Août 032016
 

Les féministes sont très souvent accusées de dire que tout homme est un violeur.
Je suis toujours surprise de l'énergie à véhiculer des rumeurs autour des féministes, rumeurs que nous passons un temps assez considérable à démentir. Ce temps ne peut être consacré à une lutte active et c'est assez ironique lorsqu'on se rappelle que beaucoup de gens nous disent qu'on ne s'occupe pas "des vrais problèmes". Si vous cessiez peut-être d'inventer des rumeurs et des ragots, on perdrait un peu moins de temps. Mais bref. Comme j'ai constaté que cette idée se répand de plus en plus, essayons  une bonne fois pour toutes d'y répondre pour enfin passer à autre chose.

 

Dés leur petite enfance, leurs parents, leurs amis, l'école, la télévision, les productions culturelles diverses et variées indiquent aux femmes qu'il faut "faire attention". Il n'est pas question de faire attention aux voitures, à la foudre,  aux malfaiteurs, aux voyous mais aux violeurs.
On nous apprend que nous risquons d'être violées dan une rue sombre le soir.
Nous risquons d'être violées dans un parking.
Nous risquons d'être violées sur une aire d'autoroute.
Nous risquons d'être violées si on fait du jogging.
Nous risquons d'être violées si on boit trop.
Nous risquons d'être violées dans une boîte de nuit.
Bref nous risquons absolument partout d'être violées (sauf évidemment chez nous) et tous les hommes inconnus nous sont présentés comme des violeurs en puissance, des "pervers", des "tarés" dont il faut se méfier. Les hommes sont les hommes, nous dit-on, il faut donc faire attention où on va, qui on croise, comment on s'habille, à quelle heure on sort.
Dans le cadre d'une enquête réalisée par l'association Mémoire traumatique et l'Insee, on constate que pour les viols commis sur des enfants entre 0 et 5 ans, seuls 2% d'entre eux sont commis par des inconnus, pour les enfants de 6 à 10 ans, c'est 4%, 12% sur les adolescents entre 11 à 14 ans et 15% pour ceux entre 15 à 17 ans 15%. Dans tous les autres cas, l'enfant ou l'adolescent connaissait son agresseur.

 

Sans titre-1
A l'âge adulte (entre 18 et 75 ans, en métropole) on estime que 84 000 femmes sont victimes de viols et de tentatives de viol. 90% d'entre elles connaissent leur agresseur ; dans 37% des cas il s'agit du conjoint.

On constate donc que quel que soit leur âge, les femmes sont davantage victimes de violences sexuelles par des hommes qu'elles connaissent (je dis "homme" car dans 96% des cas l'agresseur est un homme) et pas par des inconnus.

Les féministes travaillent d'abord à faire reconnaître le viol pour ce qu'il est ; un crime commis par un homme qu'on connait. Pas par un homme inconnu dans un parking, pas par un homme défiguré en manque de sexe, pas par un clone de Marc Dutroux. Un Monsieur tout le monde.
C'est une idée extrêmement difficile à faire entendre car nous avons toutes et tous grandi avec l'idée du violeur inconnu du parking.
Nous travaillons à ce que les femmes aient moins peur dans l'espace public et nous essayons de montrer que la victime n'est jamais responsable de son viol quels que soient sa tenue, l'heure de sortie, le lieu qu'elle fréquente ou les gens qu'elle fréquente.
Nous expliquons qu'une femme n'a pas à contrôler ses sorties au prétexte que nous vivons sur l'idée fausse que le dehors est plein de dangers. Nous expliquons au contraire, parce que les statistiques le montrent, qu'un violeur est un homme connu de la victime, voire, souvent, son conjoint ou un membre de sa famille quand elle est mineure.

Alors pourquoi dire que "tout homme est un violeur" ? Il s'agit en fait de dire que nous n'avons aucun moyen de repérer un violeur. Il n'a pas un physique particulier, n'appartient pas à une catégorie socioprofessionnelle particulière, n'a pas une couleur de peau spécifique, ou une religion particulière. Nous pouvons seulement dire qu'un violeur est un homme lambda, qu'à ce titre n'importe quel homme que je peux connaître peut en être un. Ce ne sont pas des fantasmes, des exagérations mais des faits.
90% des victimes de viols connaissaient leur agresseur. 90%.

Dire que tous les hommes sont des violeurs veut simplement dire que le viol est commis par des hommes lambda, des hommes normaux (même si le terme ne veut pas dire grand chose). Que n'importe lequel des hommes que nous croisons peut effectivement en être un.
Il y a quelques temps, une association anglaise avait lancé un cours sur le consentement à l'université ; grosse levée de boucliers avec un homme posant avec un panneau "je ne ressemble pas à un violeur". Or, les études le montrent, les victimes ont été violé par des connaissances voire des proches dans leur immense majorité ; des gens avec qui elles ont ri, discuté, couché et parfois épousé. Un violeur peut être un père, un cousin, notre coiffeur, un collègue, un mari, notre meilleur ami. Rien ne permettait de savoir qu'ils violeraient. Parce que justement ils étaient des hommes tout à fait lambda. Lorsqu'on dit donc que tous les hommes sont des violeurs, on essaie de dire et répéter qu'on ne peut pas éduquer seuls les hommes concernés (puisqu'on ne les repère pas) et qu'on doit donc travailler avec l'ensemble des hommes sur la problématique du consentement par exemple.

Pour rappel, il y a 84 000 viols de femmes adultes et 11 000 d'hommes adultes par an. L'urgence est là.  Travailler sur nos représentations du viol, éduquer au consentement.

 

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