publique”."
    je crois que la réponse rationnelle est la seule approche que nous pouvons avoir.
    La rationalité est la seule réponse qui soient communément partageable par tous les peuples.
    Prenons un sujet totalement différent ; l'interdiction de manger du porc. Je ne peux me "battre" que sur des arguments rationnels et pas culturels qui ne passeraient pas. La culture de certains leur dit de ne pas en manger, la mienne dit que si. Donc on peut discuter à partir d'arguments rationnels (sans garantie de "succès").
    donc au sujet de la proposition des médecins. est ce qu'elle est rationnelle ?
    - CTJ le dit très bien ; un rite passe par de formes atténuées avant de disparaitre. On pense au service militaire en France qui est devenu une forme atténuée avec le service civil, et qui avec le féminisme est devenu mixte.
    Donc sur ce point là c'est rationnel.
    - c'est pragmatique ; mieux vaut une entaille que plus de clitoris. Ca n'est pas forcément rationnel car c'est croire que le rite d'excision est un acte isolé qui serait l'acte d'enlever le clitoris. c'est un peu prendre les exciseurs pour des abrutis en leur disant "écoute coco, on ne comprend rien à tes histoires, donc on te fait un machin light, tu seras content, vas y file".
    et là on tombe dans l'erreur. Il n'y a pas à discuter sur des rites traditionnels qui n'appartiennent pas à notre culture donc sur lesquels nous ne pouvons nous entendre mais sur les droits humains qui eux, sont communément partageables. Les droits humains partageables et rationalisables sont entre autres l'égalité hommes/femmes (ce que nie l'excision puisqu'elle considère qu'une partie du corps que ne possède que la femme est mauvaise ce qui n'est rationnellement pas tenable).

  9. bon alors déjà il y a les droits de l'enfant à prendre en compte et selon la convention un état signataire qui permettrait l'excision même partielle ou que sais-je serait en tort d'office, s'agissant ici d'une atteinte physique.
    ce ne serait pas la première fois qu'on bafouerait les droits de l'enfant hélas mais ça me paraît intéressant comme piste d'éducation des populations de s'appuyer là dessus (ça c'est parce que je suis convaincue que la face du monde changera du tout au tout lorsque chaque être humain prendra conscience que l'enfant est une personne et qu'il a droit au respect, fin de la parenthèse rousseauiste)

    Convention internationale des droits de l'enfant Article 19

    1. Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

    2. Ces mesures de protection comprendront, selon qu'il conviendra, des procédures efficaces pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d'autres formes de prévention, et aux fins d'identification, de rapport, de renvoi, d'enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l'enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu'il conviendra, des procédures d'intervention judiciaire.

    Après il y a ça, pour calmer les toubib qui osent pratiquer (et Hippocrate: d'abord ne pas nuire, pour mémoire).

    code de déontologie médicale
    Article 41 : "Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement."

    (même si les trans galèrent à démontrer le "motif médical très sérieux", d'un point de vue éthique cet article du code est une bénédiction pour les cas d'excision et de circoncision, beaucoup de médecins intègres s'appuient dessus pour refuser)

    pour moi nous avons là deux bonnes bases de travail pour éduquer et interdire en expliquant, sans pour autant invoquer une justice raide et droite de type "c'est comme ça picétou".

    Personne ne discute les motifs qui justifient ou pas la pratique (question de point de vue, gardons nous d'y toucher), pas qu'on s'en foute mais presque en fait vu que c'est une question de croyance au fond on ne peut pas en venir à bout, disons donc qu'on met ça de côté deux minutes... et on travaille sur la personne de l'enfant et son droit à disposer de son corps et à être protégé des abus, et sur l'acte médical lui même qui ne peut pas être toléré en tant que tel sans cause sérieuse.

    Bref pour moi l'arsenal légal et éducatif est complet, le tout c'est de vouloir s'en servir, quoi.
    Cet arsenal a fonctionné pour me convaincre, moi. Je ne suis pas née dans un pays favorable à l'excision mais on accepte bien la circoncision ici... j'aurais donc pu être de l'un ou de l'autre bord ou alors être comme certains, pour l'une (couper quéquette) et contre l'autre (couper zézette), ou l'inverse, tiens ça doit exister.
    Au lieu de ça, je suis fermement contre les deux.

    Parce que je crois que les enfants ont le droit au respect le plus absolu et que si jamais une fois adultes ils ont envie de se faire enlever un truc ils pourront peser et mesurer la décision, et parce que je suis d'avis qu'on ne doit pas permettre aux médecins de nuire sciemment et volontairement sur décision de l'entourage du patient et sans accord du patient lui même (déjà que je n'aime pas le principe qui leur permet de ne pas informer le patient de son état si ils jugent qu'il y a un risque de réaction délétère de sa partg...grrr...infantilisation à tous les étages, et puisque tu es un enfant on ne te respecte pas, la boucle est bouclée).
    Même si je ne suis pas claire pour expliquer mon cheminement de pensée (n'est ce pas), je ne dois pas être la seule cruche de la planète à réfléchir comme ça. donc ça peut aussi marcher pour convaincre d'autres gens que moi. Pourquoi nous devons être contre l'excision, cqfd.

