Août 072014
 

J'emploierai au cours de ce texte deux mots différents.

J'appellerai réactionnaires celles et ceux qui revendiquent une volonté politique et/ou idéologique (les deux ne vont pas forcément voire rarement de pair) à conserver les choses en état voire le retour à une situation antérieure, souvent fantasmée.  Ainsi nombre d'europhobes du Front National fantasment la situation de la France avant son entrée dans l'Europe.

Je parlerai d'extrêmes-droites lorsqu'il s'agira de qualifier des groupes  politiques identifiés et reconnus comme tels. Je sais que le mot ne recouvre plus rien de précis ; d'aucuns, avec raison, y placeront des politiques et des journalistes qui ne font pas pour autant partie de groupes politiques identifiés comme d'extrêmes droites.


Dés lés début des années 2000, les groupes d'extrême-droite ont très bien compris les avantages d'Internet :

- se regrouper entre soi pour discuter et se renforcer dans un anonymat relatif.

- la possibilité d'approcher des gens qui auraient rejeté en bloc  toute tentative dans "la vraie vie".

- la possibilité d'appréhender au mieux les angoisses des français. Internet a permis aux gens de se regrouper selon des communautés d'intérêts venant d'horizons très divers.  Ainsi se créaient des communautés virtuelles de juifs qui avaient peur de l'antisémitisme en France, des communautés de musulmans qui avaient peur de l'islamophobie et du racisme, des communautés de femmes, du viol, des communautés de citoyens qui avaient peur "des racailles".
Je prendrai le dernier exemple comme exemple de parfaite stratégie d'entrisme de groupes d'extrême-droite. En 2000 un jeune homme crée le site "anti racailles" où il témoigne de son ras le bol d'être agressé par ce qu'il appelle des racailles. Aucun discours racialiste n'est (encore) posé et il n'envisage pas de voter FN. Pour autant il voudrait rentrer chez lui sans être agressé. Le site a un succès énorme et les témoignages affluent. Face à cela, le discours des progressistes n'a pas su se construire (et je ne sais toujours pas 14ans après ce qu'il y avait ou non à dire) ; toujours est il que des forces d'extrême-droite sont, elles, arrivées rapidement et ont su rassurer les personnes, occuper le terrain et les convainque qu'eux allaient faire quelque chose. Le site sos-racaille se monta en 2001 ; lui était de toutes évidences issu des droites extrêmes mais avec la présence de ceux qu'on appellera les "hésitants". Si le site a rapidement fermé ; il constitue - et c'est pour cela que j'en parle - un des premiers cas des stratégies des extrêmes-droites sur le net.
Je prétends qu'il y a un lien direct entre la théorisation du mot "racaille" dés le début des années 2000 sur le net et la présence aujourd'hui en 2014 de milices nationalistes dans les métros français pour soit-disant sécuriser les lignes. Il aura fallu 14 ans pour donner une consistance au mot racaille, qui ne veut strictement rien dire dans les faits ; on n'est pas une "racaille", on est un délinquant coupable de tel ou tel acte à un moment X mais racaille ne définit aucune identité précise, n'a aucune réalité tangible. Il aura donc fallu plus d'une dizaine d'années pour que ce mot soit quasi un classique de la langue française, pour désigner à peu près tout et n'importe qui (enfin surtout les gamins d'origine maghrébine et africaine).ce mot, on y reviendra, témoigne de l'éclatante lepenisation des esprits puisqu'il ne signifie rien d'autre que "encore un arabe/noir délinquant mais dans un terme apparemment neutre.

- la possibilité donc de fédérer. J'ai encore entendu une représentante du Front de gauche déclarer en 2014 au vice-président du FN "ah on ne vous voyait jamais dans telle ville, on ne vous a jamais vus sur les marchés".  Si la gauche en est encore à croire qu'on conquiert un nombre de voix intéressants en tendant des tracts en sortie de marché, je crois qu'on comprend mieux leurs scores.
J'ai pu, puisque je gère des communautés de journaux en ligne depuis le début des années 2000, appréhender les différentes stratégies de conquête des extrêmes-droites.
- la création de sites dédiés aux faits-divers. Nous sommes noyés sous les faits-divers  dans la presse en ligne mais je prétends que les sites d'extrêmes-droites et en particulier fdesouche a initié le mouvement. On se souviendra de l'affaire Paul Voise en 2002 qui a été abondamment analysée et qui aurait pu, selon certains, faire basculer l'élection de 2002. Présenter des faits-divers sordides, en boucle, en les choisissant soigneusement (ne sont ainsi sélectionnés que ceux où le coupable présumé a un nom d'origine étrangère ou ceux où le coupable n'est pas nommé ce qui permet d'alimenter les théories du complot "on sait bien que le coupable est un arabe maison ne nous le dit pas car la presse est aux ordres) permet de plonger ceux qui les lisent dans une atmosphère de panique et d'accentuer ce qu'on a appelé le "sentiment d'insécurité".
- la création d'agences de press dédiée de type novopress.
- l'entrisme sur toutes les communautés en ligne selon des stratégies soigneusement établies. Les extrêmes-droite ont toujours su s'organiser de manière efficace et cela a été particulièrement frappant sur les journaux en ligne. Au moindre fait-divers où est impliqué quelqu'un au nom à consonance étrangère vous voyez débarquer une première salve qui postait à peu près toujours le même message de type "encore un bougnoule". Cette stratégie là ne sert pas spécialement à convaincre, elle cherche avant tout à attendrit la viande pour la deuxième salve, bien décrite par cet ancien militant. La deuxième salve consiste à dire la même chose mais dans des termes choisis et très entendables "quand même on peut se demander si cette immigration massive n'a pas quelque rapport avec l'augmentation de la délinquance et des crimes".
Ce travail de fond a ensuite été considérablement facilité par les différents journaux en ligne qui ont fait du fait-divers leur fond de commerce.
Certains utilisaient aussi d'une stratégie simple, prendre un pseudo à consonance arabe ou africaine qui arrivait tout d'un coup sur une communauté en disant "et bien moi Mamadou  je m'en vais égorger vos enfants et violer vos femmes ! Allah Akbhar". Parfois ces gens ne pensent pas à changer leur email et vous constatez que le dit Mamadou a comme email jeanpaulperuchon@machin.fr.

Les réactionnaires ont un certain nombre de forces qui expliquent également leur succès :

- il est infiniment plus facile de militer pour que les choses demeurent en l'état (au moins on sait ce qui nous attend) que pour un changement de fond. C'est par exemple toute la stratégie des réactionnaires militant contre le mariage homosexuel, souligner qu'on est très bien ainsi et qu'on ne sait pas ce qui se passerait s'il y avait un changement. Peu importe que cela soit complètement irrationnel, il suffit d'insuffler un "et si" pour que cela fonctionne. A l'inverse, les progressistes ont à promettre, chose qu'il n'est pas possible de faire, que tout se passera bien après le changement souhaité.

- un discours populiste : dire "les arabes nous piquent notre pain" est un discours qui fonctionne relativement bien. Si vous vous attelez à déconstruire cette simple phrase, vous en aurez pour quelques heures avec la certitude d'avoir endormi la moitié de votre auditoire à la fin.

- la moralisation du discours. face à cette difficulté à combattre certains discours, certains ont pensé que la moralisation du discours suffirait (et ont aussi cru que s'emparer des discours progressistes leur permettraient de gagner des voix ce qui n'a pas mal marché du moins entre 81 et 95). Au début des années 80, lorsque se créent de mouvements antiracistes, le PS ne tarde pas à créer ses propres groupes et à imposer une nouvelle ligne de conduite face aux discours racistes le très construit "c'est mal". Cette tactique continuera au cours des années avec entre autres la loi Gayssot "c'est mal de tenir des discours négationnistes sur la shoah alors on va les interdire" et le toute récente volonté de supprimer le mot "race" de la constitution  "c'est mal d'employer ce mot alors que cela n'existe pas".
Cette stratégie, d'une rare bêtise a permis aux réactionnaires de se poser en martyr, d'instaurer une théorie du  complot,  d'inventer un nouveau langage qu'ils ont considérablement policé. Et cela a surtout empêché les progressistes de combattre leurs discours.

- une complète méconnaissances des codes des extrêmes-droites. J'avais ici, sur un ton humoristique, décrypté quelques uns des éléments de langage des extrêmes-droites. La plupart utilise des références, des images (je me souviens encore de cet internaute qui avait pris comme avatar une photo de Goebbels enfant, nous nous étions fait avoir),des sources littéraires qui sont maintenant moins connues qu'il y a 30 ans. Les réactionnaires les emploient régulièrement ce qui permet de les diffuser de manière plus ou moins insidieuse.

- la capacité à s'allier et c'est d'ailleurs qu'on constate à quel point ce sont davantage des politiques que des idéologues. Si vous observez les compositions de manifs lors de Jour de colère ou de MPT, vous constatez la présence voisine de groupes qui, en temps normal, se lyncherait.
le Fn est assuré d'une chose ; la fidélité de son électorat. Untel peut bien avoir des désaccords profonds avec Marine Le Pen qui est détestée par bon nombre d'hommes de la branche dure des extrêmes-droites, elle aura toujours leur voix parce qu'il n'ont de toutes façons personne d'autre pour qui voter(on se souvient du grand succès du MNR).

- la possibilité de jouer sur les peurs des français.

- la dédiabolisation diabolisée des discours réactionnaires.
Les journaux en ligne ont bien compris une chose ; l'importance du buzz qui attire des lecteurs et chaque article sur les réactionnaires leur permet, non pas de rouler pour l'extrême-droite (on se tromperait à voir une quelconque idéologie là dedans)  mais d'accumuler des revenus publicitaires et de faire parler d'eux. On s'indigne à raison, des sondages de type "êtes vous pour ou contre l'IVG" mais ils sont surtout là pour qu'on s'en indigne et qu'on en parle.
On assiste chez certains politiques et journalistes à des exercices d'équilibriste relevant de la haute volée ;  condamner le front National tout en tenant les mêmes discours que lui ; manque de pot le FN l'a parfaitement remarqué et ne se prive pas de le faire savoir.

- le fait pour certains d'entre eux et en particulier le FN de n'avoir jamais été au pouvoir. Vous aurez beau faire ; ni UMP ni PS ne peuvent dire qu'ils n'avaient pas les moyens de faire ce qu'ils disent alors que le FN peut jouer sur la corde sensible du "laissez nous notre chance".

- les théories complotistes ; prouver qu'on ne va pas masturber des enfants de 3 ans en maternelle est aussi impossible que de prouver que les licornes n'existent pas. En jouant sur des choses irrationnelles, mais qu'on ne peut pas démonter, du moins pas comme cela et pas en 3 minutes, les réactionnaires s'assurent sinon la voix du moins l'attention de certains.