  10. J’avoue avoir un gros doute sur l’efficacité d’une « excision light ». Quand on entend les témoignages des gens défendant l’excision, ce n’est pas le coté symbolique qui est mis en avant. C’est surtout des considérations hygiéniques ou des propos du genre « une femme non excisée a une sexualité débridée, si j’épouse une femme non excisée, elle va me tromper ». De même, un femme qui n’aura qu’une petite entaille de rien du tout aura du mal à convaincre son entourage qu’elle a bien été excisée. Donc à part ouvrir la porte à une forme d’acceptation de l’excision, je ne vois pas trop l’intérêt de cette pratique.

    La loi (chez nous) interdit l’excision et c’est une bonne chose. Pour répondre à ta remarque Valérie sur le fait que la loi s’applique après coup, lorsqu’il y a déjà excision et que le mal est fait, il y a des propositions de mettre en place des mesures préventives. Par exemple, le personnel médical peut systématiquement vérifier chaque année que les filles ne sont pas excisées lors des visites médicales organisées dans les écoles. Comme ça les parents savent qu’ils risquent d’être vite découverts s’ils décidaient d’exciser leur fille, ce qui peut contribuer à les faire fortement hésiter. On va toujours brandir le risque que, du coup, les parents ne mettraient plus leur fille à l’école et les priveraient en plus de leur scolarité. Mais outre le fait que ce phénomène serait très marginal, il est de toute façon encadré par d’autres lois sur l’obligation scolaire et la protection de l’enfant. On trouvera toujours des parents maltraitants quoi qu’on fasse, mais ça n’empêche pas de prendre toutes les mesures pour protéger un maximum d’enfants.

    Concernant le travail de Tostan, que je ne connaissais pas mais qui a l’air très intéressant, j’ajouterais qu’il faut surtout valoriser les mères qui n’excisent pas leurs filles. Je me suis très longtemps interrogée sur les raisons qui poussaient des mères à faire tant de mal à leur fille, sachant qu’elles-mêmes l’avaient subis, et étaient si peu réceptives aux discours leur expliquant que l’abandon de certaines pratiques étaient meilleur pour leur fille. J’ai fini par faire le lien avec le comportement général des mères souvent peu instruites et adoptant un rôle traditionnel. Chez nous, beaucoup de femmes mères au foyer ayant des idées traditionnelles vont imposer à leur fille d’adopter elles-aussi un rôle traditionnel. Même s’il est subalterne, peu valorisant, source de douleur et de mal-être. Pourquoi ? D’abord parce que c’est souvent la seule chose que ces mères connaissent. Ensuite (et c’est ici tout l’aspect psychologique que je veux développer), parce que pour ces femmes, le rôle de mère est la chose la plus importante dans leur vie, et la seule fonction dans laquelle la société (le groupe) les valorise.

    Plusieurs phénomène en découlent :
    - A la fois un manque de confiance en elle (par défaut d’instruction et de valorisation en dehors du ménage) qui débouche sur une attitude paradoxale d’affirmation outrancière pour masquer ce manque de confiance : « je sais mieux que quiconque ce qui est bon pour mes enfants », « je sais mieux que ma fille ce qui est bon pour elle ». Donc les discours d’experts extérieurs leur dictant d’abandonner des pratiques mauvaises sera rejeté à la fois parce qu’il renforcera le manque de confiance en elles (on leur dit qu’elles font nulles parce qu’elles font mal) et renforcera l’attitude « je suis une mère omnipotente qui sait mieux que tous ce qui est bon pour mes propres enfants » qui les détournera des experts.
    - Une dépendance très forte envers l’opinion du groupe et le qu’en-dira-t-on. Comme être mère, c’est la seule source de valorisation, ces femmes vont tout faire pour se faire bien voir par leur groupe social, et adopter au maximum les règles et comportements traditionnels de ce groupe. En effet, seul le groupe peut leur envoyer le message qu’elles sont de « bonnes mères ». Les enfants sont donc éduqués non pas dans leur propre intérêt et leur personnalité propre, mais en fonction de ce que le groupe pensera. Pour prendre un autre exemple, quand une mère a un fils homo ou une fille lesbienne, ce qui l’effraye le plus, ce n’est pas les discriminations que subira son enfant, ni même le fait qu’il/elle aura plus de mal à fonder une famille. Ce qui l’effrayera le plus, c’est le jugement du groupe. C’est le « elle n’a pas été capable d’élever son fils/sa fille correctement », « elle n’a pas été capable de conformer ses enfants à ce que la société attend d’eux ». C’est une atteinte directe à l’amour-propre de ces femmes, qui prennent ça comme une illustration de leur incompétence. On dit que les mères font exciser leur fille, croyant bien faire pour elle parce qu’elle trouvera un mari et ne sera pas rejetée du groupe. Je pense surtout que derrière ça, les mères font exciser leur fille, d’abord et avant tout pour elles-mêmes, pour montrer au groupe qu’elles font tout pour se conformer aux règles sociales, pour montrer à l’entourage qu’elles sont de bonnes mères. Je peux peut-être choquer certaines personnes en présentant ces femmes comme des bourreaux pétries d’égoïsme. Mais on peut retrouver ce phénomène dans beaucoup de situation y compris chez nous. Par exemple, le rejet par leurs parents de leur ado lorsqu’il leur annonce leur homosexualité.

    Je pense donc que les campagnes contre l’excision doivent prendre en compte cette dimension psychologique, et apporter une réponse à ces mères. D’où l’idée de valoriser les mères qui n’excisent pas leur fille. Montrer au groupe (et le groupe doit s’inscrire à terme dans cette démarche) que les femmes qui n’excisent pas leurs filles sont de bien meilleures mères que les autres. Les soutenir face à leurs pairs qui vont immanquablement les critiques, par exemple (j’invente) en mettant en place des clubs de mères qui n’excisent pas leur fille et qui se soutiennent mutuellement face aux critiques. Bref, agir non seulement sur le groupe, mais prendre en compte la psychologie fine des mères traditionnelles.

  11. Et pour élargir mon propos sur une autre forme d’atteinte inutile aux organes génitaux, je prends l’exemple des opération d’assignation sexuelles des intersexués. Je voyais une émission où on entendait les témoignages de parents d’enfants intersexués. Ils étaient dans une détresse totale, en particulier par rapport à leur entourage. Ils ne savaient que répondre lors que n’importe qui leur demandait si leur bébé était une fille ou un garçon, ils devaient se cacher lorsqu’ils changeaient les couches de leur bébé, etc. Et finalement, l’opération visant à rendre par le bistouri les organes sexuels de leur enfant conforme à ce que devraient être les organes masculins ou féminins avaient pour but premier, non pas de prendre en compte la situation future de ces enfants, mais de répondre à une détresse de leurs parents.

    Je pense que cette détresse et cette situation psychologique est équivalente chez les parents de filles non excisées dans les groupes sociaux où c’est la règle.

  12. "C’est surtout des considérations hygiéniques ou des propos du genre « une femme non excisée a une sexualité débridée, si j’épouse une femme non excisée, elle va me tromper »."
    en fait pas tellement ; cette raison revient vraiment peu dans les explications données. On le fait surtout "parce que c'est comme ca et qu'on l'a toujours fait".
    C'est - et non je ne compare pas ;o) ) - aussi logique que décorer une chambre de fille en rose quand elle nait. c'est comme ca et voilà.

    J'ai trouvé peu d'ethnies qui affirment directement que c'est pour que la femme se tienne tranquille. En revanche on associe beaucoup au clitoris des pouvoirs maléfiques ; ca peut blesser le mari (comme une dent), ou tuer les enfants qui naissent.
    NC Mathieu en cite une, exciseuse pour laquelle la conservation du clitoris rend les femmes intenables mais elle cite celle d'a coté qui explique qu'elle n'excise pas car elle a bien constaté que les femmes ayant supporté les douleurs de l'excision deviennent insupportables.

    "Je me suis très longtemps interrogée sur les raisons qui poussaient des mères à faire tant de mal à leur fille,"
    il y a d'autres raisons à celles que tu cites.
    1. beaucoup considèrent les avantages/inconvénients ; c'est ainsi que dans le lien du précédent billet je parle d'une femme contre l'excision qui s'est faite exciser à l'age adulte (au Sénégal) parce qu'elle aurait été trop isolée es autres femmes sans être excisée.
    2. cela n'est pas vu comme un mal ; cela est vu comme un moyen d'être intégrée dans une société. Si comme dans certains sociétés on croit que la présence d'un clitoris tue les enfants qui naissent ou font que tu es hantée par l'âme des ancêtres que fais tu ?
    Si cela doit t'isoler des autres, femmes comprises, que fais tu ?
    3. enfin oui bien sûr c'est un pb de connaissances. il nous semble évident à tous et toutes mais c'est récent, quelque 60 ans, que si on se coupe avec un rasoir sale, on va avoir une infection. Dans certains pays cela ne va pas de soi. Beaucoup pensaient sincèrement que si une gamine mourrait après avoir été excisée c'était à cause d'un mauvais sort.
    et c'est là qu'agit Tostan ; non pas en leur disant "c'est mal arrête" mais en leur donnant les outils pour se rendre compte des problèmes que cela pose.

    "Je peux peut-être choquer certaines personnes en présentant ces femmes comme des bourreaux pétries d’égoïsme."
    non pas du tout mais j'aborderai les choses différemment que toi.
    Il est important pour nous de comprendre que comme tous les parents aimants, ces familles veulent le mieux pour leurs enfants. Exciser n'a rien à voir avec un parent qui taperait ou torturerait son enfant. La mère, la famille sait que si sa fille n'est pas excisée, elle n'aura aucune vie sociale. En France ca parait moins grave ; on peut toujours ficher le camp ailleurs. Dans une région exciseuse, ca n'est pas avoir de mari, pas d'amies ; on ne peut pas partir si facilement. La femme que je citais au dessus ne pouvait pas aller se baigner avec les autres femmes et partager leurs activités. c'était une paria.
    Ensuite il faut tout e même se rappeler que la prise en considération du plaisir féminin est très récente.
    Quand on a forcé à arrêter l'excision sans explication, les femmes non excises se sont retrouvées au ban de la société souvent prostituées, mendiantes.