- la bêtise récurrente à droite comme à gauche qui pense qu'en faisant comme les réactionnaires, on obtient leurs votes. On a eu le populisme de Mélenchon dans certains discours publics qui, à mon sens, l'a perdu en partie. On a eu la gauche qui s'est plié devant les demandes réacs sur les ABCD de l'égalité et la PMA (en espérant quoi ? que d'un coup des gens qui traditionnellement votent UMP ou FN vont voter PS ?), on a les petites phrases des portes-flingues de l'UMP  (Mariani ou Ciotti par exemple) qui espèrent conquérir des voix frontistes.

- la permanente adaptation du discours réactionnaire ; le FN est à ce titre exemplaire. Voir en 15 ans par exemple l'évolution du discours officiel du FN sur les juifs est quelque chose de tout à fait étonnant.

- la dépolitisation de notre société avec la mise en place de discours indigents qui vaudraient que tout se vaut et que toute opinion est licite. On voit ainsi de plus en plus souvent dans les media des personnes dont l'opinion semble valoir quelque chose. Inviter quelqu'un qui est contre l'IVG en France semble maintenant présenter un intérêt parce que les media cherchent avant tout à capter notre attention, sinon notre intérêt et la présence de ce que l'on nomme de manière dépolitisée un "provocateur" permet de le faire.

L'hypothèse d'un FN au second tour en 2017 est maintenant probable et si sa victoire n'est pas assurée (et à mon avis elle ne le sera pas), cela importe au final peu ; la contagion réactionnaire s'est bel et bien effectuée.

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  35 réponses sur “D’Internet aux urnes ; la victoire annoncée des réactionnaires”

  1. Ok avec ton analyse. Rien à dire.
    Même si MLP a été largement dédiabolisée par les médias, les gens ne votent pas si massivement que ça pour le FN. ça reste proportionnel au 15%. C'est apparu plus flagrant ces derniers temps avec l'abstent° massive. Cela peut profiter à la droite et à un éventuel retour de Sarkozy (tout le monde soupire dans la salle). Alternance droite dure /gauche molle (en fait je m'en fous, je ne suis pas commentatrice politique).

    Le problème c'est nous. Qu'est-ce qu'on fait à l'extreme gauche ? Il faut qu'on soit aussi sur le terrain, qu'on soit pédago, qu'on mobilise des gens. Mais autour de quel projet ? C'est ça le problème. Autour du FDG ? (rires) autour du NPA (pouffements) ? autour de l'anarchie ? (sur quelles bases ?)

  2. [...] les ténors de la droite se bousculent sur les plateaux télévisés pour parler... d'immigration. D'Internet aux urnes ; la victoire annoncée des réactionnaires. J'emploierai au cours de ce texte deux mots [...]

  3. "la contagion réactionnaire s'est bel et bien effectuée."
    Une démonstration en image façon BD :
    http://odieuxconnard.files.wordpress.com/2014/01/extrc3aame-final-2.jpg
    J'ai toujours pensé que, face à une situation révoltante ou injuste, le discours politique est d'abord étayé par deux émotions : la peur ou la colère.
    Le débat sur le "mariage pour tous" le démontre : à droite on entretient une peur de l'inconnu et à gauche on alimente la colère face à une situation injuste... avec, des deux côtés, des discours qui ne tiennent pas la route (plus à droite, certes, mais la gauche à aussi dit (et fait) de très grosses âneries).
    Pour résumer caricaturalement : la peur est de droite quand la colère est de gauche.
    La seule difficulté, quand on est de gauche, c'est que la peur est diffuse, permanente et l'entretenir est très facile ; que la colère est éphémère, qu'une fois passée on réfléchit à ce qui l'a motivée. Un sacré boulot.
    Il faudrait, peut-être, dire (gentiment) aux électeurs d’extrême-droite que ce sont des froussards, des pétochards pour ensuite les inviter à boire un coup et leur expliquer pourquoi ils n'ont pas besoin d'avoir peur avec des arguments réfléchis et sans se mettre en rogne.
    Mais, c'est vrai, c'est un autre sacré boulot.

    • Même si je trouve qu'il n'a pas totalement tort (notamment à propos des "chevaliers blancs", ces personnalités publiques qui ont répété en boucle que Dieudonné c'était le mal, sans jamais prendre la peine d'étayer), j'adopterais les réserves de ce billet à propos du travail d'OC :

      http://www.soupe-a-l-herbe.antifa-net.fr/texte-contexte-partie1/

      Et puis, aussi drôle et pertinent qu'il puisse être, il relaie quand même pas mal d'idées craignos et ne se prive jamais de critiquer les féministes-extrêmistes-qui-se-trompent-de-combat, en plus de se revendiquer "humaniste".

      • Des idées craignos ? Peut-être bien. Mais une idée n'est craignos que quand elle est en contradiction avec des principes collectivement acceptés.
        C'est vrai sur sa critique du féminisme, il "essentialise" l'idée comme des gens très blancs et très gentils essentialisent leur discours anti-raciste (ou autres exemples) : bien sûr que le racisme est un problème collectif, tout le monde doit s'en préoccuper, mais pas au point de donner des leçons à ceux qui en sont les premières victimes et/ou en prenant la parole à leur place.
        Sur la forme, c'est assez drôle ce qu'il fait (dans l'ironie grossière, mais on ne peut quand même pas reprocher un manque de finesse à un site qui s'appelle 'Odieuxconnard" !) et sur le fond, sa description du processus de contagion réactionnaire (et uniquement ça), est assez bien vu.
        P.S. : ses critiques des grosses machines hollywoodiennes sont à crever de rire.

  4. Très belle analyse, attention cependant à ne pas trop lier "extrême-droite" et "réactionnaire" sous peine de verser dans le "Racaillisme" que vous avez su démonter.

    En effet, que dire des partis qui prônent par exemple la méfiance et la sortie de l'Union Européenne, l'UPR en tête ?

    Il me semble que ce parti est un parti de réaction face à la situation en Europe, mais il se base sur le programme du CNR et se veut le plus consensuel (au sens positif du terme) pour rassembler des gens de tous horizons et toutes couches sociales.

    Ces "petits" mouvements sont des mouvements de réaction, donc réactionnaires. Mais certainement pas d'extrême-droite.

    Le Président de l'UPR exprime d'ailleurs sont souhait de quitter l'Union Européenne (Blanche et Catholique) pour s'ouvrir sur le monde Francophone (dont nous savons qu'il est arc-en-ciel).

    Il me semble qu'il est bon d'être réactionnaire face à une situation qui le nécessite. Je pense aux ouvriers de Carmaux, leur réaction à eu du bon.

    Pour moi être réactionnaire c'est dire non au illégitimités qu'on m'impose, c'est savoir puiser dans le passé pour entrevoir l'avenir.

    Le FN n'est que le vidangeur des bonnes réactions du peuple : quand ils parlent de leur eurosepticisme j'ai l'impression d'entendre le clown Mc Donald me dire que je dois surveiller mon poids.

    • Mouais enfin l'UPR si il n'est pas d'extrême droite,il en a quand même certaines caractéristiques comme le complotisme et l'évocation d'un âge d'or.
      François Asselineau réussit quand même à faire remonter l'impérialisme US au début du XIXe ( aucun sens vu la politique isolationniste jusqu'en 1942) et à dire sans sourciller que l'Union européenne est un projet nazi.

      • Oui, enfin, faut pas non plus oublier l'engagement américain au cours de la Première Guerre Mondiale et de la volonté du président Wilson qui est à l'origine de la SDN (les fameux 14 points, en 1918). Les États-Unis financent également en grande partie la reconstruction et sa relation économique avec l'Europe s'inverse puisque, de débiteurs, ils en deviennent les créanciers. La crise de 1929 est également parti de chez eux, notamment parce qu'ils supportaient la dette Allemande. Sans même parler de la conquête des îles espagnoles à la fin du 19ème.

        Et puis, même si le terme est un peu anachronique, ce n'est pas totalement faux de parler d'impérialisme à propos des États-Unis avant le 20ème Siècle, et ce dès leurs origines. L'un des principaux motifs de la Révolution Américaine, c'est le refus de la couronne britannique de coloniser les terres à l'Ouest, alors que ses colonies ne représentent qu'un minuscule territoire de la côte Est. "L'Empire" américain s'est constitué à l'intérieur de son territoire actuel et contre les populations amérindiennes, habitants d'origine. En outre, le territoire s'est aussi pas mal agrandi au détriment du Mexique, sans parler de la cession de la Louisiane française par Napoléon III.

  5. J'ai déjà lu des articles similaires ou des vidéos (comme celle là https://www.youtube.com/watch?v=YL2R7A2yXYg) se lamentant de la monté de l'extrême droite et des idéologies liées, et à chaque fois les mêmes points me posent problème :
    – la dichotomie progressistes/réactionnaires ;
    – faire comme si les « réactionnaires » (à défaut d'un terme meilleur, je vais utiliser celui-là, j'explique plus loin le problème) avaient une idéologie à peu près claire et monolithique ;
    – faire comme si l'action des et de l'extrême droite étaient les causes principales de la popularité de certaines idées qu'ils soutiennent ;
    – faire de l'adhésion à ces idées la conséquence de la peur et de l'influence sociale, sans prendre en compte leur côté rationnel (explications plus loin) ;
    – ne pas vraiment parler de solutions concrètes et se contenter de râler (oui, je vais proposer des pistes).

    Il me semble que tant les personnes adhérant aux idées « réactionnaires » ou qui sont membres ou sympathisantes de partis et groupes d'extrême droite, que les personnes qui s'opposent au dernières et se disent « progressistes », de gauche ou similaire, pensent dans à peu près le même schéma pour penser les positions politiques. Ce schéma, c'est de se dire que la société change dans une direction particulière et que ce mouvement est inéluctable, sauf si un groupe s'y oppose ou si on se débarrasse du groupe qui en est la cause. Pour les « réactionnaires », la société est corrompue par les « progressistes », et il faut s'opposer à eux pour aller vers un état meilleur de la société. Pour les « progressistes », la société avance inéluctablement vers le progrès (plus d'égalité, de développement scientifique, ou économique, ça varie selon les gens et les époques) et les personnes qui s'y opposent ont forcément un problème (immoralité, peur, colère, pauvreté, manque d'éducation, etc.). Je n'invente pas, le terme de « progrès » est chargé de sens et a une longue histoire qui remonte à la Renaissance où il est au centre d'une idéologie particulière qui veut que la société s'améliore toujours, qu'elle évolue dans une direction particulière. On retrouve cette idée développée notamment par les philosophes des Lumières et les anthropologues évolutionnistes. Idée qui a été fortement critiquée par les anthropologues venant après les évolutionnistes (et les diffusionnistes).