    Je parle ici des régions à tradition exciseuse pas la France ou les USA.
    tu dis "D’où l’idée de valoriser les mères qui n’excisent pas leur fille"
    le problème est qu'elles ne s'en vantent peut être pas. J'ai ainsi lu des histoires où de femmes avaient fait croire que, ou le mari était parfois complice de la supercherie parfois dupe.

    "Par exemple, le personnel médical peut systématiquement vérifier chaque année que les filles ne sont pas excisées lors des visites médicales organisées dans les écoles."
    bonne idée. enfin encore faut il que les parents acceptent les visites médicales (en France cela n'est pas obligatoire je crois).

    "Je pense que cette détresse et cette situation psychologique est équivalente chez les parents de filles non excisées dans les groupes sociaux où c’est la règle."
    as tu lu le bouquin sur les intersexués ? c'est exactement ce qui en ressortait. Il est bien difficile de se dire que son gamin grandit avec des organes génitaux différents et qu'il va forcément en souffrir.

    pupuce ; justement on est coincé avec la convention des droits de l'enfant vu qu'on permet la circoncision sans aucun problème. On met à mal l'intégrité physique de certains donc il parait difficile, me semble t il, d'utiliser cet argument pour les filles. Pareil pour le code de déontologie médicale ; c'est pour cela que je tenais vraiment à évoquer la circoncision parce que cet acte autorisé en France par exemple peut nous être renvoyé dans la figure comme argument pro-circoncision.

  13. attends la circoncision ça va pas durer non plus, y'a du mieux dans le domaine... c'est juste le début mais enfin on commence à respecter les corps de nos enfants à commencer par leurs parties génitales : le fameux décalottage des garçons est enfin déconseillé (celles qui ont des enfants et qui ont eu la joie d'assister à la scène d'un toubib violentant cette partie de l'anatomie de leur bébé sans demander l'avis de personne et sans la moindre anesthésie dans le secret d'une banale consultation comprendront que je prennent ça en exemple).
    la circoncision suivra, de même je l'espère que bien d'autres actes qu'on commet sur nos enfants sous des prétextes fallacieux et sous couvert de médecine, religion, prévention et autres dogmes.
    quand on aura compris la base de toute cette réflexion, tout le reste suivra logiquement, excision comprise. la base c'est le respect de l'enfant en tant que personne. la base, plus largement, c'est de ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fasse.
    ce devrait être la règle première de toute civilisation... et je n'arrive pas à comprendre pourquoi ça ne l'est pas (je sais je suis niaise, j'ai été livrée sans le gène du profit et de l'exploitation des autres, c'est ballot).
    enfin bref donc, à mon avis plus on avance dans la prise en compte de l'enfant (depuis le stade bébé, parce que là y'a du boulot...), de son statut d'être humain, de son intérêt supérieur pour les décisions qui le concernent, plus on a de chances de parvenir à faire changer les choses durablement.
    ça serait dur de faire revenir le statut en arrière une fois arrivé à l'âge adulte, on ne peut pas élever une génération en lui garantissant le respect et lui dire au bout de 20 ans qu'elle peut s'asseoir dessus jusqu'au bout, du coup la défense des droits de l'enfant permet non seulement l'évolution du statut de l'enfant mais aussi celle du statut de l'étudiant, du travailleur, du retraité que cet enfant deviendra. c'est l'excision, l'échec scolaire, la parité, tout en un. aucune lutte n'a plus de pouvoir que celle ci. alors même si il faut se mettre à dos douze millions de personnes pour avoir osé dire non à la circoncision, il n'y a pour moi pas d'autre chemin possible pour aboutir que de s'appuyer sur le respect de la convention des droits de l'enfant que notre pays a signée et doit normalement assumer.
    après trouver un politique qui ait le courage de porter ce message là dans les hautes sphères (parce que moi du fond de ma cuisine en gueulant bien fort je peux toucher le voisin mais guère plus et en prime il va me traiter de barge) c'est une autre paire de manches...

  14. C'est un fait bien connu que les migrants, dans un contexte hostile, exacerbent certains aspects,les plus "identitaires", les plus rétrogrades de leur culture d'origine.

    Plus le milieu est hostile (objectivement ou pas, car si on se sent mal le résultat est semblable), plus la crispation sur les valeurs anciennes est fort.

    Une dame sicilienne ma faisait rigoler avec l'histoire de ses cousines: immigrées aux USA, elles étaient revenues au pays pour des vacances. Robes noires longues, foulard noir sur la tête, plus "sicilienne" tu meurs, alors que les femmes de leur génération restées au pays portaient des robes légères et se baignaient en maillot deux pièces.

    Et si la solution était, simplement, d'accueillir chaleureusement les migrants, de leur laisser le temps de se faire aux coutumes locales, quitte à garder ce qui leur fait chaud au coeur et ne détone pas trop?

    Je sais bien que l'excision pose un problème particulier par la gravité de ses conséquences et sa quasi irréversibilité, pourtant ça vaut la peine de réfléchir si on ne fait pas plus de mal en s'indignant et en réprimant durement au lieu d'éduquer.

    "Le personnel médical peut systématiquement vérifier... " c'est terriblement dangereux comme raisonnement. Ces fillettes sont souvent suivies par la PMI, le médecin est tenu au secret professionnel, s'il ne l'était plus elles ne verraient plus de médecin. Et tout le travail de prévention, d'éducation tomberait à l'eau.

  15. Valérie :
    « Il est important pour nous de comprendre que comme tous les parents aimants, ces familles veulent le mieux pour leurs enfants. »
    Et bien, justement, je ne suis pas convaincue que ce soit si simple. Si c’était si simple, n’importe quelle mère à qui on dirait que l’excision c’est mal et risque de tuer sa fille, refuserait l’excision. Ce qui entre en jeu, c’est (comme tu le dis d’ailleurs) la pression du groupe. C’est l’image que lui renvoie le groupe sur son rôle de mère, sur la façon dont elle éduque ses enfants et sur son respect des règles du groupe par rapport à ses enfants. Dans une société traditionnelle, la déposséder de ce rôle de mère revient à lui retirer tout statut et toute fonction, puisque c’est la seule valorisation que le groupe lui reconnait.
    Donc le « mieux pour les enfants » est contrebalancé par « le mieux pour le groupe ». Et ce qui est déterminant, c’est l’image que le groupe lui renverra en tant que mère. Il n’y aura que les femmes particulièrement fortes, confiantes en elles et instruites, capables de faire face à la pression du groupe et à préférer le « mieux pour ses enfants » quitte à se mettre au ban du groupe.

    « Dans une région exciseuse, ca n’est pas avoir de mari, pas d’amies ; on ne peut pas partir si facilement. La femme que je citais au dessus ne pouvait pas aller se baigner avec les autres femmes et partager leurs activités. c’était une paria. »
    Justement, c’est pour ça que je parlais de mettre en place un système de soutien à ces femmes. Il faut justement qu’elles ne soient pas isolées, mais qu’elles soient soutenues par d’autres personnes, notamment par d’autres femmes non excisées.

    « Si comme dans certains sociétés on croit que la présence d’un clitoris tue les enfants qui naissent ou font que tu es hantée par l’âme des ancêtres que fais tu ? »
    Je suis d’accord que ce qui compte, c’est l’éducation (et je soutiens le travail de Tostan évidemment). Mais la question que je me pose, c’est est-ce qu’une « excision light » sera utile dans ce cas-là ? Si c’est la présence du clitoris qui tue, couper juste un petit morceau ne servira à rien me semble-t-il.

    Cultive ton jardin :
    « C’est un fait bien connu que les migrants, dans un contexte hostile, exacerbent certains aspects,les plus “identitaires”, les plus rétrogrades de leur culture d’origine. »
    Je nuance énormément ta phrase. C’est un fait que CERTAINS migrants (et je suis même convaincue qu’il s’agisse d’une petit minorité) exacerbent certains aspects identitaires, les plus rétrogrades de leur culture, non pas parce qu’ils sont dans un contexte « hostile », mais parce qu’ils veulent se différencier de la population autochtone, quelque part au nom d’une notion de supériorité.

    Face à cette situation, deux options s’imposent :
    1° on préfère et encourage les migrants (la majorité) qui veulent s’intégrer, et vivre au mieux dans leur nouveau pays. D’où la mise en place de tous les outils nécessaires pour les aider dans cette intégration (non discrimination, aide à l’apprentissage de la langue, soutien pour la recherche d’emploi, remédiation spécifique pour permettre à leurs enfants de réussir leur scolarité, accès à un logement décent, lutte contre le racisme et la xénophobie, accès la citoyenneté, etc etc).
    2° on préfère les migrants qui ne veulent pas s’intégrer et on se plie à tous leurs désidératas, y compris les plus contraires à nos valeurs fondamentales.

    Personnellement, je préfère la première option. D’abord parce que c’est celle qui favorise le mieux la vie en société pour tous. Ensuite parce que c’est celle voulue par la majorité des migrants. Ces mêmes migrants subissent d’ailleurs la mauvaise image véhiculée par le second groupe, et sont les premiers à s’en plaindre. Donc selon moi, toute mesure qui visent à prendre en compte la situation des migrants du second groupe ne doit jamais avoir d’effet contre-productif sur ceux du premier groupe.