    La manière dont le réactionnaire s'imagine le progressiste est absurde, surtout que souvent la catégorie « progressiste » revient à peu près à « personne avec laquelle je ne suis pas d'accord ». Le livre La France Orange Mécanique me semble bien résumer la manière dont certains s'imaginent les « progressistes » et leurs méfaits. Mais réciproquement, le « progressiste » se trompe lourdement à propos du « réactionnaire » ; une bonne partie de mon commentaire est consacré à relever et réfuter ces erreurs.

    Premièrement, les « réactionnaires » veulent-ils réellement revenir à un étant antérieur de la société ? Non, et Valérie le sait très bien, cet état antérieur est fantasmé. Du coup, s'ils veulent aller vers un état qui n'a jamais existé, en quoi sont-ils plus réactionnaires ou conservateurs que les autres ? Ils font référence au passé, certes, mais les personnes se disant progressistes aussi, comme quand elles se lamentent de la montée des réactionnaires, ce qui implique implicitement que les réactionnaires n'étaient pas aussi forts auparavant. Donc tout le monde veut aller vers une société différente qui n'a jamais vraiment existé, et il est donc doublement absurde d'opposer des personnes allant dans le sens d'un progrès et celles allant contre, puisque l'idée de progrès ne tient pas la route quand on parle des sociétés dans leur ensemble et qu'au fond « réactionnaires » comme « progressistes » rêvent d'une société à venir.

    Second point, qu'est-ce qu'est vraiment un réactionnaire ? On serait bien en peine de donner un ensemble d'idées bien délimitées qu'il est censé soutenir. Je pense qu'on ne peut pas en donner une définition analytique, mais qu'il s'agit d'une construction sociale : un réactionnaire, c'est une personne identifiée comme telle par d'autres personnes. Mais comme tout le monde n'est pas d'accord sur qui est un réactionnaire et qui ne l'est pas — par exemple, tout le monde serait d'accord pour dire que François Bayrou est un réactionnaire ? Je ne crois pas. On pourrait certes essayer de trouver des points communs, comme « être pour moins d'État », « ne pas vouloir retirer les peines plancher », « accuser les immigrés », mais on comprend rapidement que selon sa propre position qui est réactionnaire et qui ne l'est pas va fortement varier : si on estime que l'État devrait assurer une forte distribution des revenus sans accepter le moindre compromis, alors toute personne se voulant seulement plus modérée sera réactionnaire. On voit bien que ce terme n'est pas très solide et que c'est surtout un terme flou utilisé par des personnes voulant catégoriser d'autres personnes pour s'en démarquer. Au fond, le réactionnaire, c'est la personne avec laquelle on n'est vraiment pas d'accord et qui partage un certain air de famille avec d'autres.

    Se dire progressiste est donc absurde, tout comme parler sérieusement de réactionnaires. Mais pourtant on met chacun un sens derrière ces mots, alors comment le faire passer ? Je pense qu'il faut sortir des dichotomies dénoncées plus haut, et qu'il faut parler d'idées ou de schémas de pensées bien précis (je distingue l'idée qui peut facilement être rendue consciente ou qui l'est déjà du schéma de pensée qui n'est pas conscient et est plus une façon de voir les choses et d'assembler les idées entre elles) — par exemple, le schéma de pensée qui consiste à moins prendre au sérieux ce qui dit une femme, ou l'idée que « tout est la faute des juifs ». Ensuite, on peut reconstituer nos intuitions initiales en se disant que les schémas de pensée et idées forment des systèmes plus ou moins cohérents et que certaines idées et schéma on tendance à bien aller ensemble – par exemple, si j'estime que tout est la faute des progressistes, et que les progressiste soutiennent à fond l'immigration, alors l'idée que l'immigration est mauvaise sera très congruente avec mes croyances déjà acquises. Mais cela ne veut pas dire pour autant que toute personne doit adhérer à un ensemble pré-déterminé d'idées et de schémas de pensée ; au contraire, les gens passent leur temps à faire leur propre petit mélange et à filtrer ce qu'ils reçoivent. On ne peut donc pas parler d'une idéologie aux contours bien définis, mais plutôt d'un ensemble de représentations et de thèses plus ou moins liées qui sont présentes dans la société. Il faut parler et réfuter des idées et schémas bien identifiés, pas agiter le spectre du réactionnaire et l'identifier à un peu n'importe qui, surtout pas sur la base d'un désaccord avec telle ou telle personne.

    Je disait que les gens bricolent avec les thèses et représentations qu'ils reçoivent, mais je veux aller plus loin. Il ne faut pas sous-estimer l'intelligence des personnes adhérant aux idées qu'on estime réactionnaires : elles ne sont pas seulement dirigées par la peur, elles ne sont pas irrationnelles. Au contraire, il y a une composante rationnelle à l'adhésion à des thèses racistes ou misogynes par exemple. Si on dit à quelqu'un que les femmes sont inférieures et que la preuve et que dans l'histoire il n'y a quasiment pas de femmes inventeuses ou scientifiques, et bien il y aurait des raisons d'adhérer à la thèse présentée car l'argument est à peu près vrai. Être capable de réfuter ce raisonnement est assez complexe car il faut être capable pendant un moment de supposer que la thèse est fausse et que la méconnaissance des inventeuses et scientifiques ainsi que leur petit nombre est précisément dû à l'idée que les femmes sont inférieures, plus un ensemble d'autres causes. Ce n'est pas intuitif, surtout quand on prend la thèse pour plus ou moins acquise. Notre rationalité est réelle mais limitée. Mais réelle. De même, aussi triste que cela puisse être, le racisme est efficace pour appréhender le monde : avec, les gens sont faciles à catégoriser et à évaluer, et il est facile de prophétiser l'avenir de la société s'« il y a trop d'immigrés ». De plus, à partir du moment où on identifie une catégorie de personnes comme disant systématiquement des choses fausses et mauvaise, comme la catégorie des « progressistes » dans le livre d'Obertone, alors la boucle est bouclée : on a des idées simples et efficaces pour appréhender un monde social normalement trop complexe, et toute personne qui essaie de nous contredire a tord. Il ne faut donc pas sous-estimer la complexité, la diversité et la rationalité (limitée) des idées que l'on veut catégoriser trop rapidement comme « réactionnaires ».

    On en vient à la raison de l'adhésion aux thèses dites réactionnaires. Il faut prendre en compte le contexte actuel : avec la mondialisation et les difficultés économiques et sociales, tout le monde a tendance à vouloir se construire une identitée et à identifier les causes des problèmes, donc souvent les « autres », ceux qu'on avait définit comme hors de notre identitée. Les partis et groupes d'extrême droite ont sans doute un terreau fertile pour diffuser leurs thèses et éléments de langage, mais c'est excessif de dire qu'ils en sont la cause. La méfiance de l'étranger serait devenue plus répandue sans eux, au vu du contexte. Et dans ce contexte, l'adhésion a des idées xénophobes, surtout quand les médias fournissent des « preuves empiriques » (de qualité douteuses, certes) est dans une certaine mesure rationnelle, a fortiori si les points vues alternatifs ne sont pas à la hauteur ou inexistants.

    Sans ennemi bien identifié qui serait la cause de la diffusion de thèses, représentations et schémas de pensée faux et aux conséquences néfastes, comment on se bat alors ? Je pense qu'il faut partir du principe que les gens ne sont pas stupides : ils ont leurs preuves, leurs raisonnements. Ils faut donc connaître ces derniers et identifier les présupposés implicites et les schémas de pensée. On peut voir les présupposés implicites comme la majeure d'un syllogisme qu'ont devra mettre à jour et réfuter. On peut aussi faire remarquer innocemment qu'on a toujours tendance à ne relever que les faits divers qui confirment des thèses racistes, alors qu'il y a bien plus de contre exemples. Mais à mon avis, il ne faut surtout pas croire qu'on pourra en quelques phrases convaincre quelqu'un qui fait de la propagande sur Internet. Il ne faut pas pour autant le laisser faire, mais il faut se rappeler qu'il y a un publique qui lit les échanges — et IRL qui écoute — et qui peut ou non être convaincu. Donc, quand on argumente, on devrait avant tout penser au publique, ce qui permet des stratégies efficaces comme poser des questions à l'adversaire pour essayer de mettre à jour ses majeures implicites douteuses, lui demander des preuves, les vérifier, et soi-même exposer des arguments rigoureux et bien informés. Ça ne convaincra pas l'adversaire, mais ça a de bonne chance de le ridiculiser aux yeux du publique et de convaincre ce dernier. La solidité des arguments qu'on avance est importante, car cela permet d'immuniser le public face aux nouveaux assauts des « réacs ». Ce n'est pas très difficile de faire tourner en bourrique une personne venant faire de la propagande, car si leurs arguments sont bien policés ils sont superficiels et ultimement incohérents : en se renseignant sur les sujets qu'elle aborde et en étant rigoureux, ont peut la battre rapidement. Même un message super long laissé en réponse à un de ces énergumènes peut être très efficace sur Internet, tant qu'on ne se laisse pas prendre trop longtemps au jeu : on poste notre message bien rédigé, clair, structuré, renseigné et solide, et après on laisse faire l'intelligence du public en arrêtant de poster et en laissant l'adversaire s'enliser tant qu'il essaie de sauver les meubles. J'ai déjà eu le plaisir de voir ainsi certains de mes arguments repris contre ces trolls dans les forums où je participe, et de voir qu'ils étaient bien moins pris au sérieux. Pour être encore plus efficace, on peut passer un peu de temps à lire et à décortiquer leur sites et livres de référence et leurs messages, ça permet de les repérer rapidement et de mieux cibler ses arguments. Après, IRL c'est différent, mais avoir de bons arguments, penser avant tout au public et laisser l'adversaire s'enliser me semblent rester des bases solides.

    • Correction, remplacer

      – faire comme si l'action des et de l'extrême droite étaient les causes principales de la popularité de certaines idées qu'ils soutiennent ;

      par

      – faire comme si les actions des « réactionnaires » et de l'extrême droite étaient les causes principales de la popularité de certaines idées qu'ils soutiennent ;

    • Votre méthode, non sans intérêt ni efficacité, me semble pourtant souffrir d'un défaut majeur:
      Elle pousse le discours politique à l'obscurité, or le discourt adverse est dans la plupart des cas court et limpide.
      Ne pensez pas que je jargon soit le seul piège a éviter, être clair dans son argumentation mais trop long est presque aussi nuisible a l'entendement (on n'est lu "en diagonale" que lorsque l'on fait long).

      De plus, pensant de manière très matérialiste, je vous dirais que si la réalité exprimée de manière très construite gagnait le plus souvent face à la limpide déraison (dans les médias électroniques), nous n'aurions pas cette discussion.