    « ‘Le personnel médical peut systématiquement vérifier…’ c’est terriblement dangereux comme raisonnement. Ces fillettes sont souvent suivies par la PMI, le médecin est tenu au secret professionnel, s’il ne l’était plus elles ne verraient plus de médecin. Et tout le travail de prévention, d’éducation tomberait à l’eau. »
    Je sais qu’il y a le secret médical. Mais il y a également les droits humains et la protection de l’enfant qui entre en jeu. Est-ce qu’un médecin qui constaterait des traces de coup sur un enfant qu’il examine et à qui l’enfant lui dit qu’il est battu par ses parents est tenu par le secret médical et ne peut rien dire ? J’ai un doute.
    Enfin, comme je l’ai dit plus haut. Quelle que soit la mesure préventive qu’on prendra, il y aura toujours une petite proportion de parents qui s’enfermeront aveuglément dans leur logique traditionnelle et qui réagiront en retirant leur fille de l’école et l’empêcheront de consulter un médecin. Comme je l’ai dit, il ne s’agit que d’une infime minorité, et dans ce cas il y a d’autres lois de protection de l’enfance qui entrent en jeu et qui permettent de considérer que l’attitude de tels parents est de la maltraitance.

  16. "Et ce qui est déterminant, c’est l’image que le groupe lui renverra en tant que mère."
    et l'image que le groupe renverra à l'enfant ! quand je dis que la mère veut le mieux pour son enfant, c'est qu'elle veut que sa fille soit insérée dans le groupe. Et puis le dire.. est ce suffisant ? Si je te dis, sans t'expliquer, Mwana, qu'il ne faut pas que tu fasses telles ou tele chose ; si tu ne comprends pas les raisons, que tu n'intègres pas, tu continueras une pratique qui est mauvaise. Certaines populations vivent ans l'ignorance absolue des microbes, des notions d'hygiène, c'est long à expliquer.

    CTJ et MM ; perso l'idée de MM me semble bonne. Un méecin doit signaler s'il constate, par exemple, des traces suspectes (coups, viols etc). Le secret médical ne tient plus. Ceci ne nous empêche pas évidemment, la prévention et l'éducation.

    "Mais la question que je me pose, c’est est-ce qu’une « excision light » sera utile dans ce cas-là ? Si c’est la présence du clitoris qui tue, couper juste un petit morceau ne servira à rien me semble-t-il."
    ah mais non. C'est pour cela que cette méthode ne peut être employée - si elle devait l'être ce qui me semble idiot - qu'auprès de populations migrantes isolées. Paradoxalement, il me semble plus facile d'éduquer et de travailler auprès de peuples qui excisent. En effet le groupe entier est là donc on peut agir sur le groupe entier ; comme tu le soulignes la pression du groupe est forte ; donc si on n'a qu'un ou deux membres sous la main c'est plus compliqué.

    "C’est un fait que CERTAINS migrants (et je suis même convaincue qu’il s’agisse d’une petit minorité) exacerbent certains aspects identitaires, les plus rétrogrades de leur culture"
    en fait ce que CTJ soulignait, je pense, c'est qu'il y a repli identitaire - pas forcément vu sur un côté rétrograde - quand le contexte de migration est mal foutu.
    On constate en France qu'il n'y a plus aucune mixité sociale ; on a donc des cités avec le coin pakistanais, le coin tunisien, le coin algérien, le coin machin. Forcément, cette mauvaise gestion entraine un repli.

    "Et si la solution était, simplement, d’accueillir chaleureusement les migrants, de leur laisser le temps de se faire aux coutumes locales, quitte à garder ce qui leur fait chaud au coeur et ne détone pas trop?"
    ==> tant que c'est en accord avec la loi française, aucun problème.

    "pourtant ça vaut la peine de réfléchir si on ne fait pas plus de mal en s’indignant et en réprimant durement au lieu d’éduquer."
    ca c'est compliqué.
    je ne crois pas qu'on peut opposer, dans ce cas répression et éducation. On ne peut pas simplement mettre une tape sur les doigts (je caricature) d'une famille qui a excisé son gamin.

    pupuce ; bah tu sais l'oms a lancé une reco pour la circoncision en Afrique, soit disant que ca protège un peu du sida... donc on en est loin de l'interdiction.

  17. « et l’image que le groupe renverra à l’enfant ! quand je dis que la mère veut le mieux pour son enfant, c’est qu’elle veut que sa fille soit insérée dans le groupe. »
    Oui, mais moi je pense qu’il y a en plus une dimension d’ordre psychologique chez la mère. Appelle-ça amour-propre ou que sais-je. Il y a des moments où les choix posés par une mère pour son enfant sont plus dictés par son propre intérêt que par celui de l’enfant. Quand j’étais institutrice, j’ai vu plusieurs fois des comportements de parents (et de mères au foyer en particulier) qui allaient à l’encontre de l’intérêt de leur enfant, mais répondaient à leur propre intérêt. Un simple exemple, c’est le conflit entre les enseignants qui veulent que l’enfant grandissent, deviennent de plus en plus autonome et responsable, alors que sa mère, qui veut garder son statut de mère, fait tout pour le maintenir petit, sans autonomie, entièrement dépendant d’elle. Un autre exemple sont les mères qui ferment les yeux sur l’inceste commis par leur conjoint sur leur enfant. Là aussi, son intérêt à elle (par exemple le fait que la famille soit préservée, qu’elle n’entre pas en conflit avec son conjoint, etc) prime sur l’intérêt de son enfant.