      Mon propos n'est pas de proposer d'abandonner la raison, mais de faire constater que même les penseur les plus absurdement incompréhensibles ( respect aux lecteurs d'Hegel, Lacan et Derrida) ont parfois leurs punchlines.

      N'hesitons donc pas a réfléchir à nos punchlines personelles et a relire nos auteurs pour les paraphraser.

      Par exemple contre l' argument "oui mais pas de grande femmes dans l'histoire" je répondrai en paraphrasant Beauvoir:
      "Oui, la femme est inférieure à l'homme, mais la vraie question est de savoir si l' on accepte de voir que cela change.Cela c'est déjà bien amélioré chez nous au cours de ce siècle et nous finirons le travail"

      En fait je pense sincèrement que si les ouvrages véridiques qui nous aident à trouver nos idées politiques, sont si complexes dans leur propos, c'est souvent à cause des contraintes matérielles de l'auteur (qui vit aussi des conférences pour expliquer son oeuvre, et a un éditeur a satisfaire, etc...).
      Cela pour dire que ces contraintes étant souvent absentes du web, ne reproduisons pas leurs effets, le simple étant pas gage de faux, ni décrédibilisant pour le lecteur d'internet.

    • bcy :

      Je souscris pleinement à ce commentaire.

      Je pense qu'il faut cependant compléter cette analyse avec celle de Chabian et particulièrement l'idée que, pour combattre l'extrême droite et ses idées, il faut (aussi et surtout) un projet politique commun mobilisateur (ou potentiellement tel). Disons qu'à défaut d'un tel projet, la méthode proposée par bcy a des propriétés bien meilleures à celle actuellement mise en œuvre par le camp progressiste. La contre-attaque analytique atteint rapidement son point critique en quoi consiste l'irréductibilité des valeurs sous-jacentes aux partis pris. On emporte par la raison sur des questions de forme, de stratégie, de mesures concrètes ou de cohérence. Mais pas sur les valeurs (en tant que propositions ou principes auxquelles on adhère : par exemple, l'ordre, l'autorité, l'individualisme (à droite) ; l'égalité, l'émancipation, la solidarité (à gauche)). Pour vaincre l'adhésion à une valeur, il faut en proposer une disposant d'une force d'affect bien supérieure. Sinon, seule la nécessité peut permettre de dépasser certains clivages (nécessité écologique, par exemple) ; mais dans une certaine mesure seulement puisque l'objectif peut rester distinct (on peut amener par la raison la droite à accepter le constat de l'ampleur du désastre écologique qui s'annonce cependant que cette nécessité débouchera sur plusieurs solutions très différentes en fonction des valeurs référentes : écofascisme, malthusianisme ou "société écologique" [on va rester sur de l'indéfini pour cette dernière !]). On pourra analyser autant qu'on le voudra (ou plutôt jusqu'à écorcher le renard) le discours d'un Renaud Camus et son concept abject de "remigration", on ne pourra jamais ramener à la raison ses adeptes (ou très marginalement et en déployant des efforts considérables et ingénieux).

      Je me permettrai donc d'axer mes commentaires d'avantage sur la critique du progressisme que de la réaction au motif précisément que c'est par un renouvellement du logiciel de la gauche qu'on fera refluer la réaction

      Le projet actuel de la gauche n'est pas mobilisateur parce qu'il n'est pas politique, en ce sens qu'il n'a pas pour objet de placer le politique en mesure d'en faire. Aucun projet politique n'est possible tant que l'on considérera à gauche que :

      L'Europe est intrinsèquement bonne (même si elle crée un instrument et un espace de dé-politisation ; ce qui constitue un terreau fertile de la réaction parce qu'elles empêchent la constitution d'un projet alternatif solide et cohérent*).
      La souveraineté, c'est nécessairement le repli (même quand elle constitue le seul espace politique dans lequel un individu peut être citoyen).
      L'élection est un procédé démocratique de dévolution du pouvoir (alors que le tirage au sort seul peut remplir cette fonction efficacement).
      La culture = l'Art = émancipation (alors qu'elle n'émancipe rien du tout tant qu'elle n'est pas accompagnée d'une éducation populaire (et politique) des jeunes (et moins jeunes) adultes).
      Le progrès est toujours bon, et il faut aller toujours plus loin dans le progrès (alors qu'on lui verra quelques sérieuses limites en matière technologique par exemple ou même sociétale [Faut-il aller jusqu'à la marchandisation du corps dans le cadre de la GPA, ou faut-il la limiter aux hypothèses de GPA bénévoles strictement encadrées ?]).

      Aujourd'hui, c'est un message de (pseudo) « progressisme » que la gauche porte dans sa majorité** - d'où le clivage manichéen (et marmoréen) entre réaction et progrès. Progressisme d'affichage constitué en une moraline du prêt-à-penser (qui ne sert donc pas penser) et dans lequel se forge des tabous. Le sociétal devient alors ligne de partage entre la gauche et la droite. Je pense néanmoins que certains des effets subséquents sont contre-productifs et qu'il est possible d'y opposer des critiques "de gauche" (et là je parle clairement pas du Parti socialiste).

      En réalité, cette position "progressiste" est dépourvue de volonté émancipatrice ou égalitaire substantielle. On va placer par-ci par-là des amuses-gueules dont les caractères émancipateurs ou égalitaires sont homéopathiques (suppression de la mention relative à la détresse dans la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, ce qui ne change strictement rien à l'application de la loi / pénalisation des clients des prostitué(e)s même si ça fragilise encore plus la situation de ces prostitué(es) - mais rien dans la lutte contre les réseaux). Ou alors proposer des solutions d'égalité superficielle : parité homme-femme (mais sans toucher aux salaires), substitution de l'ascenseur social traditionnel par un autre "au mérite" (mais surtout pas de remise en cause de l'existence de ces étages sociaux et de la violence des rapports sociaux qui en découlent).

      On pourra certes dire qu'on avance par étapes successives et que ce sont ces étapes qui forment le progrès. Sauf que 1/ il est dépassé le début de l'urgence écologique et qu'à ce rythme, on a pas fini. 2/ Indépendamment : s'il y a des progrès, c'est seulement en tant que palliatifs.

      Mon bon monsieur, une démocratie véritable, ça, on ne peut pas, vous risqueriez de causer quelques désordres à notre économie ; mais des libertés fondamentales, on en a plein pour vous : vous pourrez forniquer autant que ça vous chante ! Et puis, la propriété est une liberté fondamentale "sacrée", alors on est plutôt pour.

      C'est sûr, à choisir : autant avoir ces libertés plutôt qu'aucune. Mais ces libertés sont accordées toujours en tant qu'elles sont compatibles avec les structures dans lesquelles elles s'insèrent, c'est-à-dire tant qu'elles ne les remettent pas sérieusement en cause.

      Oui mais voilà : ledit système**** est économiquement faisandé. Aucune viabilité. Sauf pour les 1%, voire les 0,01%. Pour les autres : du chômage et du pain sec. Les alternatives étant, comme on l'a vu, impossible en l'état, on pourra toujours s'en prendre aux immigrés. Ça tombe bien, ça va cliver d'autant plus que la gauche refuse tout débat en son sein sur le sujet de l'immigration. Réponse de la gauche : diabolisation (souvent méritée*** ; quelques fois pourtant plus discutable), surenchère pour bien se démarquer (vote des immigrés, quitte à créer des citoyens de seconde zone - ou mieux, le discours de Marseille prononcé par Jean-Luc Mélenchon à moins d'une semaine de l'élection présidentielle appelant à encore plus d'immigration (comme si c'était un concours)).

      Inefficacité de la stratégie. Et on continue.

      Bon. Voilà pour la critique. Il reste à proposer autre chose. J'ai quand même distillé quelques éléments épars dont ceux qui me paraissent incontournables : la reprise en main de l'idée démocratique par la gauche. Par l'idée démocratique, j'entends bien ici que soit replacé au cœur de son procédé la délibération publique et le tirage au sort, qui trouve son fondement dans l'égalité entre les citoyens ; le pouvoir de tous et de chacun de prendre en main notre destin. Par la perspective d'une société en harmonie avec la planète : l'écologie est sans doute un instrument puissant pour l'émancipation. Elles vont de paire.

      Bref, y a du travail, et je ne suis pas certain d'avoir fait avancé le schmilblick autrement que de manière naïve et superficielle (je ne parle même pas des lourdeurs, parenthèses, circonvolutions et autres scories d'écriture qui sont les miennes et pour lesquels je vous prie de bien vouloir m'excuser - pour ceux peu nombreux qui seront arrivés au bout de mon charabia).

      *En l'état actuel, il est structurellement impossible d'amener un changement politique sans révision profonde des traités et de la construction européenne actuelle : institutions complexes non-démocratiques, libre-échange formellement gravé dans le marbre des traités, et tout le bagage ordo-libéral imposé par les allemands en échange de l'€uro.
      **La gauche dans sa majorité : enfin, si on est gentil, et qu'on inclue le parti socialiste dans la gauche.
      ***Dans les cas de Renaud Camus, Alain Soral, et quelques autres, c'est franchement pas immérité.
      **** On me pardonnera le mot que je n'aime pas, mais qui a l'avantage d'éviter d'alléger un texte qui ne l'est pas assez.

  6. [...] D'Internet aux urnes ; la victoire annoncée des réactionnaires. J'emploierai au cours de ce texte deux mots différents. [...]

  7. je regrette d'en arriver là mais il va bien falloir.
    apokrif ; cela fait dix ans que tu me suis sur tous les supports que j'ai pu avoir malgré mes demandes REPETEES de ne pas m'adresser la parole,de ne pas poster sur mon blog et de m'ignorer.
    Tu persistes à me parler à peu près partout ou tu peux sans tenir compte de mes demandes.
    je te le demande donc une énième fois publiquement : NE POSTE PLUS SUR CE BLOG NE ME PARLE PAS SUR TWITTER.

    aux autres ; inutile de lui parler. puisque j'efface ses posts j'effacerai les vôtres.