    Pour moi, ce n’est pas une règle absolue de dire que la mère veut le mieux pour son enfant. Il y a un tas d’intérêts en jeu, en conflit, dans les relations entre les mères et leurs enfants. Je pense que c’est une dimension supplémentaire à prendre en considération dans le cas de l’excision puisque cette pratique se passe entre femmes. En plus de la notion de groupe et du poids du groupe.

  18. Je ne vois le rapport entre l'inceste, qui n'est pas une pratique du groupe, est interdite par la société à laquelle la mère appartient et l'excision, qui est une pratique de socialisation totalement licite et encouragée par le groupe.
    De plus, je ne pense pas que des sociétés souvent africaines, ou l'intérêt individuel compte peu face au groupe puisse être stricto sensu comparé à nos sociétés occidentales.

    "Pour moi, ce n’est pas une règle absolue de dire que la mère veut le mieux pour son enfant."
    ce n'est pas ce que je dis. ce que je dis, parce que c'est important de comprendre qu'une mère qui excise n'est pas une tortionnaire (je sais que tu ne penses pas cela) c'est que la mère exciseuse ne pense pas en termes de "faire du mal à son enfant", "le torturer".

  19. J’ai du mal à me faire comprendre je pense… 🙁

    Ce que j’essaye d’expliquer, c’est que parmi tout ce que j’ai lu sur l’excision, on prend en compte trois acteurs :
    - Le groupe
    - La petite fille
    - L’exciseuse à reconvertir pour lui assurer d’autres revenus.

    Je ne conteste en aucun cas la prise en compte de ces personnes-là dans la lutte contre l’excision. Le but de mon propos était d’ajouter une personne supplémentaire, qui est à mon sens une personne clé dans le processus d’excision, à savoir la mère.

    Dans ce que j’ai lu (et je suis loin d’avoir tout lu, j'avoue), il y avait systématiquement un discours contradictoire sur le rôle de la mère. Elle est présentée comme :
    - soit non instruite, ignorante, totalement soumise au groupe, suivant sans discernement les pratiques traditionnelles
    - soit résistante aux recommandations des médecins et experts qui lui expliquent qu’exciser est nocif pour la santé de son enfant, résistante aux discours des ONG luttant contre l’excision, capable d’affronter par toutes ses forces les informations qui lui parviennent, qui seraient quand même de nature à lui faire douter un tantinet sur la dangerosité de ces pratiques.

    Elle est donc présentée comme à la fois faible et totalement soumise, et forte et totalement combative.

    Ce qui me dérange, c’est que la mère est chaque fois caricaturée, et réduite à un seul axiome « elle veut le bien de son enfant ».

    Ce que je dis, c’est que ce n’est pas toujours vrai. Même si consciemment elle veut le bien de son enfant (évidemment qu'elle n'est pas tortionnaire), il y a des moments où elle posera des choix où son propre intérêt primera sur celui de son enfant.

    Pour illustrer le fait que parfois des mères font primer leur propre intérêt sur celui de l’enfant, j’ai pris l’exemple des mères qui freinaient le développement de leur enfant (pour ne pas perdre leur rôle et leur statut de mère), ou encore des mères qui ne défendaient pas leur enfant contre leur père incestueux (pour ne pas entrer en conflit avec leur conjoint). Pour moi, l’assertion « elle veut le bien de son enfant » n’est pas absolu. Et n’est de toute façon pas mise en pratique systématiquement. J’ai également mentionné l’exemple de parents d’enfants intersexués en expliquant que l’opération d’assignation sexuelle avait plus pour but de répondre à l’angoisse des parents qu’à prendre en compte l’intérêt de l’enfant.

    Si quand on met une mère devant le choix suivant :
    - Soit vous excisez votre fille, elle risque de mourir, d’avoir des séquelles terribles toute sa vie, mais elle sera acceptée par le groupe
    - Soit vous ne l’excisez pas, et elle n’aura plus aucun risque, sera assurée au niveau de sa santé, mais devra un peu batailler pour se faire accepter par le groupe, et après tout, vous pourriez l’aider puisque c’est dans son intérêt.
    Qu’est-ce qui fait que cette femme choisit quand même d’exciser sa fille ?

    Donc le but de mon propos était simplement d’attirer l’attention sur le rôle fondamental des mères, et prendre en compte toutes les dimensions et contradictions qui les animent.

  20. ok je comprends mieux :o).

  21. Voilà une discussion extrêmement intéressantes sur la force de la coutume. Cependant, je crois bon de rappeler que dans ce billet, on ne parle pas de l'excision dans les pays ou celle-ci se pratique communément, mais dans les pays "occidentaux", ou elle n'est pas vraiment une norme. Ceci change quelque peu les choses.