  8. Cet article est consacré aux moyens de « contagion réactionnaire » par des acteurs d'extrême droite (sur internet) et des acteurs réactionnaires ou mercantilistes (les médias) qui amèneront le FN au (presque) succès des urnes en 2017.
    Il se fait que je viens de lire 1/ 'Ni droite ni gauche' de Zeev Sternel (qui explique comment les idées pré-fascistes ont mûri longuement en France de manière visible et exemplaire depuis 1870 pour s'imposer tardivement avec la débâcle de 1940 avant et avec Pétain) et 2/ 'La lie de la Terre' de Arthur Koestler (qui raconte la période de la drôle de guerre et la débâcle en tant que étranger suspect (hongrois journaliste ayant couvert la guerre d'Espagne du côté républicain) dans un livre qui est un journal immédiat (paru dès mars 1941, sans relecture a posteriori).
    Je propose trois remarques :
    1/ De ce point de vue, le relevé des actions de groupuscules sur internet est très intéressant et utile : ils font et préparent l'opinion. Ils sont reliables aux efforts précédents dans l'histoire. Ils ne se réduisent pas du tout au FN. C'est une nébuleuse active, bien décrite et analysée par cet article. Ils peuvent par exemple surfer sur "l'anti-Europe", comme c'est dit, en restant 'ni droite ni gauche'. Et se dire 'révolutionnaires'.
    2/ Par contre, la description d'un groupe 'réactionnaire' conservateur est moins crédible. Je pense plutôt que la 'masse' ou l'opinion est plutôt conservatrice de l'existant, et tenue par des instincts (la peur, l'entre-soi, la tradition et le rite...) et disponible pour un leader charismatique. A. K. insiste sur la faiblesse morale des Français (qui considèrent : une troisième fois la guerre, quel imbécile nous y a-t-il impliqué en 1939 ? un socialiste !) et leur manque d'éducation politique. Il dit aussi que la gauche a tort de vouloir prétendre à une démarche rationnelle, argumentée et analytique ; elle doit mobiliser sur un projet, créer un enthousiasme (Hitler n'avait pas d'autre programme annoncé que la grandeur de l'Allemagne). Il me semble qu'on la piège parfois dans la défensive, par exemple en quantifiant les "promesses non tenues" de Hollande.
    Les discours racistes, populistes, moralisateurs et tenant d'un complot sont le lot des dirigeants et des médias, ils renforcent les sentiments épars de l'opinion, ils lui donnent un exutoire. Berlusconi a fait lui-même son succès (et son désuccès). Sarkozy focalise l'opinion en proposant le débat de l'identité française. L'opinion ne préexiste pas au populisme, au nationalisme.
    Sur les médias notamment, cette phrase de A.K. m'a frappée sur les premiers jours du régime de Vichy : « Les mobiles de la campagne [médiatique] antianglaise (la justification de soi française et les pressions allemandes) sont trop évidents ; et l'homme de la rue imagine l'influence allemande sur la presse française et la radio plus forte qu'elle ne l'est ; il se représente un soldat boche, revolver au poing, debout derrière le micro et la chaise de l'éditorialiste. » (p.293, Calmann Levy 2013). Aujourd'hui encore (dont le débat de l'Humanité de ce jour sur la médiatisation biaisée des conflits sociaux), on évoque la pression active des propriétaires et annonceurs ou de la police ou la préoccupation mercantiliste du directeur : mais n'est ce pas plutôt le métier même du journaliste qui vous incite à aller dans le sens de la conservation et de la peur ? La phrase classique « La manif s'est déroulée sans incident » est déjà une manipulation 'conservatrice' de l'info. La remarque de l'article « on se tromperait à voir une quelconque idéologie là dedans » me paraît limiter la dérive journalistique au buzz et au mercantilisme, alors qu'il y a un réel travail 'conservateur'. Ils « crient avec les loups », pour dire autrement.
    3/ Discours moralisateur. Il y a une posture morale dans le discours fasciste aussi, qui parle de balai, d'épuration et de force de la saine jeunesse ('en milice') contre la racaille, les cancrelats et le sang impur. Il y a une valorisation, même pour le manifestant de la MPT. Le tort de la gauche est d'être sur la défensive morale ('c'est mal'), ce qui est différent, non valorisant. Injurier Taubira, c'est mal, mais elle a « regretté que ne se soit pas levée une belle et grande voix » : avec raison. Pour glorifier d'abord l'institution et la fonction, et la militante.
    4/ Mussolini et Hitler et Pétain arrivent au pouvoir quand les dirigeants élus n'ont plus d'alternative, ils sont la solution d'un blocage politique. Ils sont plus incontestables qu'un dirigeant élu (et suppriment tout passage devant l'électeur). L'important n'est donc en ce sens pas tant 2017 (le Fn marquera des points !) qu'une panne du système démocratique : et déjà on prépare l'opinion à s'en passer un jour... . Alors « on » appellera MLP ou Nicolas S. ou un autre... pour recevoir un appareil d'État aux ordres, une opinion mûre à point, des médias, des intellectuels et des arrivistes serviles. (Dans l'autre camp, Melanchon aussi a pris une posture d'homme mobilisateur et 'pur' ou 'moral' --plutôt que rationnel et gestionnaire. Il est déçu dit-on que le PCF ait pactisé avec le PS dans les majorités municipales).

  9. Je pense également que le "combat" contre l'extrême droite en est resté aux années 80. Franchement, les discours sur le FN (qui reste le gros parti représentant l'extrême droite) sont les mêmes depuis 30 ans, alors que le FN a bougé. Attention, je ne dis pas que le FN est devenu sympa, juste qu'il n'est plus le FN des années 80.

    Suffit de voir les "exemples" de la corruption des élus FN, qui datent souvent d'avant 2000, quand sur les derniers mois, le FN a exclus plusieurs élus ou candidats qui avaient dit/fait de la merde, et ce toujours en quelques jours (à comparer avec le PS/l'UMP/les autres partis... lol).

    Sinon, on lui tape dessus, mais n'importe comment. Dernièrement, on a pas mal entendu parler d'un maire FN (j'ai plus le nom) qui avait fait supprimer la gratuité de la cantine pour les enfants de chômeurs, alors qu'il roulait en Mercedes. Je regarde d'un peu plus prêt, la cantine est surchargée, et il reste encore pas mal d'aides sur le coût de la cantine, réduisant le coût d'un repas à 1,54€ (ou 1,57, je sais plus). L'élu indique avoir acheté sa Mercedes d'occas, à 3000 euros. Bref, si on se penche un peu sur le sujet, pas vraiment de quoi fouetter un chat.

    Bref, le discours anti FN/extrême droite est aujourd'hui complètement à côté de la plaque (alors qu'il y aurait tellement à critiquer).

  10. """Ainsi nombre d'europhobes du Front National fantasment la situation de la France avant son entrée dans l'Europe."""

    C'est dommage de ne pas voir qu'il y a là un facteur important de succès du FN, et même de le voiler derrière un vocabulaire dégradant ("europhobe" a une consonance plutôt négative, il est clairement conçu pour fonctionner comme "xénophobe", etc. ; et je passe sur l'idée d'un "fantasme", comme s'il n'y avait pas des économistes sérieux - Sapir, Lordon - pour vilipender la construction européenne). J'abonde dans le sens de Calembredain ci-dessus, la gauche actuelle (y compris la gauche "de gauche") reste paralysée à toute idée d'invoquer la souveraineté et l'indépendance nationale. Contrairement à cet article, je pense justement que c'est lors de ses rares interventions en ce sens que Mélenchon a pu dépasser le public traditionnel de l'extrême-gauche et parler à une part plus grande du corps social (mais, bien sûr, il a probablement à cette occasion froissé le sentiment d'une bonne partie des bruyants groupuscules qui constituent l'extrême-gauche).

    Enfin cet article me semble aussi caractéristique de cette obsession de l'extrême-gauche à vouloir cartographier l'ennemi (il semble qu'il y a même des gens, autoproclamés "antifascistes", qui font ça à temps plein) plutôt que de réfléchir à résoudre ses propres impasses. Par exemple, plutôt que de s'étonner que "Les extrêmes-droite ont toujours su s'organiser de manière efficace", l'extrême-gauche devrait se demander pourquoi elle est elle-même incapable de la moindre solidité organisationnelle.

    (et, en fait, une réponse possible est qu'elle n'en a pas envie : je pense qu'une part importante de l'extrême-gauche ne veut pas se frotter aux responsabilités de la politique, ce pourquoi elle aime se passionner pour des tas de sujets extérieurs, de la Palestine aux indiens d'Amazonie ; ou bien se réfugier dans une production académique d'autant plus pléthorique qu'elle est sans effet sur le réel)

    • - je ne vois pas où vous pouvez assimiler progressiste et la gauche. Comme le souligne Martin en com et comme je l'ai assez souvent dit, ce qu'on appelle la gauche se manifeste assez souvent pour son sexisme, son racisme et son homophobie (entre autres).
      - je parle uniquement de la vision de l'Europe des partis d'extrême-droite ; en aucun cas de la position d'autres politiques ou économistes. La vision du FN est en efet europhobe comme elle est xénophobe et fondée sur des fantasmes d'une France qui n'a jamais existé.

      • """ Comme le souligne Martin en com et comme je l'ai assez souvent dit, ce qu'on appelle la gauche se manifeste assez souvent pour son sexisme, son racisme et son homophobie (entre autres)"""

        Et le progressisme non ? Gauche et progressisme sont des termes assez polysémiques, revendiqués par des groupes disparates, et je veux bien que l'on remplace l'un par l'autre dans mon commentaire, cela ne change de toute façon pas grand'chose au fond.

        """La vision du FN est en efet europhobe comme elle est xénophobe et fondée sur des fantasmes d'une France qui n'a jamais existé."""

        Probablement. Je ne connais pas assez bien le FN (et certainement pas de l'intérieur) pour être capable d'ajouter à cet argument. Par contre je pense que l'électorat FN, lui, est plus divers que la base militante, et que tous les électeurs FN ne sont pas forcément obnubilés par l'image fantasmée d'une France passée. Le rejet de la construction européenne chez ces gens-là peut être plus proche de celui défendu par certains anti-européens de gauche (ou progressistes :-)).

  11. Encore une chose :

    """C'est par exemple toute la stratégie des réactionnaires militant contre le mariage homosexuel, souligner qu'on est très bien ainsi et qu'on ne sait pas ce qui se passerait s'il y avait un changement. Peu importe que cela soit complètement irrationnel, il suffit d'insuffler un "et si" pour que cela fonctionne."""

    La peur du changement et de l'inconnu n'est pas si irrationnelle ; c'est d'ailleurs la base d'une partie des discours "de gauche" (comme les discours technophobes, les critiques du capitalisme débridé et de la dérégulation, la défense du principe de précaution, etc.). Cela défrise sûrement certains d'évoquer ces sujets en analogie avec le combat des anti-mariage homo, mais les ressorts sous-jacents sont bien les mêmes : c'est juste les sujets d'inquiétude qui changent.

    (évidemment, un militant gauchiste authentique n'admettra *jamais* que le mot conservatisme puisse avoir la moindre connotation positive ou neutre : il préférera donc masquer ses propres conservatismes - aussi justifiés soient-ils - sous d'autres vocables plus acceptables à ses yeux)

    • Les discours technophobes (dont le principe de précaution) ne prennent pas leur origine dans une angoisse irrationnelle mais dans la guerre moderne, la bombe atomique, Tchernobyl, la vache folle, le changement climatique etc. A la fin du XIX on croyait que la science allait résoudre tous les problèmes de l'humanité, au XX on a pris conscience que pour la première fois, l'humanité, grâce à la science, pouvait détruire toute vie sur terre. Ce n'est d'ailleurs ni de droite ni de gauche.
      Que l'on puisse s'étonner que la gauche ait encore du mal à invoquer la souveraineté et l'indépendance nationale me surprend.... L'internationalisme, c'est l'essence même de la gauche. La guerre de 14 que l'on commémore aujourd'hui est le symbole pour la gauche de l'absurdité du nationalisme. La critique de gauche de l'Europe, c'est que l'on a créé une Europe du capital et non une Europe des travailleurs.

      • L'internationalisme, c'est l'essence d'une partie seulement de la gauche. Ou alors le PC à l'époque de Georges Marchais était en partie de droite.

      • """Les discours technophobes (dont le principe de précaution) ne prennent pas leur origine dans une angoisse irrationnelle mais dans la guerre moderne, la bombe atomique, Tchernobyl, la vache folle, le changement climatique etc."""

        À moins de considérer détenir un critère infaillilble de la "rationnalité" (bonne chance), cet argument n'en est pas un. Si tu discutes avec un anti-mariage homo (oh, pas forcément longtemps, hein :-)), il est convaincu que sa position à lui est totalement rationnelle. À l'inverse, un partisan convaincu du progrès technologique te dira que ta position est irrationnelle, que le progrès technologique a amélioré les conditions de vie de centaines de millions de gens, qu'un ouvrier d'aujourd'hui vit mieux qu'un noble du treizième siècle (ou qu'un ouvrier des années 50), etc. Et c'est une position parfaitement défendable.

        """L'internationalisme, c'est l'essence même de la gauche."""

        Seulement à condition de décider que tout ce qui n'est pas internationaliste n'est pas de gauche. Ce n'est pas très sérieux. Si chaque tendance se bat pour imposer son "essence de la gauche", on n'est pas sortis de l'auberge.

        """La guerre de 14 que l'on commémore aujourd'hui est le symbole pour la gauche de l'absurdité du nationalisme."""

        Je suis d'accord. Mais la solution à l'absurdité du nationalisme n'est pas forcément l'internationalisme.

  12. @ Antoine, le "problème" de l'extrême-gauche et aussi de la gauche en général, c'est que par essence même ils sont contre la notion de leader avec une organisation aux ordres type armée. Les adhérent-participants critiquent toujours dans l'idée d'améliorer les choses - et que surtout le responsable n'a sûrement pas la science innée.
    Hors nos systèmes politiques (et est-ce possible d'en avoir un différent avec une nombreuse population?) par défaut poussent à ce système de "leader et de pensée unique".
    La grande "chance" de la droite c'est de se faire tous les coups fourrés pas possible mais quand il y en a un qui gagne tout le monde se met aux ordres. L'élection de 2007 a été très révélatrice, sarkozy a été encensé par la droite (même ceux qui étaient contre lui parce que le principal était de gagner) alors que royal a subi les coups fourrés des autres éléphants même quand elle a été désignée aux primaires.
    Il y a eu un certain désenchantement de ceux qui ont voté à droite pour sarkozy parce que ce n'était pas un magicien avec une baguette magique, il n'a pas pu tout changer comme il voulait, mais au final ces électeurs voteront toujours à droite. Et du coup comme ils "pressentent" après ce passage de la droite que même la droite ne peut plus être forte comme le temps jadis (où le moins qu'on puisse dire c'est qu'on imposait nos desireta aux autres pays notamment du sud dans un traitement inégalitaire) puisque elle est sensée faire un consensus et des compromis avec toute la population et nos partenaires de l'ue et internationaux, ils sont tentés de voter à l'extrême-droite qui leur promet que si c'est possible de redevenir puissant et "supérieur" aux autres pays (comment sans réserve pétrolière et sans guerre et sans injustice envers le reste du monde,mystère et boule de gomme...).
    Les électeurs de gauche ont eu la même déconvenue avec hollande en découvrant qu'il devait aussi faire des consensus avec 49% du reste de la population, et d'autant plus que par principe il n'est pas considéré comme le chef des armées à qui on doit obéir sans critiquer. Du coup, certains se penchent vers la droite (ce que ne feraient jamais un électeur de droite)...
    Donc finalement tout le monde penche de plus en plus vers la droite, parce qu'on encense encore louis 14, napoléon, notre puissance d'avant qui se faisait uniquement au détriment du reste du monde, cette peur d'être marginalisé parce qu’inéluctablement 65 millions de personnes n'ont pas être plus puissants et décisionnaires que des pays comme l'inde ou la chine ou la russie...
    L'autre grand problème de la gauche est qu'ils confondent débat sur l'immigration et racisme. Comme ils refusent complètement d'en parler, il n'y aucun débat "sain" sur l'immigration. On peut parler de la disparition de la langue bretonne au profit du français mais surtout pas de la disparition de la crêperie au profit du restaurant chinois. Du coup et c'est très effrayant j'en entends de plus en plus dire "ben puisque vous dites que je suis raciste ben ok je le suis!" alors que ces personnes se posent juste la question économique de l'immigration (même si elles ont tort il faut encore leur démontrer au moins, et même si 51% des français restent sur leur position après un débat, ils en ont le droit, ce n'est pas immoral). Et du coup les vrais racistes s'en donnent à coeur joie, décomplexés.

  13. Mouais.

    Il me semble pourtant bien que l'extrême droite (actuelle: le FN et les groupuscules, rassemblements, etc, qui voisinent avec lui) n'a officiellement jamais été au pouvoir - en dehors de quelques municipalités - dans ce pays;
    et que la société française n'a aucun besoin d'avoir cette extrême droite au pouvoir pour être masculiniste, raciste, coloniale, et j'en passe.
    Bien sûr, l'extrême droite pratique en particulier une surenchère et un outrancier maximalisme raciste, masculiniste, etc.
    Mais tout de même.
    Non seulement se dire progressiste n'a jamais mis aucun électeur de gauche à l'abri de participer lourdement au racisme et à l'infériorisation des femmes (entre autres), mais encore, l'électoralisme démocratiques et ses barnums médiatiques n'ont de cesse d'offrir aux premiers des défenseurs de privilèges venus, comme aux moins scrupuleux des manipulateurs de pétoche et de couardise, et avec la plus répugnante des complaisances, les électeurs, ces consommateurs de propagande politicienne aux besoins avides, et les emplacements en tête de gondole nécessaires à leurs visées cyniques et intéressées.
    Manipulateurs et représentants des privilégiés qui n'ont pas attendu que la société industrielle produise un internet ou la désormais archaïque télévision pour s'adapter à la fiction démocratique, et faire montre de moins de vergogne que la naïveté citoyenne progressiste: laquelle entend surtout ne jamais discuter ni dépasser ce qu'elle se plait à croire le nec plus ultra de l'humanité - son pouvoir, sa démocratie et droits de... l'homme. A propos d'internet, il me semble qu'on peut prêter à la classe politique française, aux hommes et femmes d'Etat, au monde des médias, une influence bien plus lourde encore que celle que vous prêtez ici aux seules qualités organisationnelles de groupuscules sur le net. Lorsqu'un homme politique de droite ou de gauche, au gouvernement, ou voué à figurer dans un prochain, y va de sa petite phrase, l'effet libérateur, pour la haine et le mépris les plus crasse, est autrement assuré - et tous les médias y participent. Bien sûr, la maximalisation du nombre de clics, etc, vient contribuer à cela - mais la "lepénisation" des esprits, si elle continue désormais avec internet, est un processus qui s'opère depuis le milieu des années 80, pour le moins, auquel toute la classe politique a lourdement contribué.

    Comme je ne pense pas que l'extrême droite constitue à elle seule "le problème", aussi répugnante et hostile s'efforce-t-elle d'être (et il ne fait aucun doute à mes yeux qu'elle s'y emploie) - je pense aussi que la gauche, y compris extrême, et même plus extrême et plus écarlate que ça, et même antiparlementaire et libertaire, et le progressisme, au même titre d'ailleurs que la droite et la réaction, se trouvent participer pleinement du problème, et en aucun cas d'une "solution" (pour autant que les termes "le problème" et "la solution" puissent ici avoir un sens) qui me semble impliquer une profondeur de remise en question et de réflexion personnelle, individuelle, singulière, que non seulement aucune adhésion, aucune caution, aucun soutien à un courant politique n'ont jamais réclamé, mais qui plus est que la politique a toujours étouffé et combattu, ne serait-ce qu'au nom du genre d'efficacité immédiate que requiert toujours la lutte pour le Pouvoir. (j'ai inclus les libertaires parmi ceux qui luttent pour le pouvoir: histoire de rappeler qu'en 2002, tous ceux d'entre eux qui l'ont pu se sont empressés d'aller voter Chirac, et de plaindre la démocratie accablée par la présence de Le Pen au second tour, ce que pour ma part je trouvais plutôt risible, n'étant depuis longtemps plus parvenu à imaginer que l'Etat, son Pouvoir et sa démocratie pouvaient être autre chose que l'ennemi de chacun-e).

    Le problème n'est donc pas à mes yeux que le FN soit ou pas au premier ou au second tour de prochaines élections: puisque le masculinisme, le racisme, la propriété et toutes les inégalités et hiérarchies institutionnelles qui constituent l'épine dorsale de la société libérale et progressiste, de la démocratie, de la "liberté" et "l'égalité" que nous connaissons, ont toujours été et sont toujours représentées au second tour, par les deux candidats qui y accèdent, quel que soit leur parti, et les jérémiades des électeurs floués (pléonasme) qui s'en suivent.

    Bref, au mieux, je suis perplexe quant au sens de cet article, qui me semble bien plus contre-productif - agiter encore une fois le chiffon brun de l'hideuse extrême droite menaçant la démocratie ne peut mener qu'à croire que les individu-e-s auraient des intérêts communs avec l'Etat, et aussi avec la société en l'état - plutôt que propre à susciter de nécessaires inconforts et remises en question quant à leur propre contribution à cette société, chez toutes celleux qui se plaisent si visiblement à s'imaginer déjà arrivés parce que se disant antifascistes (ça ne mange pas de pain), ou seulement démocrates et "progressistes" ou d' "extrême gauche" (cela en mange encore moins), et que vous étrilliez jusqu'ici avec un peu plus de vigueur, ou moins de retenue, d'habitude, dans les pages de ce blog.

    Se pourrait-il que quelque chose m'ait échappé?