    Une autre chose me choque un peu, c'est la comparaison que vous avez faite entre l'excision et la circoncision.
    La circoncision est autorisée en fFrance, oui, en tant qu'acte médical, pour des raisons médicales. Pratiqués correctement (donc sous anesthésie, c'est une opération très peu douloureuse pour l'a personne qui la subit. Il s'agit de l'ablation d'un bout de peau, qui ne remet absolument pas en cause l'intégrité physique d'un garçon, et n'a aucune espèce de conséquence sur sa vie future, sexuelle notamment. L'excision ne me parait pas présenter les mêmes caractéristiques, et à ma connaissance, il n'existe pas de raison médicale pour pratiquer cet acte.

  22. oups, désolé pour toutes les "fôtes daurtografe". J'ai pas relu mon texte avant de le poster... J'aurais du.

  23. "La circoncision est autorisée en fFrance, oui, en tant qu’acte médical, pour des raisons médicales."
    non. C'est autorisé pour les juifs et musulmans ; et dans les cas des juifs cela n'est pas pratiqué par un médecin.
    la circoncision telle que tu la conçois concerne les cas graves de phymosis.
    Aux USA, la majorité des garçons sont circoncis pour des raisons "hygiéniques".

    "Il s’agit de l’ablation d’un bout de peau, qui ne remet absolument pas en cause l’intégrité physique d’un garçon,"
    a partir du moment ou tu enlèves un bout de peau sans raison médicale, c'est une atteinte à l'intégrité.

    "et n’a aucune espèce de conséquence sur sa vie future, sexuelle notamment"
    a partir du moment ou le prépuce n'est plus recouvert, il se durcit donc il y a forcément perte de sensibilité du prépuce.

    Il ne s'agit pas, je le répète une nouvelle fois de parler de conséquences.
    On n'a tout simplement pas à pratiquer des opérations sur des enfants sans nécessité médicale.
    A ce titre la circoncision à titre religieux devrait être interdite.

  24. concernant l'excision, il y avait, il y a quelques années, une jeune femme sénégalaise d'origine vivant en France qui racontait sur son blog les étapes de la chirurgie réparatrice qu'elle avait décidée de subir, et les relations conflictuelles qu'elle entretenait avec ses parents et sa soeur, laquelle n'avait jamais osé parler du fait qu'elle avait été excisée à son mari, lequel ne s'en était jamais aperçu. Aveugle, le mari ? D'après "Papillon", pas forcément : certaines excisions, sans infibulation, ne sont pas "visible" ; la blessure ayant cicatrisé en formant un bourrelet qui fait illusion.

    Sinon, Arte avait fait une soirée Théma sur l'excision et les efforts pour lutter contre ça, en Afrique, plus particulièrement dans un pays du Golfe de Guinée et un pays de la cote est, genre Somalie. Les pratique d'excisions étaient totalement différentes dans l'un et l'autre pays. En Somalie, il s'agit d'opération "privées", pratiquées par la famille, en petit comité. Il est "facile" d'effectuer un travail de sensibilisation, de reconversion des exciseuses, et un léger chantage du genre "n'excisez pas votre fille et on vous aide pour l'envoyer à l'école, afin que, pour son futur mari, elle soit une épouse solide, sur qui et avec qui compter, et pas une gardienne de chèvre anxieuse avec problème gynéco-urétaux horrible". Tandis que dans le pays du golfe de Guinée, la situation d'excision était totalement différente : l'excision étant pratiqué sur un groupe de jeunes filles "initiées" dans un contexte multi-ethnique, par des exciseuses qui ont intérêt à avoir le plus d'initiées possibles pour se faire le plus de blé, lutter contre l'excision, c'est se heurter à une démarche identitaire ethnique et "de groupe" (le genre de mécanisme de groupe qui vous pousse à engueuler le gamin "et si tout tes copains sautaient par la fenêtre, tu ferais pareil, sans doute ?!?), ce qui rendait le travail de sensibilisation contre l'excision bien plus difficile que dans le premier cas.

    Sinon, les Aborigènes d'Australie ne pratiquent pas l'excision, certains groupes ont leurs propres coutumes de mutilations sexuelles sympathique : l'introcision, aussi appellée "épisiotomie coutumière". Comme l'excision, c'est pratiqué sur des gamines, comme l'excision, ça a des conséquences psychologiques et physiques dévastatrices, à la différence de l'excision, il n'y a pas de risque de fistule uro-génitale. Juste une déchirure génito-anale.

    ...Maintenant, l'Australie a une politique envers les aborigiènes qui ne se caractérise pas vraiment par le respect, l'empathie et la valorisation des primo-habitants de l'île. Par exemple, il y a quelques année, devant le constat de maltraitance généralisée constatés sur les enfants abo, il avait été unilatéralement décidé d'interdire la diffusion de pornographie chez les Aborigènes, ces grands sin... enfants que la lecture d'un playboy met hors d'eux-même. Pas une once de réflexion sur les politiques désastreuses de "pensionnat" - comparable à ce qui s'est fait en Amérique chez les Amérindien - qui coupaient les enfants de leurs parents et ont forgé des générations totalement acculturées et inadaptées ou sur les causes profondes - et qui a eut aussi les mêmes effets "culturels" en Amérique : alcoolisme, inceste.

Désolé, les commentaire sont désactivés pour l'instant.