    • Note que si j'emploie le terme de "progressiste" c'est justement pour ne pas employer le terme de "gauche" car en effet, comme tu le soulignes, être de gauche n'empêche pas d'être sexiste, raciste etc.
      Je pense qu'une MLP marquera quand même quelque chose, le fait d'assumer qui son racisme, qui son homophobie ce que le vote pour le PS ou l'UMP permet encore de nier.
      J'aurais peut-être du insister sur un point de mn article quand je partie de dédiabolisation/diabolisation parce qu'il est fascinant de voir des gens - particulièrement ceux qu'on appelle des intellectuels (...) - cnspure l'extrême-droite alors que nombre de leurs idées s'en rapprochent (Rioufol, Finkielkraut etc).
      Je crois que voter FN signifie encore quelque chose ; un verrou qui saute ? mais peut-être me trompe je puisque je partage la totalité de ton commentaire.

      • Merci de ta réponse.

        je ne sais pas si ce que qu'elle m'inspire apporte ici des arguments, mais je te le propose quand même:

        Ce qu’il me semble probable, c’est qu'à l'avenir une candidate FN à un second tour ne donnera plus lieu au massif phénomène (grotesque à mes yeux) de « barrage républicain » vu en 2002, etc. – et que le vote sera, sinon serré, du moins beaucoup moins large. Bis repetita non placent. (Pour celleux qui n’auraient pas appris comme moi le latin en lisant une bd vieille france comme Astérix, « ce qui est répété ne séduit plus »)
        Je pense que c’est le mythe démocratique lui-même qui est victime de l’usure du pouvoir, et que le fait que le Pouvoir démocratique ait eu depuis trente ans recours à la mise en scène de la menace d’un croquemitaine FN s'est avéré un expédient qui contribuait à accélérer cette irrémédiable usure.
        Aujourd’hui, le monde de la politique, entièrement gangrené par la rhétorique d’un parti dont il s’imaginait employer impunément l’existence à son avantage, et confronté à sa toujours plus mince crédibilité ne semble plus capable de faire autre chose que de continuer grotesquement à tirer sur la même pauvre ficelle de la « montée du FN », et à prétendre vis-à-vis de lui à une « différence » essentielle de plus en plus difficile à argumenter – si ce n’est au niveau de l’expérience du pouvoir.

        Assez ironiquement, une certaine forme de ferveur « démocratique » me semblent ne plus guère se trouver que chez les seuls électeurs et électices du FN,- elleux persistent à croire en leur vote! - lequel ne fait qu’employer au mieux et à ses fins (avant tout, exister) l’artefact électoral, cette énorme machinerie que met en scène l’Etat démocratique lorsqu’il renouvelle une partie de ses ... hommes.
        Quant aux médias, le FN n’a jamais eu besoin de louer leurs services : il y a trente ans qu’ils assurent spontanément sa promotion pour lui, et d’autant mieux encore lorsqu’ils ont la délirante prétention de vouloir le combattre. (ce spectaclisme médiatique qui se mêle si spontanément, au nom de son attachement à la démocratie, de « combattre la démagogie » semble décider à toujours se dissimuler que sa simple existence lui est indispensable, et travaille à la produire et la renforcer)

        Il y a quelque chose de violemment ironique de voir combien le Pouvoir démocratique et son libéralisme s’use ainsi sur lui-même, sans qu'aucune lutte autonome des dominé-e-s, féministe, indigène, etc., sans qu’aucun libertaire, anarchiste, anti-étatiste, anti-parlementaire n’y soit pour rien. (pas plus que l'extrême droite d'ailleurs)

        De mon point de vue, une part de celleux qui votent FN s'imaginent ainsi défier le Pouvoir, sous sa forme présente, c'est à dire l’Etat démocratique - alors qu’ils n’ont manifestement à leur disposition aucun outil pour commencer à penser contre lui, et qu'ils se comportent de fait comme les plus zélés de ses électeurs, en bons petits soldats du libéralisme.
        Et le vote FN est, entre autre, une conséquence du caractère fermé, abouti, total, et autosatisfait de la pensée démocratiste (je le sais, je néologise, mais il faut bien commencer de forger des termes pour mettre fin à l'impensable et à l'indicible), de cet acharnement à vouloir être gouverné, à cautionner l'existence de l'Etat, d'un pouvoir, qui se complaît toujours à dire « la démocratie, c'est le pire des gouvernements, mais on n’a pas trouvé mieux ». Il me semble que ce côté sans réplique, clôt, ce mépris qui caractérise le propos démocratiste (si t’es pas content-e, fonde ton parti, etc. ; si tu ne votes pas, eh bien fermes-là, et autres subtiles réparties dont l'arrogance trahit combien celleux qui les tiennent savent qu'à ce moment-là ellils se trouvent aux côtés du plus fort, aux côtés du Pouvoir) explique en partie le fait qu'une partie de ces déçu-e-s qui continuent à voter aient tant besoin de ce même croquemitaine comme point de fixation : celleux qui votent FN comme celleux qui y font barrage se montrent également incapables de penser contre le Pouvoir qu'ellils subissent tel qu'il existe, c'est à dire sous sa forme démocratique, également incapable d'envisager un autre paradigme, et de seulement porter un regard critique sur le jeu auquel ellils jouent, sur ce qu’ellils y font, sur ce qu’ellils y sont.

        Il y a donc quelque chose d’un serpent démocratique qui se mordrait lui-même la queue, dans l’existence du FN et de ses quelques millions de votes.

        Il y a peut-être là quelque chose du "verrou qui a sauté" : après tout, si son père se satisfaisait d’être le leader d’un parti fondé sur la provocation, voué à l’opposition, Marine Lepen, elle, arrivée à la politique quelques décennies de spectacle plus tard, y joue un autre jeu, et vise, sinon l’accession au Pouvoir, au moins un emploi de trouble-fête bien plus encombrant.
        Mais comment dire ? Tous ces gens jouent tout de même un jeu de dupe et de faux-semblants assez sinistre, et depuis longtemps éculé. Bien sûr, ce jeu, nous le subissons toutes et tous, et plus encore les cumulardes, en matière d'infériorisation; et comme se l'entendent dire tant de dominé-e-s, « si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est la politique, etc. (air connu) ».
        Seulement, ce que ne tiennent à ignorer les rabatteurs au service de la politique si prompt à ressortir cette pauvre menace, et à vouloir « mobiliser » autrui, c’est que cette politique là « s’occupe d'elleux » de toute façon, et d’une façon plus profonde encore qu’ellils ont l’inconséquence de lui ouvrir grand la porte de leur pensée en se croyant spontanément la capacité de « s'occuper de la politique » (au sens de corriger la politique, de la rectifier, de l'améliorer) sans avoir eu la prudence de critiquer les catégories avec lesquelles ils entendaient le faire. Ces stratèges incompétent-e-s, ignorant-e-s qu'ellils sont de l'importance des rapports de force et de la nécessité de juger du moment où l'on se trouve, acceptent toujours de se placer sur le terrain du Pouvoir, d’agir selon ses modalités - en votant, en intégrant un parti, en soutenant un candidat - et son calendrier - ses élections et campagnes -, et de se penser elleux-mêmes, et ce qu’ellils font, en les termes que ce même Pouvoir leur a fourni - démocrates, citoyennes, électeurs, etc. et j'en passe.
        Bref, de cette politique, celle là même qu’ellils prétendent vouloir changer, dont ellils prétendent vouloir « s’occuper », ellils en font, platement, comme monsieur Jourdain faisait de la prose : leur prétention à la subvertir se tourne aussitôt en participation, en banale mise à son service. Des générations se sont crus armées pour « s’occuper de la politique » ( et qui n’étaient pas pour autant des imbéciles, mais plus sûrement, au moins sur ce point précis, des inconséquents) et s’y sont livrées corps et âme.

        De mon point de vue (et de quelques autres, bien plus remarquables que le mien, auquel il doit beaucoup), si penser LE politique, penser politiquement est indispensable, en revanche faire de la politique, « s’occuper de la politique », est donc la "première des dernière chose à faire".
        Et le progressisme ne me semble pas échapper le moins du monde à ce travers.
        D'ailleurs il ne me semble pas que les plus remarquables des féministes radicales, des critiques de l'hétérosexisme comme des anticolonialistes se revendiquent trop facilement de ce genre d'étiquette, qui me semble résolument ancrée dans une histoire blanche et masculine, et inséparable de l'universalisme complaisant du même haut de panier, ou plutôt du même fond de tonneau.

        Je veux bien faire un distinguo entre la gauche et le progressisme (je concède qu’il y a des progressistes qui rechignent à se dire de gauche, et qu'il y a des électeurs de gauches qui en ont tout autant à l’égard du progressisme), mais il me semble clair que les deux se chevauchent d'autant plus qu'ils ne savent aussi guère que faire de la politique, c'est à dire se couler dans des formes de conception des luttes préexistantes et déjà intégrées à la société actuelle.

        Et que, de quelque condition infériorisée que l'on parte, rejoindre un "progressisme" mène au mieux à faire un détour plus qu'inutile - et expose inévitablement à se voir jeter dans les jambes par le pouvoir démocratique des "menaces fascistes" et autres "périls réactionnaires" dont c'est probablement là le meilleur rôle, sinon la première fonction.

        (j'aurais aimé parvenir à être moins long, mais cela m'est vraiment difficile).

        • S'en prendre à la démocratie me paraît être une méprise importante. Non pas tant que la cause de cette forme de participation politique pauvre et furieuse, en quoi consiste l'adhésion au discours du Front National, serait indépendante de nos structures institutionnelles contemporaines ; mais bien plutôt parce que nous ne sommes pas en démocratie. L'effondrement généralisé de la puissance politique des gouvernements participent pleinement de la prise de conscience actuelle, ça ne fait pas de doute ; pourtant c'est la corrélation entre élection et démocratie qui est originellement viciée. Et ce d'autant plus que le régime représentatif électif n'a pas été construit pour créer une démocratie mais bel et bien contre elle ! Et ce de manière absolument délibérée (voir les travaux de Francis Dupuis-Déri). La novlangue existait avant qu'Orwell ne la théorise, si l'on peut dire, à ceci près que le cynisme n'était pas forcément conscient. Le XXème siècle a fini d'empêcher la pensée démocratique d'émerger en substituant aux catégories opposées à la démocratie (que furent la monarchie et l'aristocratie) celle du totalitarisme.

          L'élection favorise une forme d'aristocratie non-nobiliaire, débouchant très sûrement sur une ploutocratie aux intérêts bien compris. Et ce pour plusieurs raisons : que ce soit en raison de la présélection des candidats, du critère financier des campagnes, et même du point de vue de l'électeur (le "cens caché" selon la formule de Daniel Gaxie).
          Les partis d'extrême droite le comprennent bien qui font alliance avec les puissances financières quand elles le peuvent : à choisir, ces dernières préfèrent s'allier aux partis de l'ordre plutôt qu'aux partis de l'égalité. Les partis d'extrême droite bloquent les processus de remise en cause des inégalités en favorisant la guerre entre des pauvres entre eux.

          Sur le progressisme :
          Le progressisme empêche de penser la lutte contre l'extrême droite parce qu'il place au centre de la discussion politique toutes les questions qui ne remettent pas en cause la société de domination. Le féminisme (exemple pris totalement au hasard !) promeut la fin de la domination masculine sur la gente féminine : pas la disparition de la domination. Les femmes pourront dominer les hommes et inversement de manière totalement égale. Les homosexuels vont désormais avoir les bonnes raisons de pleinement haïr les petits étrangers maintenant qu'ils ne feront plus partie des pestiférés. Le progrès est évident, et à tout prendre, je préfère cette égalité là qu'à aucune autre. Mais ce progressisme étriqué ne résoudra jamais la question de l'extrême droite : progressisme et conservatisme ont besoin l'un de l'autre. Sans conservateurs, le progressisme ne peut plus jouer le brave héros du bien contre le mal, il ne devient plus que le sursaut continuel vers l'éternel lendemain et la haine du présent indépassable.
          C'est pourquoi il faut peut-être penser les questions du progressisme dans d'autres termes que celui du progrès. Être pour l'égalité entre les hommes et les femmes, les hétéros et les homos, entre soi et les autres sans être contre le passé, le présent et le futur antérieur.

          • Je m'en prends, et j'invite chacun à s'en prendre à la démocratie parce que c'est la forme actuelle du Pouvoir. Celle qui historiquement constitue la légitimation la plus élaborée du Pouvoir. Et qui repose sur l'idée de Peuple, cet opportun fourre-tout où chacun, selon sa position sociale, a le loisir de voir ce qui lui convient, ce qui permet toujours à tous les amis du Pouvoir de prétendre qu'en fait, nous ne serions pas vraiment en démocratie - parce que l'idée qu'ils se font du peuple, c'en est une autre que celle qui est opérante aujourd'hui, vous voyez bien. Et que s'il convient de lutter contre ce que nous connaissons au présent, il faudrait le faire au nom d'une insaisissable démocratie, vouée à demeurer éternellement suspendue dans le ciel des idées, vierge de la noirceur sanglante des conditions réelles de l'exercice du Pouvoir. Bref.

            Je m'en prends à la démocratie parce que je m'efforce de m'en prendre avec conséquence aux rapports sociaux de domination actuels, ceux au sein desquels je me trouve pris. Ce qui signifie que je m'en prends à l'idée même qu'un Pouvoir, qu'un gouvernement puissent être légitimes.
            Quant au "peuple", cette fiction permet surtout à chacun de venir s'anéantir dans une masse qui le dépasse irrémédiablement. Certes, il m'est arrivé d'avoir des pensées suicidaires et des idées nihilistes, mais contrairement à tous les démocrates amis du ou des peuples, je n'en fais pas une idéologie politique!
            C'est une question d'échelle. Il s'agit de partir de ce que nous sommes, réellement, des relations que nous entretenons chacune, chacun. Je ne connais que des personnes bien réelles, et je ne doute pas que vous ne soyez aussi dans ce cas. Au mieux, la démocratie, son Pouvoir au Peuple vallent comme abstraction. C'est le ciel religieux devenu profane, mais toujours aussi céleste. Ce qui lui permet de faire des ravages dans bien des têtes raisonnantes.

            La raison n'est pas l'entendement.

            Je suis très étonné par la sorte de lutte féministe, homosexuelle ou autre que vous semblez évoquer en fin de votre réaction à mon commentaire. Je ne pense pas que l'on puisse lutter contre une forme particulière de rapports de domination sans se condamner à devoir comprendre comment fonctionnent les rapports de domination. Ni avec quel argument consistant justifier la lutte contre l'un et la promotion d'un autre.

            Je sais qu'il est une récupération libérale qui voit ces rapports de domination comme un horizon indépassable (et qui s'assure d'en rester là en se refusant avec fermeté à les connaître, à en avoir l'intelligence, et en calomniant systématiquement la lutte contre ces mêmes rapports de domination, en persistant à la présenter en ces termes passéistes qui magnifiaient certes joliment, il y a un siècle ou deux, le généreux et si subtil progressisme libéral).
            Mais les féministes que je peux lire n'en sont pas à d'aussi grotesques incohérences.

            En fait, une telle accusation portée contre la lutte féministe confine, à mes yeux à la calomnie et au backlash masculiniste.

          • En fait, une telle accusation portée contre la lutte féministe confine, à mes yeux à la calomnie et au backlash masculiniste.

            Eh bien comme ça, au moins on sera d'accord, puisque l'insulte est de la partie, la discussion est close.

    • "Il me semble pourtant bien que l'extrême droite (actuelle: le FN et les groupuscules, rassemblements, etc, qui voisinent avec lui) n'a officiellement jamais été au pouvoir - en dehors de quelques municipalités - dans ce pays;"

      Je fais toujours des bonds, quand j'entend que l'extrême droite n'a jamais été au pouvoir en France.
      Faux, pour ce qui est des groupuscules cette extrême-droite à bien été de fait au pouvoir dans la forme même qu'ils essayent d'adopter, la forme des milices.
      Notez aussi que Pétain était quelqu'un de consensuel et rassurant dans son discours. Ce que toutes proportions gardées les têtes d'affiches FN essayent d'être.

      Donc la formule ED "rassurante" en tête de gondoles avec pour bras armés des groupe haineux fanatisés et instruit des idées de Maurras, n'est pas une tactique neuve.
      Jusque dans l'opportunisme, de nos jours ils n'ont pas de défaite militaires à exploiter, mais feraient bien leurs affaires d'une crise économique et démocratique.

      • Dire qu'à l'extrême droite, on trouve aujourd'hui comme hier, un parti qui s'efforce de paraître rassurant en public, et derrière, des groupuscules beaucoup plus haineux et agressifs, me semble tout de même assez peu remarquable, en terme de lucidité.

        En conclure que l'extrême droite actuelle serait la même que celle d'il y a 80 ans me semble par contre une grossière facilité, pour le mieux. D'un genre qui a le mérite de gommer non seulement l'importance des ravages sociaux et des bouleversements qui ont eu lieu entre temps, mais aussi, malgré ces bouleversements, la continuité des rapports de domination, malgré les luttes des dominé-e-s; Continuité assurée, encore une fois, et pour l'essentiel sans le concours d'aucune extrême droite au pouvoir, les sinistres méfaits commis par le bref gouvernement de Vichy ayant été pour beaucoup circonscrit à ses quelques années au poste de zélé valet du nazisme, et de pétochard lourdement préoccupé, sous couvert de nationalisme, de tirer profit d'une défaite pour venger les possédants de cette sainte diarrhée que leur avait valu ou leur valaient le Front Populaire, l'existence d'une URSS, l'internationalisme du mouvement ouvrier, ses luttes révolutionnaires en Allemagne, Italie et Espagne.

        Mais mon propos n'était pas là: mon propos était ici de rappeler que, si l'extrême droite est bien sûr toujours un soucis (en cela, elle est d'une constance remarquable), elle n'est pas LE problème: que le problème du racisme, du sexisme, du colonialisme, du répugnant et imbécile inégalitarisme, de cet essentialisme irrémédiable qui structure le libéralisme, se trouve profondément ancré, perpétré et institué au cœur de la démocratie, des partis démocrates et de leurs électeurs (et électrices, depuis ... 1945. Ah oui, c'est à dire après la fin du régime de Vichy.) . Au coeur de cette démocratie qui aime tant, depuis trente ans, brandir la menace de l'extrême droite actuelle comme pousse-au-vote auprès de celleux qu'elle infériorise, de cette démocratie qui ne sait que jouer le jeu imbécile de prétendre se faire peur avec l'extrême droite en mettant en scène à chaque élection, à grand renforts de Unes, de titres fracassants, et de sucroît de stigmatisation de cette pauvreté qu'elle produit, la prétendue "montée" de l'extrême droite, qui est la seule forme de contestation que la démocratie accepte de se connaître. Au cœur de cette démocratie qui se complaît à rejouer sans vergogne, en farce grotesque et toujours sur le dos des luttes de celleux que le Pouvoir actuel infériorise, la lutte, alors essentiellement ouvrière (et déjà, dévoiement contre-révolutionnaire) contre le fascisme d'il y a 80 ans.
        Il me semble par exemple que la capacité à muter dont a fait preuve la "tête de gondole" FN, et ces femonationalisme et homonationalisme que l'on rencontre aujourd'hui jusqu'à la gauche de l'extrême gauche, sont en grande partie le produit de la grossière duplicité des prétentions affichées depuis peu par l'Etat démocratique à incarner et avoir assumé les luttes des lesbiennes, homosexuels et féministes, comme de la continuité de la pensée coloniale, et de ses prétentions éhontées à un universalisme blanc. Comme il me semble que la présence d'une femme à la tête du FN est un camouflet facile, mais néanmoins certain - le FN n'étant évidemment pas un parti féministe - face à l'incapacité des partis de gouvernement toujours enfoncés dans leur machisme à approcher ne serait-ce que l'apparence d'une "parité" qu'ils ont eux-même concédé. D'autant plus que ces même partis prétendent bruyemment, sans vergogne et par dessus le marché, protéger une égalité des sexes occidentales qui à les croire, et certes à un ou deux regrettables détails près, serait déjà là, sous la seule forme que le libéralisme conçoive: celle d'un libéralisme sexuel, contre les étrangers pratiquant cette mauvaise religion qui fait d'eux un genre de fascistes,( et de qui ose critiquer ce point de vue, un idiot utile au service des fanatiques religieux) et contre l'extrême droite de chez nous, que ces même mauvais étrangers et toujours pas assez français immigrés de la cinquième génération alimentent d'ailleurs, c'est dire s'ils sont irrécupérables, par leur mauvaiseté.

        Idéologiquement parlant, le paysage actuel est d'une toute autre complexité que celui d'il y a 80 ans. Et le problème des rapports sociaux de domination existant est le problème du Pouvoir tel qu'il existe aujourd'hui: c'est à dire, démocratique et libéral.
        Le Pouvoir tel qu'il pourrait peut être exister après demain, ou tel qu'il a pu exister quatre années durant, il y a 70 ans, ne saurait en être tenu responsable, même s'il existe aujourd'hui encore un parti pour regretter cette époque, et des groupuscules pour souhaiter maximiser ces rapports de domination.

  14. Bon billet (avec une divergence sur ton propos sur la loi Gayssot mais ok)

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